Un enfant sur quatre n'est pas prêt pour la maternelle

Un enfant sur quatre n'est pas prêt pour la maternelle

Par Maude Goyer

Plus du quart des enfants qui entrent à la maternelle, au pays, ne sont pas prêts à apprendre. C’est ce que révèle le rapport sur la santé des enfants et des adolescents canadiens publié aujourd’hui par la Société canadienne de pédiatrie (SCP). Et que veut dire «prêts à apprendre»? Ça veut dire développés suffisamment à l’âge de 5 ans pour être disposés à apprendre.

Un enfant sur quatre. La statistique surprend. Nous sommes bien au Canada, un pays riche, démocratique, développé, non? Mais voilà. Les inégalités demeurent. Ces 20 dernières années, l’écart entre les riches et les pauvres s’est accentué. De nos jours, il y a environ 700 000 enfants qui vivent dans la pauvreté à travers le pays. Ces inégalités ne sont pas sans conséquence, surtout quand il est question de petite enfance. «Plusieurs étapes importantes du développement psychomoteur se fait entre zéro et 5 ans, dit la pédiatre Danielle Grenier, directrice des affaires médicales à la SCP. Durant cette période, si l’enfant se fait accompagner par un adulte aimant qui lui montre, par exemple, la lecture, la communication, la manipulation, les échanges avec les autres, des milliers de connexions se font dans son cerveau. L’enfant est stimulé. Il aura de bonnes chances de vouloir et de pouvoir apprendre à l’école.»

La médecin rappelle l’importance de mettre les enfants en contact avec des livres. «Des enfants qui ne savent pas comment tourner les pages d’un livre à la maternelle, ça existe, même dans les familles aisées, dit-elle. Il faut les exposer le plus tôt possible à la lecture. Et pour ça, il faut éteindre la télévision.»

Afin de repérer les enfants et les familles qui auraient besoin d’aide ou de support, les pédiatres souhaitent qu’un bilan de santé standardisé soit fait systématiquement aux tout-petits de 18 mois. «Ce bilan de santé peut être le dernier rendez-vous régulier avec un dispensateur de soins de première ligne avant le début de l’école», peut-on lire dans le rapport de quarante pages. Danielle Grenier croit que cet outil pourrait devenir un moment-clé dans la vie de l’enfant. «À 18 mois, l’enfant est supposé marcher, grimper, dire des mots. C’est donc un bon moment pour voir s’il a rejoint la norme, explique-t-elle. On peut aussi évaluer la famille et voir si l’enfant a de bonnes habitudes de comportement, d’alimentation, de sommeil. Bref, on fait le tour du jardin pour faire de la prévention.»

Une meilleure préparation à l’école commence par un programme éducatif – pas seulement un service de «gardiennage», précise Dr Grenier. «Dans un milieu éducatif, bien organisé, les intervenantes peuvent voir si un enfant a un retard et le référer», dit-elle.
Les places en garderies demeurent nettement insuffisantes, souligne le rapport intitulé «En faisons-nous assez?». Seules 90 000 places réglementées en milieu de garde sont disponibles au Canada, pour une population de cinq millions d’enfants (zéro à 12 ans). Et même si le Québec fait bonne figure avec son système de garderies à 7$, le Canada, lui, arrive en avant-dernière place des 37 pays de l’OCDE pour ce qui est des dépenses pour les services de garde à l’enfance et l’éducation préscolaire.
 

D’autres faits saillants du rapport:

 - Le Québec, l’Alberta, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon n’ont pas de loi pour interdire un adulte de fumer dans une voiture en présence d’un enfant

- 14% des enfants et adolescents de 20 ans et moins (soit 1,1 millions de jeunes) ont un trouble de santé mentale qui nuit à leur quotidien


- Les blessures graves involontaires (accident de voiture, de vélo, par exemples) constituent la principale cause de décès des enfants de 14 ans et moins; les maladies infectieuses représentent moins de 5% des décès

- Seulement 30% des parents utilisent un banc d’appoint en voiture pour leur enfant âgé de 4 à 8 ans, même si 78% sont tout à fait d’accord avec son utilisation (la SCP rappelle qu’un enfant qui pèse entre 40 et 80 livres doit être assis sur banc d’appoint)

- Plus de la moitié des mères monoparentales d’enfants de moins de six ans vivent dans la pauvreté


- Une pénurie de pédiatres guette chacune des provinces: le nombre de stagiaires est insuffisant pour combler les départ à la retraite (11% des répondants) et le désir de diminuer les heures travaillées (36%)