Il est temps de joindre le geste à la parole

Il est temps de joindre le geste à la parole


Les obstacles qui ont jalonné le combat des femmes pour l’égalité sont innombrables. Et les victoires aussi nombreuses. Parmi celles-ci, le 70e anniversaire du droit de vote des femmes, que nous avons souligné le 25 avril dernier et qui nous a rappelé ce moment historique où les Québécoises ont enfin pu faire entendre leur voix. Nous avons le droit de voter, certes, mais nous sommes bien loin du «moitié de la terre, moitié du pouvoir » clamé par l’avocate et ancienne députée française Gisèle Halimi. Pour affirmer notre genre dans la sphère politique, des gestes concrets doivent être posés…comme donner un coup de pouce aux dirigeants des partis!

Reconnaissons que plusieurs mesures ont été mises en place afin de corriger les effets de la discrimination systémique envers les femmes. En Amérique du Nord, le Québec est l’un des endroits où l’égalité des sexes fait bonne figure, en raison justement des mesures favorables aux femmes, notamment en matière d’équité salariale, d’accès à l’égalité en emploi, de patrimoine familial, de conciliation travail-famille. Sans oublier l’adoption, en 2006,de la politique gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui engageait le gouvernement à jouer un rôle de premier plan dans l’atteinte de l’égalité des sexes et, sur cette lancée, l’adoption de la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État, qui oblige celles-ci à avoir des conseils d’administration paritaires d’ici 2011.Dans plusieurs cas, l’obligation législative a eu les répercussions escomptées, ce que le temps à lui seul aurait mis des siècles à réaliser.

Rien là d’étonnant! Le Conseil du statut de la femme sait mieux que quiconque que la bonne volonté n’a jamais suffi à changer la culture et à inverser les pratiques. La politique ne fait pas exception. En 2009, les femmes représentaient 29% des élus à l’Assemblée nationale, 29,3% des conseillers municipaux et 16% des maires.

Impossible de nous reposer sur nos lauriers. Pas encore! En mars dernier, je suis donc allée exprimer les préoccupations du Conseil devant la Commission des institutions, qui étudiait le projet de loi 78 (Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale et les règles de financement des partis politiques et modifiant d’autres dispositions législatives). Le mémoire déposé par le Conseil à cette occasion déplorait l’absence de l’affirmation de l’égalité entre les femmes et les hommes comme principe démocratique guidant notre loi électorale. Nous avons demandé une modification du projet de loi de manière à refléter la volonté, exprimée par tous les élus, d’atteindre l’égalité des sexes en favorisant une représentation équitable des femmes et des hommes dans la sphère politique.

Les recommandations proposées sont de deux ordres : la reddition de comptes obligatoire de tous les partis politiques, à l’Assemblée nationale et au palier municipal, et l’implantation de mesures incitatives concrètes à l’endroit des partis politiques. Autrement dit, si le gouvernement accorde une augmentation du financement des partis de 64%comme le prévoit le projet de loi, le Conseil soutient qu’il est en droit d’exiger que ces sommes servent à l’atteinte d’une meilleure représentativité des femmes en politique. Le gouvernement a bien obligé la parité au sein des conseils d’administration des sociétés d’État, raison de plus pour en réclamer autant des partis politiques. Comment? D’abord, en leur demandant un plan d’action qui inclut un rapport annuel au Directeur général des élections du Québec. Ensuite, en versant une prime au financement des partis qui oseraient mettre en oeuvre des actions structurantes en vue de rechercher plus systématiquement des candidates, en plus de les appuyer avant et pendant la période électorale. Par exemple, pour un parti, la présence de 35% de députées dans son caucus entraînerait non seulement le remboursement des dépenses électorales auquel il a droit, mais en plus, l’octroi d’une prime équivalant à 35% de ce montant, jusqu’à concurrence de 50%.

Difficile de recruter des femmes en politique? Foutaise! Moi, je dis : primo, cessez de chercher dans le vestiaire des joueurs et relevez la tête. Elles sont nombreuses à vouloir s’engager. Deuzio, pensez famille! La conciliation de la maternité et de la carrière politique est pratiquement impossible. Si l’on cherche un modèle de politicienne copié sur celui des hommes en politique – c’est-à-dire ayant un époux à la maison pour s’occuper des enfants et des tâches domestiques –, on fait fausse route! On a bien vu apparaître des toilettes pour femmes à l’Assemblée nationale au début des années 1980; à quand l’implantation d’un service de garde? Le gouvernement a le devoir d’amorcer la mise en place de conditions favorables à la venue d’un plus grand nombre de femmes en politique.

Et dans les facultés de médecine…

En réponse à la lettre que j’ai adressée à la chancelière de l’Université de Montréal quant à l’inadmissibilité de voir écartées d’excellentes candidates en médecine, à laquelle je faisais écho dans la Gazette de mars-avril 2010, j’ai reçu de la part du doyen et du vice-doyen de la faculté de médecine un document précisant leur volonté de demeurer « extrêmement soucieux de maintenir un processus de sélection des candidatures le plus rigoureux possible ». Il est juste, y soulignent-ils, que l’introduction d’un nouvel outil de sélection visant à témoigner d’une plus grande expérience de vie des candidates et candidats est examinée, mais non dans le but de favoriser les garçons. Souhaitons-le! J’en profite pour remercier sincèrement celles et ceux qui m’ont témoigné leur sympathie à l’occasion du tragique événement qui a coûté la vie à mon mari en début d’année.

Christiane Pelchat
Présidente
Conseil du statut de la femme