Afrique : Plus dangereux d'être une femme qu'un soldat

Afrique : Plus dangereux d'être une femme qu'un soldat


Un article de Saaleha Bamjee

MIDRAND, Afrique du Sud, 20 oct (IPS) - Les femmes africaines, qui portent le plus lourd fardeau des conflits sur le continent, exigent désormais de jouer un rôle déterminant dans le maintien de la paix.

Une résolution visant à encourager la participation politique des femmes dans le domaine du maintien de la paix et de la gestion des conflits, a été acceptée le 30 septembre à la 'Women’s Platform for Action in Africa' (Plateforme 2011 des femmes pour une action en Afrique - WPAA).

Sous l'égide du Parlement panafricain (PAP), la réunion de la WPAA a souligné le besoin urgent d'une meilleure représentation féminine aux niveaux nationaux, où les femmes peuvent activement participer aux prises de décisions pour éviter la guerre et servir de médiatrices dans les conflits.

Cette conférence de deux jours à Midrand, en Afrique du Sud, du 29 au 30 septembre, a été organisée en prélude à la deuxième session du PAP, prévue en octobre.

Les violences sexuelles basées sur le genre, qui sont devenues une caractéristique des conflits armés, sont étroitement liées aux relations entre les sexes au sein de cette culture, a déclaré Françoise Labelle de Maurice, qui est la deuxième vice-présidente du PAP.

"Ce n'est que lorsque les femmes peuvent jouer un rôle plein et égal dans le processus de médiation que nous serons en mesure de construire une fondation de la paix", a souligné Labelle.

Cette année marque la 11ème année de la Résolution 1325 des Nations Unies, qui traite des droits des femmes dans les conflits, les processus de négociation pour la paix et de reconstruction.

Elle encourage aussi une représentation accrue des femmes à tous les niveaux de prise de décisions dans les processus de résolution des conflits et de paix.

Cependant, il n'y a jamais eu une femme négociatrice de paix en chef de l'ONU et les femmes constituent moins de huit pour cent des délégations de négociation dans les processus de paix sous l’égide de l'ONU, tandis que moins de trois pour cent sont signataires des accords de paix.

Les femmes et les jeunes filles restent affectées de façon disproportionnée pendant et après les conflits.

"Il est plus dangereux d'être une femme que d'être un soldat en temps de conflit", a affirmé la présidente du Groupe des femmes du PAP, Mavis Matladi, d'Afrique du Sud.

"Il n'y a probablement pas une seule femme africaine qui n'ait pas été témoin de violences contre une autre femme. C’est la vérité que les hommes font les guerres et les femmes en sont les victimes; soit du fait des infrastructures en panne, par le fait d’être obligées de se tourner vers l'exploitation sexuelle pour survivre ou par des effets secondaires de la stigmatisation, par des grossesses forcées et des MST (maladies sexuellement transmissibles)" a-t-elle expliqué.

Matladi a affirmé que bien que les gouvernements sur le continent aient affiché un engagement aux résolutions, l'accent n’est pas suffisamment mis sur les rôles que les femmes peuvent jouer avant, pendant et après les conflits.

"Les femmes jouent généralement ces rôles de façon informelle, mais formellement, il y a peu de reconnaissance. Cette exclusion entraîne une incapacité à résoudre les problèmes des femmes", a-t-elle souligné.

Marie-Louise Baricako, la présidente de 'Femmes Afrique solidarité', une organisation non gouvernementale internationale travaillant sur les questions de genre, paix et développement, a déclaré que le problème du viol et des violences sexuelles, utilisés comme arme, demeure un sujet négligé.

"Il reste impuni, et méconnu. Les auteurs demeurent libres, amenant une nouvelle culture de viol et de violences sexuelles; Le Parlement panafricain doit faire quelque chose à ce sujet", a-t-elle déclaré.

La WPAA a entendu le témoignage d'une victime de viol qui a été ciblée lors des violences post-électorales au Kenya.

La période post-électorale de 2007 à 2008 a fait plus de 1.100 morts, 3.500 blessés et jusqu'à 600.000 déplacés de force. Selon la Cour pénale internationale, pendant les deux mois après la proclamation des résultats des élections contestées, "il y a eu des centaines de viols, voire plus, et plus de 100.000 propriétés ont été détruites dans six des huit provinces du Kenya".

La cour poursuit actuellement six personnes accusées d'être les instigateurs des violences post-électorales.

La victime de viol a décrit comment elle a été collectivement violée, puis avec des outils métalliques, comment les gens ont versé de l'acide sur elle et l’ont laissée pour morte tandis que sa maison brûlait devant elle.

"J'étais dans un mauvais état, mon corps se décomposait. Je ne pouvais pas porter des vêtements appropriés parce qu’ils collaient à ma peau. Mais Dieu m’a créé une nouvelle peau.

"J'ai maintenant la force de parler et de faire face aux femmes qui ont été violées pour leur dire de se déclarer et de rester sur leur position", a-t-elle indiqué. Elle a également loué les efforts des femmes parlementaires qui travaillent pour mettre fin aux atrocités perpétrées contre les femmes.

La directrice régionale de programme de l’ONU-Femmes, Nomcebo Manzini, a déclaré que le travail de la WPAA devrait aller au-delà du fait de s’asseoir et d'écouter les témoignages des personnes qui ont été brutalisées par les conflits. "Nous devrions être en train de dire non à la guerre", a-t-elle dit.

Pour cela, sous les auspices du PAP, la résolution de créer la 'Initiative of African Women for Peace' (l’Initiative des femmes africaines pour la paix - IAWP) a été approuvée par principe.

Cette délégation de femmes représentant chacune des cinq régions du continent sera chargée de promouvoir la démocratie, la paix et la sécurité, et plaidera également auprès des institutions internationales, telles que l'ONU, l'Union africaine et la Banque mondiale. (FIN/2011)