La perception des femmes face au pouvoir freine leur ascension
Un article de Sophie Payer, Université de Sherbrooke, publié le 12 mai 2011
Représentation féminine dans la hiérarchie organisationnelle
La perception que les femmes ont du pouvoir ainsi que leur désir d'y accéder auraient-ils un impact sur le niveau hiérarchique qu'elles atteignent en entreprise? Les données recueillies jusqu'à maintenant par la doctorante Marie Bécotte, de l'Université de Sherbrooke, tendent à démontrer que la nature de leur relation au pouvoir freine les femmes dans une éventuelle accession au sommet des organisations.
Le désir de pouvoir : un puissant moteur
«Mon analyse semble indiquer que les personnes qui ont un fort désir d'accéder à des postes de pouvoir occupent des niveaux plus élevés au sein des hiérarchies», répond Marie Bécotte. Doctorante à la Faculté d'administration, elle complètera sous peu son enquête auprès de quelques centaines de professionnels et de gestionnaires. Par le biais de questionnaires sophistiqués et reconnus scientifiquement, elle mesure pour chaque personne le désir de pouvoir, le style de leadership, les caractéristiques masculines et féminines ainsi que la culture organisationnelle de l'employeur. Jusqu'à présent, 75 % des participants interrogés sont des femmes.
La recherche de Marie Bécotte repose sur la prémisse que les femmes et les hommes n'ont pas les mêmes perceptions, ni les mêmes comportements face au pouvoir. «Et c'est ce que les données recueillies jusqu'ici confirment : les personnes qui entretiennent un grand désir de pouvoir ont des caractéristiques personnelles et un style de leadership en général plus masculins.»
Les femmes, le leadership et le pouvoir
Au Canada, à peine 20 femmes occupent des postes à la tête des 500 plus grandes entreprises recensées par le Financial Post. Plafond de verre, conciliation travail-famille, hégémonie masculine et persistance de préjugés à l'égard des femmes sont des facteurs qui contribuent, selon la littérature, à expliquer le faible taux de représentation des femmes au sommet des hiérarchies organisationnelles.
«Mais il semble qu'aucune étude n'a cherché à valider l'existence d'une relation entre le désir de pouvoir et le style de leadership d'une personne, et le niveau hiérarchique qu'elle a atteint», note la chercheuse. En plus de 20 ans de carrière dans le monde des affaires, Marie Bécotte a elle-même occupé divers postes de direction sans avoir pris conscience, au préalable, d'une attirance particulière pour le pouvoir qui découle généralement de ce type de fonction.
Transactionnel ou transformationnel?
La majorité des chercheurs en management s'entendent sur un point : les femmes et les hommes n'exercent pas leur leadership de la même manière. En général, les hommes adoptent un style de leadership transactionnel. Ce type de leader clarifie les responsabilités de ses subordonnés; il les récompense ou impose des sanctions, et s'assure que les tâches sont accomplies. «Les leaders transactionnels ne développent pas de relation affective avec leurs subordonnés, souligne Marie Bécotte. C'est tout le contraire du style de leadership transformationnel, qui s'apparente davantage à celui qu'on retrouve plus souvent chez les femmes.»
Les leaders transformationnels exercent leurs fonctions en faisant une place aux émotions. Plus instinctifs, ils sont reconnus comme étant novateurs, orientés vers le futur et inspirants pour leurs subordonnés. Depuis une vingtaine d'années, le monde des affaires se montre davantage intéressé par ce style de leadership, qui colle davantage aux nouvelles réalités du monde du travail et des jeunes générations de travailleurs. Ironiquement, les personnes qui démontrent ces caractéristiques – le plus souvent celles qui présentent des caractéristiques plus féminines – se comptent en très petit nombre au sein des postes de pouvoir.
La chercheuse entend conclure son enquête au cours des prochains mois, au terme desquels elle affinera ses résultats. Ceux-ci, croit-elle, sont susceptibles d'apporter un éclairage inédit sur le phénomène de la relation des femmes au pouvoir dans le contexte organisationnel. Sa recherche pourrait inspirer des actions pour changer les choses.
«Cela pourrait se traduire par un programme de développement ciblé pour les femmes elles-mêmes, afin de les amener à développer une relation plus positive avec le pouvoir, explique Marie Bécotte. Nous pourrions aussi initier une réflexion auprès des organisations qui désirent recruter plus de femmes au sein de leur conseil d'administration, ou parmi leurs cadres supérieurs.»
[Source : http://www.usherbrooke.ca/etudes-superieures/accueil/nouvelles/nouvelles-details/article/15592/]