Dossier « PISA, TIMSS : regards croisés et enjeux actuels »
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À lire dans le n° 14 (septembre 2012) de la revue Recherches en éducation :
En 2009, l’OCDE lançait son deuxième cycle d’enquêtes PISA avec de nouveau la lecture comme domaine majeur d’évaluation comme en 2000, l’étape suivante en 2012 consacrera le rôle majeur aux mathématiques comme en 2003, et enfin en 2015 les sciences seront le domaine majeur comme en 2006. De son côté l’IEA lance en 2011 la cinquième évaluation TIMSS et la troisième évaluation PIRLS. Nous avons sollicité l’OCDE et l’IEA, et également des chercheurs. Leurs contributions visent à examiner la question de l’utilisation des résultats des enquêtes internationales au vu des enjeux actuels.
Quels enseignements peut-on tirer du PISA : l’exemple des écarts de performances entre les sexes / Maciej JAKUBOWSKI & Francesca BORGONOVI
Le présent article étudie la façon dont les données de l’enquête PISA peuvent servir à l’analyse des variations des écarts de performance scolaire, de certains comportements et attitudes des garçons et des filles de 15 ans, selon les pays. Durant la majeure partie du XXe siècle, la question des différences entre les sexes en matière d’éducation concernait principalement le désavantage subi par les filles et leur moindre performance. Plus récemment, ce sont les résultats inférieurs des garçons en compréhension de l’écrit, et des filles en mathématiques, qui sont devenus le centre des préoccupations. Cet article montre comment les données de l’enquête PISA peuvent orienter l’élaboration de politiques visant à réduire les écarts entre les sexes en matière d’éducation. Il révèle l’étonnante similitude de ces écarts à travers les pays ayant participé à l’enquête PISA. Les garçons figurent ainsi plus souvent parmi les élèves les plus performants en mathématiques et en sciences, mais également parmi ceux qui ne possèdent pas les compétences élémentaires en compréhension de l’écrit. Les écarts de performance ne sont cependant pas liés aux aspirations professionnelles. Ainsi, même les filles les plus performantes en mathématiques envisagent rarement de faire carrière dans les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Les attitudes et les convictions semblent en effet jouer un rôle plus important dans la genèse des différences d’aspirations professionnelles entre les sexes.
Using TIMSS and PIRLS to improve teaching and learning / Ina V.S. MULLIS & Michael O. MARTIN
TIMSS recueille de nombreuses données sur les programmes de mathématiques et de sciences dans les pays participants, ainsi que les caractéristiques des écoles et des environnements d’apprentissage en classe. Les pays participants utilisent les résultats de ces évaluations, de diverses façons, dans le but d’explorer les questions d’éducation. A partir de plusieurs exemples, l’article décrit les possibilités que fournissent les données de TIMSS pour les prises de décision et leur bien-fondé.
L’évaluation de la culture scientifique des élèves français de quinze ans dans PISA 2009 / Nicolas COPPENS
Cet article présente rapidement le programme international PISA, mené par l’OCDE, qui a testé en 2009 la culture scientifique, la culture mathématique et la compréhension de l’écrit par les jeunes scolarisés de quinze ans dans 65 pays différents. Il décrit ensuite la culture scientifique telle qu’elle est définie dans PISA et dans les programmes français avant d’analyser les résultats des élèves français dans ce domaine.
PISA : politique, problèmes fondamentaux et résultats paradoxaux / Svein SJØBERG
Durant la dernière décennie, PISA a renforcé fortement son influence sur les politiques éducatives dans les pays participants. Les résultats de ces enquêtes ouvrent bien des débats publics sur la qualité de l’enseignement scolaire. En effet, les résultats concernant les tableaux de scores et les classements des pays, bien que souvent pris dans leur valeur nominale, sont exploités tant par les médias que par les politiques et les décideurs. Cet article fait état de certaines réserves quant à la validité de ces scores et de ces classements que nous exposerons plus loin. Mais il y a, tout d’abord, lieu de soulever certaines questions fondamentales sur les raisons du lancement du projet PISA par l’OCDE. Des raisons qui sont, bien évidemment, fortement liées aux objectifs politiques d’ensemble de l’OCDE et à son engagement sous-jacent dans une économie de marché mondiale et concurrentielle. Pour étayer ce propos, des exemples seront donnés pour expliquer l’influence qu’exerce PISA sur les politiques éducatives. Nous commencerons par émettre deux catégories de critiques qui seront discutées. La première a trait au projet PISA en tant que tel. Nous montrerons qu’il est impossible de construire d’une manière objective une enquête qui peut être utilisée pour des pays et des cultures différents. De même, l’exclusion du local et du spécifique va à l’encontre des préconisations de l’UNESCO, de celles des éducateurs et des programmes scolaires nationaux relatifs à l’éducation scientifique. La deuxième catégorie de critiques se rapporte à certains résultats paradoxaux. Il semble que les élèves dans les pays à hauts scores développent les attitudes les plus négatives envers la science. Il ressort également que les scores sont indépendants de certains facteurs comme le niveau des ressources pédagogiques, la taille des classes, etc. Enfin, les résultats sont corrélés négativement à l’utilisation des méthodes pédagogiques actives, des démarches d’investigation et des TIC. En tous les cas que l’on croie ou non au bien fondé du projet PISA, de tels résultats aussi surprenants soient-ils méritent d’être discutés.
De la crise de l’éducation et de ses nouveaux avatars / Alain TROUVE
Nous partons du diagnostic de la crise en éducation tout en la rattachant à celle qui affecte nos sociétés contemporaines, notamment la société française. En effet, la crise de l’éducation, en particulier celle de l’école, est le produit et le reflet de la crise plus générale qui mine les institutions privées (la famille) et publiques (l’école) dans leurs assises traditionnelles. Nous illustrons cette idée d’abord à partir de la considération des « nouveaux avatars » qui l’accentuent, notamment sous les espèces, d’une part, des contenus latents des directives européennes en matière d’éducation et, d’autre part, de celle du modèle « néo-libéral » qui les inspire. Puis nous rappelons la pérennité du thème de la crise et de ses différents traits (crise de la culture scolaire, séparation des processus de subjectivation et de rationalisation, culture de masse et individualisme contemporain, empire des « psychotechonologies » sur la jeunesse) sur lesquels s’inscrivent ces nouveaux avatars. Enfin, rappelant que l’état de crise ne débouche pas nécessairement sur une issue fatale, nous indiquons brièvement quelques ouvertures possibles susceptibles de répondre aux défis engendrés par la crise.
Varia
Retour sur un paradoxe de la normativité éducative / Henri Louis GO
L’individu ne peut prendre réellement place comme sujet dans une collectivité, qu’à proportion de dispositions à agir construites pour lui et avec lui, dispositions qui résultent forcément de sa compréhension des raisons d’être des normes correspondantes. Pour tout individu, agir de soi-même c’est d’abord et paradoxalement agir selon les normes d’une culture donnée : quel que soit le contexte dans lequel agit tel ou tel individu, il agit forcément selon des habitudes et un conditionnement propres à un groupe donné, et dans toutes les formes d’éducation, on habitue les enfants à réagir selon un système taxinomique organisant tout leur vécu social. Les classifications grâce auxquelles nous pensons, nous sont toujours fournies déjà toutes faites. Les tentatives pour ne plus penser sur des rails, pour ne plus être pensé par les institutions et pour échapper à leur contrôle, risquent fort de n’être qu’un trompe-l’œil, tant elles semblent conduire en bonne logique à l’apparition de nouvelles institutions, qui produisent de nouvelles classifications, qui développent de nouveaux styles de raisonnement. L’enjeu est de savoir si l’enfant peut apprendre à s’engager de lui-même sur le plan des valeurs et de ces idées communes qui lui sont transmises, de façon à entrer dans un régime de significations collectives, mais en devenant progressivement un sujet normatif des institutions.
L’Ecole Républicaine est-elle le fruit des idées et de valeurs protestantes ? / Anne RUOLT
L’École de Ferry est-elle la « fille du protestantisme » ? En comparant les idées et les valeurs du courant oublié, incarné par Guizot à celui incarné par Buisson, cet article pose la question de la pertinence de l’hypothèse posée par le Pasteur Paumier « [qu’] au lieu d’une religion d’État, on semble vouloir nous imposer une irréligion d’État ». Dans un premier temps, à partir des écrits et rapports d’AG de François Guizot et Louis Frédéric François Gauthey repris par le président Charles Robert et les autres acteurs de la Société pour l’Encouragement de l’Instruction Primaire parmi les Protestants de France (SEIPPF) lorsque les lois Ferry furent promulguées, l’article rappelle l’existence d’un courant protestant-orthodoxe oublié qui, en s’élevant contre les « trois étoiles » de la pensée de Buisson pour l’école, montre que l’École de Ferry n’a pas été le fruit des idées et des valeurs de ce courant du protestantisme vivifié par le Réveil de Genève. Ensuite, dans un deuxième temps, l’article analyse la pensée de Buisson dans une perspective philosophico-théologique, et montre à partir des écrits fondateurs de sa philosophie, comment il s’est résolument écarté autant du protestantisme orthodoxe qu’hétérodoxe pour fonder un « autre parti » plus proche d’Auguste Comte que de Jean Calvin. L’École de Ferry selon Buisson n’est-elle pas plutôt : « fille d’un scientisme anti-dogmatique » ?
La mise au jour d’un contrat réflexif comme régulateur de démarches de recherche participative : le cas d’une recherche-action et d’une recherche collaborative / Nadine BEDNARZ, Serge DESGAGNE, Jean-François MAHEUX & Lorraine SAVOIE ZAJC
Les recherches participatives mettent en avant une vision différente de la recherche réalisée de concert avec les acteurs directement concernés par les phénomènes investigués, obligeant à repenser les rapports traditionnellement vus comme étant ceux de l’expert (le chercheur) et de l’exécutant (l’usager, le praticien). Pour mieux comprendre ces dynamiques de recherche en éducation, nous nous sommes intéressés aux dynamiques fines d’interactions qui s’élaborent entre les chercheurs et les praticiens au sein des espaces réflexifs mis en place. Notre analyse prend appui sur le concept de contrat réflexif informel et porte sur deux collectifs de recherche, l’un s’inscrivant dans une démarche de recherche-action, l’autre de recherche collaborative
Le métier impossible des moniteurs de Maison Familiale Rurale : analyse de l’activité, entre l’audace d’un projet et la réalité du terrain / Violaine CHARIL
A l’heure où l’organisation du travail est parfois montrée du doigt, où les méthodes de management sont minutieusement observées, nous avons souhaité nous intéresser à une structure de formation parfois méconnue : Les Maisons Familiales Rurales (MFR) et plus particulièrement aux formateurs se trouvant au cœur de cette organisation. Ces formateurs se font aussi appeler moniteurs car leurs missions sont variées et vont au-delà de l’enseignement, de la transmission d’un savoir, d’un savoir-faire ou d’un savoir-être. Eduquer, enseigner sont des actes souvent classés aujourd’hui dans les métiers impossibles. Formateur en MFR ferait donc partie de ces métiers impossibles. Dans notre travail de recherche, qui s’inscrit dans le cadre de la didactique professionnelle, nous nous sommes intéressée à la façon dont ces moniteurs articulent toutes ces missions, faisant l’hypothèse d’organisateurs de l’activité. Nous avons, donc, fait le choix d’une méthodologie de l’analyse de l’activité regroupant à la fois la technique de l’instruction au sosie chère à Y. Clot et celle des incidents critiques développées par J. Leplat en ergonomie. Nos résultats nous amènent à poser de nouvelles questions liées à l’évolution de l’organisation du travail au sein des MFR, et à l’évolution de la société ; puis à reconnaître l’importance du collectif et du travail en équipe dans ces structures.
Quel(s) besoin(s) d’accomplissement pour quelles carrières ? Une exploration dans le contexte tunisien pour mieux comprendre l’attrait pour la carrière entrepreneuriale / Ilia TAKTAK KALLEL
Le besoin d’accomplissement est reconnu pour être l’un des plus puissants moteurs de l’activité humaine. Il est largement admis, après les travaux de Mc Clelland (1961), que les entrepreneurs sont particulièrement habités par ce besoin. Ce dernier est-il l’apanage de certains individus ? S’exprime-t-il de la même manière d’une culture à une autre ? Si le travail est l’occasion de revisiter ces différentes questions, l’ambition est de comprendre quels besoins psychologiques et valeurs sont congruents avec quelles préférences de carrière dans le contexte tunisien et – in fine – de cerner certains des moteurs qui peuvent expliquer l’attrait pour la carrière entrepreneuriale. Pour ce faire, une enquête par questionnaire a été menée auprès de 213 étudiants d’une école de commerce à Tunis. Les résultats obtenus révèlent notamment que le besoin d’accomplissement est surtout relié aux situations d’indécision en matière de préférences de carrière, alors que l’attrait pour la carrière entrepreneuriale va significativement de pair avec la recherche d’une certaine qualité de vie, ce qui nous a amené à avancer l’idée d’une « féminisation » des valeurs de ceux qui expriment une préférence pour la création d’entreprise, même si cette dernière reste une carrière largement masculine.
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