Somalie : Les femmes portent un fardeau surhumain

Somalie : Les femmes portent un fardeau surhumain


Inaki Borda

NATIONS UNIES, 16 août (IPS) - Bien que le retrait du groupe rebelle Al Shabaab, soutenu par Al-Qaïda, ait permis le premier acheminement, par pont aérien, de l’aide de l'ONU depuis cinq ans dans la capitale somalienne en proie à la famine, la situation pour les femmes et les enfants demeure précaire, préviennent des agents humanitaires.

"Nous avons entendu des histoires très tristes de femmes obligées d'abandonner leurs enfants en chemin parce qu'elles étaient trop faibles pour les transporter", a déclaré à IPS, Andreas Needham, une chargée de relations publiques pour le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Somalie.

Les derniers développements à Mogadiscio constituent un "pas dans la bonne direction", a indiqué dans un communiqué envoyé par courrier électronique le 6 août, Augustine Mahiga, l’émissaire du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon, en Somalie. "De vrais risques de sécurité, y compris des attaques terroristes, demeurent et ne doivent pas être sous-estimés".

Trois autres régions dans le sud de la Somalie ont été ajoutées à la zone touchée par la famine il y a environ deux semaines, et l'ONU prévient que sans une intervention urgente, tout le sud de la Somalie sera englouti dans la famine.

La sécheresse qui a frappé la région a été aggravée par la présence du groupe de miliciens armés, actif depuis près de 20 ans. "Beaucoup de femmes ont perdu leurs maris au combat, et elles sont maintenant des veuves qui peuvent se retrouver dans une situation pire que celle dans laquelle elles étaient avant", a souligné Needham.

Matthew Johnson, un chargé des relations avec la presse à l'Agence américaine pour le développement international (USAID), a indiqué à IPS que "conformément à la culture somalienne, les femmes sont confrontées au fardeau supplémentaire des attentes sociétales selon lesquelles il leur incombe le premier devoir de prendre soin et de subvenir aux besoins de leurs familles, en particulier les enfants et les personnes âgées, ce qui est une charge surhumaine en temps de pénurie et d'insécurité extrêmes".

Ce qui a été jusque-là déclaré comme étant la pire famine, au cours des 60 dernières années dans la région, a coûté la vie à plus de 29.000 enfants et a laissé 640.000 autres personnes malnutries.

Mais mourir de faim n'est que la petite partie de l'iceberg, l'un des nombreux dangers auxquels les femmes et les enfants sont confrontés quotidiennement.

Selon Janusz Czerniejewski, directeur de 'Intersos' à la Mission pour le Kenya et la Somalie, le conflit sur les ressources rares augmente pendant la sécheresse, faisant que les femmes et les enfants courent un risque plus élevé de violences sexuelles.

"Pendant qu’ils fuient la Somalie pour [leur] sécurité, les femmes et les enfants traversent des zones où errent des groupes armés et des bandits, seulement pour arriver dans des camps surpeuplés et potentiellement dangereux. Les aspects de protection de cette crise sont aigus et mortels. Les violences basées sur le genre comme le viol, les violences conjugales et les mutilations génitales féminines constituent un problème important dans toutes les régions de la Somalie", a-t-il souligné à IPS.

Un rapport publié par le Comité international de secours en juillet indiquait que les violences faites aux femmes et aux filles constituent un grave danger même après qu'elles ont atteint les camps, en particulier lorsqu’elles doivent partir chercher du bois de chauffage ou utiliser la forêt comme latrine.

Une étude sur les violences sexuelles, entreprise par le 'Protection Monitoring Network' (Réseau de surveillance de protection), couvrant 600 cas de viol signalés, a révélé qu'après une période de six mois, 10 pour cent des femmes agressées se sont suicidées et 25 pour cent ont disparu.

Johnson a affirmé que lorsque plusieurs femmes atteignent les camps de réfugiés, elles sont obligées d'assumer un rôle auquel elles ne sont pas culturellement adaptées, et manquent souvent de confiance pour agir en tant que chefs de famille efficaces en l'absence de parents hommes.

Actuellement, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) intensifie ses opérations pour répondre aux besoins humanitaires croissants des enfants et des familles en Somalie, dans les camps de réfugiés de Dadaab, au Kenya, et dans les communautés environnantes.

Des réfugiés somaliens arrivent à Dadaab au taux moyen de 1.300 par jour. Environ 80 pour cent d'entre eux sont des femmes et des enfants. La population totale des trois camps près de Dadaab dépasse maintenant 400.000 personnes, devenant la troisième nouvelle ville la plus grande du Kenya.

"La plupart des familles somaliennes qui entrent au Kenya par Liboi ne savent pas qu'elles doivent marcher encore 100 kilomètres avant d'arriver dans les camps de réfugiés à Dadaab", a déclaré Olivia Yambi, la représentante de l'UNICEF au Kenya.

"La santé de certains enfants malnutris qui entrent par Liboi est si précaire qu'ils ne peuvent simplement pas attendre jusqu'à ce qu'ils arrivent à Dadaab pour un traitement", a-t-elle ajouté.

Pour cette raison, l'UNICEF a augmenté aux hôpitaux et aux centres de stabilisation nutritionnelle les fournitures d’aliments thérapeutiques prêts à être utilisés dans les camps de Dadaab et dans les communautés d'accueil environnantes pour le traitement de la malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans.

L'UNICEF a distribué des médicaments aux centres de santé existants, notamment des kits de santé, suffisants pour subvenir aux besoins d’environ 10.000 personnes.

"Le positionnement des kits de santé et d’aliments près de la frontière sauvera la vie des enfants qui auraient pu mourir au cours du long voyage vers Dadaab", a dit Yambi.

Plus de 100.000 enfants ont déjà été vaccinés grâce à l’appui de l’UNICEF aux campagnes intégrées pour la vaccination contre la rougeole et la polio dans différents camps d'accueil.