Partager l'information ? Un salarié sur deux craint un retour de bâton

Partager l'information ? Un salarié sur deux craint un retour de bâton

Manque de temps, de moyens ou de valorisation, climat peu réceptif, défiance... les salariés ne se sentent guère encouragés à diffuser leurs savoirs. 46 % même en ont peur, dévoile en exclusivité pour Lentreprise.com le cabinet conseil Krauthammer qui a étudié " L'apprentissage informel dans les organisations " (1). Analyse des résultats saillants par Steffi Gande, coresponsable de la recherche du cabinet international.

Par Marie-Madeleine Sève pour LEntreprise.com, publié le 14/12/2011


" Les salariés ont de l'or dans les mains : leur savoir faire. Or, si 73% en sont conscients et partagent leurs connaissances fréquemment et bénévolement, beaucoup ont le sentiment que leur hiérarchie ne les soutient pas, souligne Steffi Gande. Ils privilégient donc les échanges entre eux. L'entreprise risque de se priver ainsi de ses expertises internes à l'heure où elle a tant besoin d'adaptations rapides. "

46% ont peur des sanctions. L'une des craintes principales, est en effet d'y consacrer trop de temps et d'en être pénalisé. De surcroît, le salarié considérant son savoir comme un capital personnel voit une foultitude d'autres risques au partage d'informations. Une " zone grise ", qui freine ses ardeurs alors que la compétition se durcit dans et hors l'entreprise : 54% des sondés redoutent le plagiat, 38% un effet boomerang, 21% une perte de valeur sur le marché interne.

73% diffusent leurs savoirs... mais en petit comité. L'entourage direct du collaborateur profite au premier chef de sa science, pointue ou générale. La diffusion se fait via l'échange de documents, les mini forums, les réunions dédiées mais principalement avec ses pairs. " Le partage se limite trop à une culture commune, constate Steffi Gande. Il s'effectue dans des cellules fermées où l'on s'expose moins au regard critique de l'autre. Or pour que l'organisation soit apprenante, il faudrait abattre ces cloisons ".

Seuls 49% se sentent reconnus... Un taux surprenant pour Steffi Gande. " Le salarié s'attend à ce que le manager dise merci, bravo. C'est une reconnaissance si facile, si spontanée. Nous l'appelons " quittance émotionnelle ", et elle fait du bien à celui qui la reçoit. Le manager n'a nul intérêt à la négliger, d'autant plus que le partage des savoirs est un acte gratuit, un engagement volontaire. "

... et seuls 29% se disent coachés par leur manager. Si pour 64% des sondés, leur n+1 croit au " knowledge share ", celui-ci semble en faire moins que ce qu'il devrait. Il ne soutiendrait pas assez ses collaborateurs, ni mentalement, ni matériellement : 43% de ces derniers disent avoir assez de temps pour le transfert de savoirs, 40% pour le préparer et 30% disent avoir assez de budget. " Le top management devrait s'en mêler pour donner plus de moyens à l'encadrement ", préconise la coresponsable de recherche chez Krauthammer.

72% réclament des objectifs idoines... " Ceci parait contradictoire, puisque l'apprentissage informel doit être cultivé de façon subtile, en " bottom up ", observe Steffi Gande. Toutefois, fixer des objectifs en la matière contribue à donner du sens, à condition de bien soupeser les critères: la satisfaction des auditeurs, la pertinence de l'information, la capacité à stimuler les esprits... Pour moi, c'est un mécanisme de jardinage formel pour faire grandir des activités informelles. "

...malgré un climat de défiance pour 65%. Si 56% des sondés observent que les idées circulent rapidement et spontanément, leur concrétisation semble un graal. Seuls 14% observent que leur manager les prend en considération. Un frein majeur à la porosité des échanges. C'est le rôle des managers de faciliter les connexions interservices. Le potentiel est là.

(1) Enquête réalisée durant l'été 2011 auprès d'un échantillon de 260 salariés et managers de tout niveau en Europe, surtout La France, l'Allemagne, la Suisse et la Hollande.

6 conseils aux managers
- Faire du partage des savoirs une mission clé
- Féliciter le collaborateur du partage de son expertise
- Le rassurer sur le fait qu'il y passe du temps
- Lui donner des objectifs et donc des moyens
- Le coacher pour l'aider à être pédagogue
- Oser s'ouvrir à ses nouvelles idées