Prévenir les difficultés d'apprentissage de la lecture dès l'âge de 12 mois ?
Communiqué
MONTRÉAL, le 14 mai 2012 /CNW Telbec/ - Qui n'a pas déjà passé une heure à s'amuser avec un poupon en regardant un livre ou en manipulant des figurines représentant les animaux de la ferme ? Qu'il est attendrissant de voir ce jeune enfant, qui ne parle pas encore, commencer à imiter le cri de la vache ou du mouton. Il lui arrive d'appeler l'animal de la famille d'un retentissant «Miaou» avant d'éclater de rire.
Des signaux précoces
Ce dont on se doute peu, c'est qu'à cet âge, l'habileté à imiter le cri d'un animal en voyant sa photo est un bon indice de la facilité ou des difficultés que pourraient rencontrer un enfant dans l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Étonnant ? Pas tant que ça, déclare Marie-Pierre Caouette, orthophoniste et présidente-directrice générale de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec.
En effet, la capacité à évoquer rapidement et correctement le cri d'un animal sur demande est un précurseur de la faculté qu'aura l'enfant d'âge scolaire à faire le bruit d'une lettre qu'il voit sur une page ou de traduire par un symbole graphique un son qu'il vient d'entendre .
Vers 3 ans, la capacité à apprendre les couleurs est également un bon indice. Les experts du langage appellent cette fonction «l'accès lexical». Ce mécanisme intervient quand on utilise le langage tant dans sa forme orale qu'écrite. Cette capacité peut aussi être altérée chez l'adulte devenu aphasique suite à un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un traumatisme crânien.
Heureusement, l'orthophoniste, dont c'est le champ d'expertise, peut intervenir dès la période préscolaire auprès des parents et du personnel de la garderie pour prévenir les difficultés en proposant un programme de stimulation approprié.
L'importance d'une intervention en bas âge
En plus des jeux faisant appel à la «conscience des sons», les rimes dans les chansons et le rythme avec les instruments de musique par exemple, les activités liées au développement du vocabulaire s'avèrent d'une importante capitale. Les études démontrent en effet que le nombre de mots auquel l'enfant est exposé avant son entrée à la maternelle est un indicateur fiable pour prédire son niveau d'habileté en lecture.
En ce qui concerne les sons, il faudra d'abord s'assurer que l'enfant ne souffre pas d'otites ou qu'il ne présente pas de liquide dans son oreille moyenne. L'audiologiste pourra confirmer par une évaluation auditive que l'audition est adéquate pour permettre le développement du langage, dans sa modalité orale d'abord, puis dans sa modalité écrite, une fois rendu à l'école. L'orthophoniste pourra proposer une rééducation spécifique dans le cas de difficultés de prononciation afin d'éviter que des erreurs persistantes n'aient de répercussions à l'écrit.
Le vocabulaire de l'enfant se développe lorsqu'on lui permet de vivre des expériences variées. Que ce soit en cuisinant avec ses parents, en allant au zoo, au moment du bain ou de l'histoire du dodo, il développera des connaissances nouvelles. En allant au parc, il apprendra des verbes d'action dont il aura besoin pour composer des phrases et comprendre des consignes. En jouant avec des blocs, il développera sa compréhension de concepts comme «plus» et «moins», qui lui seront nécessaires pour réaliser des opérations et résoudre des problèmes mathématiques.
Lecture = Décoder + comprendre
La lecture est une tâche complexe qui demande à la fois de savoir décoder des symboles et d'en comprendre la signification.
À 6 ans, l'enfant apprend l'alphabet. À tâtons, il découvre avec étonnement qu'il peut lire certains mots. Lorsqu'il connaît le sujet du texte qu'il est en train de déchiffrer, il est en mesure d'anticiper les mots et d'augmenter sa vitesse de lecture. Plus son vocabulaire est étendu, plus il aura du plaisir à lire. La tâche sera perçue comme un jeu, un loisir. En retour, en lisant davantage, il augmentera son niveau de vocabulaire et développera son habileté à comprendre des textes de plus en plus complexes. Son accès à de nouvelles connaissances par la lecture aura un impact sur le développement de sa compréhension à l'oral, l'enrichissement de son bagage de vocabulaire et le développement de structure de phrases complexes.
En revanche, l'enfant qui éprouve des difficultés à associer rapidement le son au symbole de la lettre consacrera tellement d'énergie à la tâche qu'il oubliera au fur et à mesure ce qu'il vient de lire. Si en plus, son vocabulaire est peu étendu, il ne pourra pas anticiper les mots ou se corriger. La tâche sera ardue. Après quelques années, même après avoir augmenté la vitesse de décodage, il éprouvera peu de plaisir à lire et aura des difficultés importantes à comprendre les textes.
Une question de littératie
La littératie est « l'aptitude à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d'atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses capacités. » Elle regroupe notamment la capacité à maîtriser l'écrit pour penser, à communiquer, à acquérir de nouvelles connaissances et à résoudre des problèmes.
Au Québec en 2006, un jeune sur trois âgées entre 16 et 25 ans ne présentait pas le niveau d'habiletés minimales nécessaires en littératie pour composer avec les exigences de la vie quotidienne et du travail. Or, le niveau de littératie des citoyens est l'un des déterminants les plus importants de leur santé, de leur employabilité et de leur engagement social, en plus d'être fortement relié à la croissance économique. Les impacts sociétaux d'un nombre élevé d'individus présentant un faible niveau de littératie sont donc majeurs.
Un travail d'équipe
Lors de l'entrée à l'école, en plus de l'enseignant qui est un partenaire privilégié de l'orthophoniste et de l'audiologiste, l'orthopédagogue et le psychologue scolaire peuvent se greffer à l'équipe aidante afin de favoriser les apprentissages de la lecture, de l'écriture et des mathématiques. L'ergothérapeute est parfois appelé en renfort lorsque des problèmes de posture ou de motricité fine affectent la calligraphie. Ensemble, en collaboration avec l'enfant et ses parents, les intervenants mettront en place des mesures adaptées aux besoins de chacun. Selon un modèle de «réponse à l'intervention», en cas de persistance des difficultés, les spécialistes seront en mesure d'identifier les troubles.