Abolition du Conseil du statut de la femme - lettre de Louise Langevin à Lise Ravary

Abolition du Conseil du statut de la femme - lettre de Louise Langevin à Lise Ravary

Le 22 septembre 2008 Mme Lise Ravary Rédactrice en chef Châtelaîne Objet : abolition du Conseil du Statut de la femme Madame Ravary, Permettez-moi de réagir très fortement à votre proposition d’abolir le Conseil du Statut de la femme (dans votre billet de l’édition d’octobre 2008). Vous affirmez que les Québécoises n’ont plus besoin d’un tel organisme à l’heure où une femme dirige un des principaux partis politiques québécois. À quand remonte l’élection d’une femme première ministre du Québec ? Qui au Québec est victime de violence intime ? Qui gagne moins que les hommes pour un travail équivalent ? Qui est encore plus pauvre à l’âge d’or ? Qui s’occupe des enfants, des pauvres, des malades et des vieillards dans notre société ? Qui doit se battre encore une fois pour protéger le droit à l’avortement ? Qui doit se battre contre les effets de la montrée de la droite religieuse ? Qui a dû aller devant les tribunaux pour obtenir gain de cause contre Gaz Métro à la suite de discrimination systémique en emploi ? Qui ? Consultez les dernières statistiques. Il reste du travail à faire pour atteindre l’égalité réelle pour les femmes. Les Québécoises ont besoin d’un organisme de consultation et de surveillance sur les questions qui les touchent. Sans être toujours d’accord avec toutes les propositions du CSF, je considère que cet organisme a produit au cours des années des avis et des études nécessaires et très éclairantes sur la condition des femmes. S’il n’existait pas, on devrait l’inventer. Le Québec n’est pas chef de file pour rien en matière de condition féminine. Parlez-en aux Canadiennes hors Québec. Vous proposez « quelque chose de plus moderne » (sic) : un conseil du statut de la personne. Pourtant en 2005, tous les groupes de femmes qui ont soumis des mémoires en commission parlementaire concernant l’avis du Conseil du Statut de la femme, Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes, ont rejeté une telle proposition ! On repassera pour la proposition moderne. Selon vous, ce comité se réunirait trois jours par année pour discuter des questions d’égalité des chances qui touchent les hommes, les aînés, les enfants, les immigrants. C’est bien mal connaître les réalités de ces groupes et manquer de respect pour leurs revendications que de les réduire à trois jours de travail. Les discussions seront brèves. Le journalisme de qualité exige un peu plus de réflexion avant de faire des propositions. Quelle est votre crédibilité en matière de condition féminine ? Votre attitude revancharde s’explique par l’avis du CSF paru dernièrement sur l’hypersexualisation des corps des femmes, Le sexe dans le médias : obstacle aux rapports égalitaires. Votre magazine doit faire son mea culpa dans le rôle qu’il joue dans l’objectification du corps des femmes. Si c’est la façon de Châtelaine de « parler autrement aux femmes » et « d’être à l’image des femmes d’aujourd’hui », l’atteinte de l’égalité réelle pour les Québécoises vient de reculer. Louise Langevin Titulaire Chaire d’étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes Université Laval Québec