L’OCDE entreprend, en 2011, la plus grande enquête internationale jamais réalisée sur les compétences essentielles de la population active

L’OCDE entreprend, en 2011, la plus grande enquête internationale jamais réalisée sur les compétences essentielles de la population active

Par Paul Bélanger

Depuis une trentaine d’années, les changements technologiques modifient en profondeur toutes les sphères de l’activité humaine et cette tendance se poursuit à vitesse grand V.  Dans le monde du travail, cela se traduit par de nouveaux emplois et de nouvelles compétences dont il importe de connaître la nature et l’ampleur. C’est l’objectif que poursuit le programme PIAAC (Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes) de l’OCDE qui « porte sur les facultés cognitives et compétences professionnelles essentielles requises pour participer avec succès à l’économie et à la société du 21ème siècle ». Au total, vingt-six pays participent au programme, dont le Canada. L’enquête a débuté cette année, en 2011, et les premiers résultats sont attendus en 2013.

Dans le cadre du PIAAC, quatre grands domaines de compétence sont évalués : la résolution de problèmes dans un environnement à forte composante technologique, le littérisme, l’aptitude au calcul et la compréhension de texte. En outre, les répondants sont questionnés sur l’utilisation qu’ils font des compétences professionnelles de base dans l’exercice de leur emploi. Voici le schéma présentant les divers éléments de l’enquête.

À l’origine du PIAAC, il y a quelques études dont celle de Frank Levy, du Département de la planification et des études urbaines du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Cette étude, intitulée « How Technology Changes Demands for Human Skills » est intéressante parce qu’elle situe les compétences mesurées par le PIAAC.

Selon Frank Levy, le recours croissant à la technologie dans les entreprises refaçonne le travail. La rapidité des ordinateurs et la réduction du coût de leur introduction dans la production de biens et services transforment les tâches dans les entreprises. Il s’en suit une évolution vers un travail non routinier nécessitant des compétences jadis moins requises, telles que la compréhension de textes complexes et la capacité de résolution de problèmes, entre autres, sur des équipements numérisés.

Bien sûr, d’écrire F. Levy, tout travail humain implique un traitement d’information pour solutionner des problèmes, depuis l’agriculteur qui scrute les nuages pour estimer les possibilités de pluie, à l’opérateur de machinerie fixe qui est à l’écoute de bruits incongrus pour y déceler un bris éventuel, en passant par le cuisiner qui, par l’observation de la densité et de l’odeur des aliments, déduit le temps restant de cuisson, ou encore du gérant qui lit et interprète les chiffres de son dernier rapport de vente pour réajuster la production.

Ce qui est nouveau, dans les entreprises à haute intensité technologique et celles qui sont en voie de le devenir, c’est d’abord le passage à la communication écrite qu’imposent les nouvelles technologies. Ainsi, l’opérateur dans une entreprise de pâtes et papiers n’a plus à se tenir à côté des cuves pour vérifier la densité de la pâte; il travaille dans une cabine à lire et interpréter des informations qui lui parviennent sur des écrans d’ordinateurs. Mais il y a plus. L’opérateur doit pouvoir décrypter rapidement des informations de plus en plus complexes pour ensuite décider et faire les ajustements qui s’imposent.

Bien sûr les équipements et les systèmes informatisés ont maintenant cette capacité de gérer beaucoup d’information et de prévenir bon nombre de problèmes. De ce fait, ils contribuent à accroître la productivité. Mais, d’écrire Frank Levy, ces technologies ne peuvent remplacer l’expertise humaine lorsque des imprévus se présentent.  Par conséquent, à la complexité de la communication quotidienne, s’ajoute l’exigence d’avoir à résoudre des problèmes inattendus. L’individu doit alors combiner des données, les interpréter, en déduire un diagnostic, concevoir des  scénarios de solutions et induire les conséquences des diverses solutions possibles, sans oublier l’exigence de posséder le vocabulaire spécialisé pour en informer l’encadrement et ses coéquipiers.

L’apport de Frank Lévy, c’est d’être parvenu à démontrer ce phénomène en analysant l’évolution des tâches routinières et non routinières[i]. Les tâches routinières cognitives désignent les activités où l’opérateur fait appel ou utilise le vocabulaire standard courant pour compléter un rapport ou opérer un appareil mécanique.

Tendances dans les composantes de tâches aux USA (1960 à 2002) [ii]

On assiste depuis à une mutation importante des emplois qui se traduit, pour les emplois jadis moins spécialisés, par un niveau de technicité plus élevée, tel que le commis-vendeur qui devient vendeur-conseiller, ou encore, par une réduction pure et simple de ces emplois.

Ce tableau montre bien comment les compétences de base d’autrefois, que sont la litéracie et la numéracie, ne suffisent plus. Ces compétences de communication écrite et de calcul doivent mobilisées dans un contexte toujours particulier de facon à pouvoir solutionner les problèmes qui surgissent. À ces compétences nouvelles s’ajoutent la capacité de définir des cibles et d’en évaluer l’atteinte progressive, soit l’aptitude à structurer quantitativement ou qualitativement un problème concret. Levy souligne également l’importance accrue des démarches réflexives, comme, par exemple, la disposition à apprendre de ses erreurs, à les analyser et en tirer les conséquences.

Nous vous encourageons à consulter cette étude de Frank Levy. Courte, concise, convainquante, elle fait le point sur ce sujet.

[i] La tendance quant aux tâches manuelles non routinières est différente: après une baisse continue jusqu’en 1990, elle se maintient au même niveau par la suite.

[ii] Le tableau ne fait part que de quatre des cinq types de tâches analysées par Frank Levy, soit l’expertise pour solution de problème, la communication complexe, les tâches cognitives routinières et les tâches manuelles routinières. Voir la note précédente quant à la tendance singulière des tâches manuelles non routinières.

Références

Site du programme PIAAC, sur cette page.

Levy, F. (2010). How Technology Changes Demands for Human Skills, OECD Education Working Papers No. 45. 

OCDE (2010). The OECD Programme for the International Assessment of Adult Competencies (PIAAC), OCDE. Document disponible sur le site de l’OCDE, sur cette page, au bas de la page télécharger « PIAAC Brochure ».