Campagne de signatures «Savoir et se taire ? De la nécessité des chercheurs dans l’espace public»

Campagne de signatures «Savoir et se taire ? De la nécessité des chercheurs dans l’espace public»

Une lettre-pétition circule actuellement, suite à la diffusion de l’article du président de l’Acfas, Pierre Noreau, Savoir et se taire? De la nécessité des chercheurs dans l’espace public dans Le Devoir le 21 août 2008.

 

Savoir et se taire ? De la nécessité des chercheurs dans l’espace public

Pierre Noreau

Président de l’Association francophone pour le savoir - Acfas

Chercheur au Centre de recherche en droit public (CRDP)

Professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal


Des événements récents rendent compte de ce que nous vivons dans une société qui fait de l’ignorance une vertu.

La publication dans la plus totale discrétion d’un rapport de Santé Canada sur l'impact sanitaire des changements climatiques au pays, suscitait récemment la critique des chercheurs qui y avaient contribué. On a vu là une façon pour le gouvernement d’«éviter que l'attention ne se porte sur un enjeu important ». Récemment l’Office québécois de la langue française retardait pour des raisons équivalentes la publication d’études conclues depuis longtemps sur la situation linguistique québécoise.

Ces exemples tirés d’une longue liste sont portés par la même logique et le même paternalisme : « ce qu’on ne sait pas ne fait pas mal…» On s’enferme alors lentement dans la logique de l’aveuglement.
Vivre dans une société du silence…

On peut s’inquiéter de ces faits récents qui rappellent des pratiques qu’on rencontre jusqu’ici dans les États totalitaires où le secret fait figure de principe d’action. Sur un autre front, la presse fut prompte à faire remarquer que le public avait droit aux données et aux conclusions des recherches financées à même les fonds publics. Mais, au sein d’une démocratie, c’est un peu gênant d’avoir à le rappeler…

Ces événements particuliers doivent être placés au même rang que d’autres, qui semblent a priori différents mais relèvent en fait de la même logique. Toutes ces pratiques visent à faire taire les chercheurs, les penseurs ou les intellectuels, sinon à empêcher que soient débattus certains des enjeux qui balisent l’avenir immédiat ou lointain des individus et des collectivités. C’est cette logique qui présida au congédiement de la Présidente de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Lynda Keen, sous la pression de l’industrie. On reprochait notamment à Linda Keen son entêtement à imposer à Énergie atomique du Canada des normes de sécurité que seuls les concurrents du réacteur canadien CANDU pouvaient garantir. On s’engonçait ainsi dans une rationalité troublante…

Sur une autre échelle, les poursuites bâillons (SLAPP) entreprises par l’industrie minière contre les auteurs de l’ouvrage Noir Canada et la maison d’édition Écosociété révèlent la fragilité du statut du chercheur et le risque qu’encourent les intellectuels et les penseurs dans notre société. Chercher à comprendre notre monde devient une activité risquée, surtout si on a le mauvais goût de faire savoir ce qu’on y découvre… Galilée aussi était sous la coupe des pouvoirs de l’époque. Érasme cherchait constamment à se mettre à l’abri de l’autorité religieuse établie. Isolé, le penseur est rapidement tenté par l’autocensure. Copernic ne publiera ses travaux qu’à la toute fin de sa vie, certain de se mettre ainsi à l’abri de tous ceux que ces conclusions risquaient de déranger. L’œuvre de Voltaire tombait sous le coup de la censure au fur et à mesure que paraissaient ses travaux. Le décès récent de Soljenitsyne nous renvoie à la fragile destinée de celui qui pense. Un simple constat devient rapidement une dénonciation… notamment lorsque le silence tue, menace la santé publique, favorise l’exploitation d’un groupe par un autre ou fait craindre le pire pour l’avenir de la planète.


La place de la recherche et la parole du chercheur

On sait qu’au sein de nombreux secteurs de l’industrie, et même dans les universités, les chercheurs sont parfois confrontés à des dilemmes équivalents. Faut-il parler ou se taire… C’était récemment le cas au sein de l’industrie pharmaceutique comme en fait foi la saga entourant les anti-inflammatoires Vioxx et le Celebrex, épisode qui devait révéler la nécessité que soit assurée l’indépendance du milieu de la recherche, l’autorité des organismes de tutelle et la liberté d’expression des chercheurs.

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