Louisette Morin, récipiendaire du Prix d’alphabétisation du Conseil de la fédération
Un article d'Antony Da Silva-Casimiro publié le 11 novembre 2011 sur info07.com
Louisette Morin, citoyenne de la région a reçu des mains du premier ministre du Québec, Jean Charest, le Prix d’alphabétisation du Conseil de la fédération. La médaille que Louisette Morin a remportée cet été était peut-être faite de bronze, mais la femme âgée de 67 ans a un cœur en or.
Ce prix est remis tous les ans dans chaque province et territoire à travers le Canada. Ceci souligne des réalisations exceptionnelles, des pratiques novatrices et l’excellence en alphabétisation. Au Québec, Mme Morin s’est démarquée des autres candidats grâce à sa persévérance, démontrant que tout rêve est possible.
C’est d’ailleurs le message qu’elle souhaite faire passer: croire en ses rêves. Cela est un cliché, mais après tout ce qu’elle a vécu, elle démontre que cela demeure bien vrai. Elle a dû lâcher l’école hâtivement pour aider sa mère à s’occuper de ses frères et sœurs, à la suite de la mort de leur père.
Puis, d’une mémoire phénoménale, elle a commencé à raconter son histoire. Encore aujourd’hui, elle se souvient des noms, des vêtements qu’elle portait et même de l’heure à laquelle l’événement s’était produit. Tout petit détail était gardé en mémoire dans sa tête. Elle a replongé dans ses souvenirs, faisant découvrir son passé.
«Autant que ce soit pour aider mes frères et mes sœurs dans leurs apprentissages scolaires ou encore pour un nouvel emploi ou même prendre part à des activités dans la communauté, , j’ai toujours éprouvé des difficultés en français», a-t-elle avoué sans aucune gêne.
Il y a six ans, elle a pris sa retraite forcée, puisqu’elle venait d’apprendre qu’elle avait un cancer. Une année s’est écoulée, elle a vaincu cette maladie et elle a décidé par la suite de s’inscrire au Centre d’éducation de base de l’Outaouais (CÉBO) à Gatineau. En quatre ans, en plus de s’améliorer rapidement dans la langue de Molières, elle est même devenue tutrice au CÉBO.
«Aujourd’hui, je demeure une femme occupée. Deux soirs par semaine, je suis dans les locaux du CÉBO. Une fois à titre d’apprenante, l’autre fois comme tutrice. J’ai aussi été bénévole pour les Jeux du Québec lors de leur venue à Gatineau, en plus de tenir un kiosque annuellement pour le Relais de la vie», a mentionné Louisette Morin.
Elle est aussi présidente d’un club de l’âge d’or, le club Renaissance dans le secteur de Hull et elle s’implique aussi dans la vente de jonquilles pour combattre le cancer. Ceci est sans compter que d’ici les prochains jours, elle sera d’office pour l’Opération Nez Rouge. Tout ceci, elle peut désormais le faire grâce au CÉBO.
Arrivée au Centre d’éducation, elle avait peur d’être jugée. C’est totalement le contraire qui s’est produit à sa première visite. «J’ai été accueillie à bras ouverts par Nicole Pednault, la directrice des lieux, comme si j’étais un membre de la famille», a-t-elle ajouté. Depuis, elle revient chaque semaine pour apprendre, en plus de poursuivre les travaux chez elle de son plein gré.
Depuis cinq ans, elle a la même tutrice: Marie-Paule Clément. Celle-ci l’a suivi, l’a vu apprendre et évoluer en français. Ces deux femmes ainsi que le CÉBO ont changé sa vie. Avec l’aide individuelle et personnalisée durant trois heures par semaine, elle maîtrise mieux le français.
C’est sa persévérance et son intérêt à apprendre qui ont poussé le CÉBO à pousser sa candidature pour le Prix d’alphabétisation. Par la suite, elle a rédigé en trois pages ce qui la démarquait des autres candidats. C’est d’ailleurs ces mêmes qualités qui lui ont permis d’obtenir lors de la Semaine de l’éducation pour les adultes en formation une bourse et une attestation.
«J’ai pris goût au français et à l’écriture. J’ai combattu mes craintes et aujourd’hui, j’écris un recueil sur ma famille. Je ne cherche pas du tout à le vendre, mais à le rendre disponible à mes frères et mes sœurs intéressés pour qu’ils puissent en connaître davantage sur la famille», a-t-elle déclaré.
Un parcours difficile
Louisette Morin garde le sourire, mais elle ne l’a pas eu facile. Elle a dû s’occuper de ses frères et sœurs pour aider sa mère et ceci, au sacrifice de ses études. Responsable et mature à un jeune âge, c’est à elle qu’on demandait toujours de l’aide, peu importe le domaine.
Son père est mort en 1963. Malheureusement, ce n’est pas le seul drame qui arriva. Un de ses frères, seulement âgé de huit ans à l’époque, meurt noyé dans un ruisseau de la région. Encore une fois, c’est à elle qu’on a fait affaire pour aider à gérer les funérailles.
«En 1977, j’ai acheté une maison pour ma mère. Ça répondait aux besoins familiaux et ceci, même si je ne gagnais pas un immense salaire. Chaque année, on devait déménager, à cause que la famille grandissait», a-t-elle indiqué, se remémorant par la suite tous ses emplois.
Durant toute sa vie, elle a fait plusieurs emplois après l’école: le magasin l’Étoile du Nord sur la rue Pointe-Gatineau, la Bohème sur la rue Principale et le Village Hongrois, travail qu’elle conservera pendant une quinzaine d’années. Puis, il y a eu le Computer Divising, un domaine qu’elle ne connaissait pas du tout en 1986.
Après la fermeture de ce dernier, c’est sa sœur Agathe qui lui trouve un emploi: cuisinière avec les Sœurs de la charité. C’est le dernier emploi qu’elle occupa avant l’arrivée de son cancer en juillet 2005. Tous ses emplois, peu importe ce que c’était, elle les a tous aimés. Elle aimait travailler et jamais pour elle c’était une corvée.
«J’aurais pu continuer, malgré le cancer. J’en n’avais pas envie. Je voulais profiter des derniers instants après avoir vu deux de mes sœurs mourir d’un cancer en l’espace de quelques mois. Je ne voulais pas partir de ce monde sans m’amuser», a-t-elle souligné en riant. Aujourd’hui, tout ceci elle le prend du bon côté
Un des autres points qui a marqué sa vie est l’anglais. Bien qu’elle soit ravie de voir l’emphase sur le français aujourd’hui, elle croit fermement qu’il faut parler anglais si on veut se promener dans le monde. C’est pour cette raison qu’elle a envoyé son fils en immersion anglaise dès son jeune âge.
Louisette Morin peut aussi se vanter d’avoir voyagé: Jamaïque, les États-Unis, la Chine, la Grèce, la Yougoslavie, l’Italie et prochainement le Portugal, l’Espagne et le Maroc sont ses destinations.
Bénévolat, club de l’âge d’or, voyage, apprentissage, romans: l’avenir s’annonce occupé pour cette femme de 67 ans qui n’a pas encore fini de réaliser ses rêves.