Déclaration pour garantir la participation et le leadership des femmes à toutes les étapes du Relèvement et de la Reconstruction nationale d'Haïti
Lettre ouverte aux Bailleurs de fonds pour la Reconstruction d’Haïti
Nous sommes une coalition de femmes de diverses origines travaillant et sur le terrain en Haïti ainsi que dans l’arène internationale. En tant qu’organisations engagées dans un partenariat avec les femmes haïtiennes pour garantir leur participation effective à la reconstruction d’Haïti, nous lançons un appel aux pays donateurs afin qu’ils adhèrent aux standards internationalement reconnus en matière de droits des femmes en ce qui à trait aux futurs investissements pour le relèvement et la reconstruction. Une telle approche basée sur les droits de la personne est une exigence du droit international. Elle est aussi cruciale pour la reconstruction du pays sur des fondations plus durables, équitables et résistantes aux désastres.
Ces dernières semaines, les officiels du Gouvernement haïtien ainsi que les représentants des partenaires ont travaillé à la préparation d’un premier jet d’une Évaluation des Besoins Post-Désastre (mieux connu sous son sigle anglais de PDNA) conçu comme une feuille de route pour la Reconstruction. Bien que le PDNA soit divisé en huit thèmes : gouvernance, secteur productif, secteur social, infrastructure, aménagement du territoire, environnement et réduction des risques de désastres, analyse économique et secteur transversal (y compris genre, jeunesse, culture, protection sociale, etc.), un seul et unique thème s’intéresse indirectement à la question de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Or le leadership et la pleine et entière participation des femmes à toutes les phases de la reconstruction d’Haïti (tel qu’exigé par la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies) requiert la prise en compte de l’égalité des hommes et des femmes à tous les niveaux de discussions et de planification.
Les femmes haïtiennes ont subi l’impact du tremblement de terre de façon disproportionnée, à la fois parce qu’elles font face à la discrimination sexuelle qui les expose davantage à la violence et à la pauvreté, et parce qu’elles ont la responsabilité de veiller aux besoins des personnes les plus vulnérables : les enfants, les personnes âgées et les milliers de nouvelles personnes handicapées. Sachant que les désastres augmentent les inégalités sociales, une perspective de genre s’avère donc nécessaire pour éviter des politiques de relèvement reproduisant involontairement la discrimination faite aux femmes. Avec tout le respect qui leur est dû, nous rappelons aux gouvernements donateurs l’obligation qui leur incombe de garantir des politiques non-discriminatoires tant au niveau des intentions que des résultats.
Pour vaincre la discrimination et remplir leur rôle de premières donneuses de soins, les Haïtiennes requièrent et ont légalement droit à une charpente politique soutenant l’éventail complet de leurs droits humains, y compris leurs droits économiques et sociaux. Le leadership des femmes ainsi que leur travail de donneuses de soins doivent être reconnus et appuyés tant par des règlements que par des missions et mandats, ainsi qu’à travers des engagements clairs les habilitant à jouer des rôles signifiants, formels et durables, à toutes les phases du processus de relèvement et de reconstruction du pays.
Nous applaudissons les actions des États donateurs pour fournir l’assistance au peuple haïtien en ces temps de crise et leur soumettons les principes suivants, propres à guider les gouvernements, les organisations internationales et autres institutions partenaires qui travaillent à la protection et la promotion des droits humains des femmes au niveau du Plan de Reconstruction d’Haïti.
Nous voulons tout aussi respectueusement rappeler aux donateurs les « Principes directeurs des Nations Unies pour les Déplacements internes » qui font appel aux Gouvernements et exigent que les Haïtiennes soient consultées, et participent aux décisions qui auront un impact sur leurs vies.
De telles consultations permettront aux participantes d’influencer réellement les résultats attendus. Ces consultations sont aussi ancrées dans les partenariats établis sur une base formelle avec des regroupements de femmes (surtout au plan local), lesquels sont habilités et outillés à exercer un leadership dans le processus de reconstruction.
La Conférence des Bailleurs de fonds doit garantir la participation des Haïtiennes ainsi que leur leadership dans toutes les phases du Plan National de Relèvement et de Reconstruction en appliquant ces « Principes directeurs des Nations Unies sur les Déplacements internes » :
• Participation : les Haïtiennes ont subi l’impact du séisme de manière disproportionnée, et sont un élément-clé du relèvement de leur pays. Dès lors, de nombreux groupes d’organisations de femmes doivent être consultées et inclues dans les évaluations des besoins et des dommages, dans la conception, l’application et l’évaluation de tous les programmes d’aide et de relèvement. Le financement des organisations communautaires de femmes est essentiel pour s’assurer que les droits des femmes seront préservés dans les futures règlementations et que les femmes déplacées soient reconnues comme partie prenante au processus.
• Non-discrimination : considérant que les abris et refuges provisoires ou les arrangements temporaires pour le logement resteront tels quels pour un certain temps, des mesures de protection des femmes contre les violences sexuelles doivent être prises et appliquées dans toutes les zones d’Haïti, spécialement à Port-au-Prince où les appréhensions à ce niveau sont très fortes. Ces mesures englobent l’accès sécurisé à des abris temporaires résistant aux intempéries, l’illumination adéquate des rues, et des espaces protégés où les femmes peuvent satisfaire leurs besoins quotidiens. Parallèlement à la finalisation des plans pour les abris temporaires et les logements permanents, ainsi que les règlements qui y sont relatifs, la protection des droits des femmes à la propriété de la terre et au logement doit être réaffirmé fermement. Les soins de santé reproductive doivent être garantis et accessibles.
• Développement des capacités : des ressources doivent être octroyées et l’assistance technique facilitée pour que les organisations de femmes se reconstruisent et augmentent leurs capacité d’intervention. De tels programmes doivent répondre aux besoins identifiés par les organisations de femmes elles-mêmes et se réaliser avec le concours d’organisations de base ou d’autres organisations de femmes en autant que faire se peut. Les programmes de relèvement économique doivent cibler les femmes du secteur informel qui sont cheffes de familles monoparentales et leur offrir un éventail de services dont la formation, le crédit et le soutien à leurs initiatives économiques.
• Transparence et Reddition de comptes : réformer les mécanismes de l’aide, en lien avec la souveraineté d’Haïti, afin de renforcer la gouvernance démocratique et de construire l’économie nationale pour qu’elle reflète les droits et les priorités de la majorité de la population haïtienne démunie.
Nous lançons un appel aux gouvernements des pays donateurs afin qu’ils réaffirment formellement ces principes au moment de planifier le relèvement et la reconstruction nationale d’Haïti, tout au long du processus du PDNA et après celui-ci.
Pour signer cette déclaration, prière de visiter le site
http://org2.democracyinaction.org/o/5095/p/dia/action/public/?action_KEY=2402
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