Lettre de réplique aux « Janette »

Lettre de réplique aux « Janette »

Madame Bertrand,

Nous devons avouer notre sincère déception devant votre réaction à la Charte des valeurs québécoises. Il est indéniable que le droit de vote des femmes est un acquis précieux et nous devons beaucoup à celles et ceux qui se sont battus pour l’obtenir. Il nous faut évidemment saluer le courage et la détermination des pionnières du féminisme québécois, qui, comme vous, ont mené tout au long de leur vie une lutte acharnée pour affranchir les femmes de leur subordination systématique à la gent masculine.

Nous ressentons néanmoins le besoin d’exprimer notre désaccord quant à la vision du féminisme mise de l’avant dans votre lettre publiée mardi. Selon nous, l’émancipation des femmes ne peut se faire par l’imposition d’une mesure paternaliste comme l’interdiction des signes religieux ostentatoires.

D’abord, il nous apparaît sérieusement inapproprié de tracer un parallèle entre le droit de vote des femmes et la législation éventuelle qui s’appliquera aux employés de l’État. Bien que la méthode soit similaire, les effets sont en réalité diamétralement opposés. Rappelons que la loi ne sert pas seulement à assurer certains droits aux individus; elle peut également les en déposséder. Ainsi, bien qu’on puisse critiquer les positions sexistes et patriarcales adoptées par les grandes religions, cela ne justifie pas pour autant qu’on s’attaque au droit de chacun d’exprimer ses croyances religieuses.

En effet, il est vrai que les religions monothéistes ont historiquement été instrumentalisées par les hommes en vue de dominer les femmes. Mais notons qu’à ce jour, plusieurs femmes se réapproprient leur religion, précisément dans le but de contrer l’emprise que les hommes ont toujours eu sur elles. À cet égard, il est atterrant de constater le refus de certains à concevoir que l’émancipation féminine puisse bel et bien prendre plusieurs visages, y compris religieux. De plus, l’autonomie de la femme implique avant tout qu’on reconnaisse sa liberté de prendre des décisions concernant sa propre personne.

Nous comprenons donc que le voile puisse apparaître comme un symbole de soumission aux yeux de certains; et il l’est effectivement dans certaines situations. Mais cela ne justifie en rien que l’on stigmatise l’ensemble des femmes qui choisissent de le porter, comme s’il s’agissait d’une subordination volontaire et honteuse.

Si l’octroi du droit de vote aux femmes corrigeait une inégalité historique foncièrement injuste, le projet de Charte des valeurs est à notre avis loin de s’inscrire dans la même lignée progressiste, bien au contraire! Faut-il répéter que la Charte contribuera plutôt à marginaliser les femmes issues de minorités religieuses, en les tenant à l’écart de la fonction publique? Il n’y a à notre avis rien de « consolidant » pour les droits des femmes dans une telle perspective.

Les inclusives:

  • Laurence Couture-Thériault,
  • Léa Couture-Thériault,
  • Ryoa Chung,
  • Nellie Brière,
  • Gretta Chambers,
  • Élise Desaulniers,
  • Gretta Hoffman Nemiroff ,
  • Gabrielle Brais Harvey,
  • Aurélie Lanctot,
  • Judith Lussier,
  • Justine Laurier,
  • Nour Farhat,
  • Rim Mohsen,
  • Dalila Awada,
  • Isabelle Dumont,
  • Gabrielle Brassard-Lecours,
  • Humera Jabir,
  • Eve-Lyne Couturier,
  • Pascale Fournier,
  • Julie Gingras,
  • Véronique Grenier,
  • Émilie Nicolas.

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