E-learning en formation d’adultes : quelle perspective émancipatrice?

E-learning en formation d’adultes : quelle perspective émancipatrice?

Un article de Franklin Kimbimbi pour l'Atelier de pédagogie sociale Le Grain, 7 octobre 2013

Introduction

L’e-learning constitue un dispositif de formation qui apparaît au début des années 1990 dans la foulée de l’essor pris par les technologies multimédias et de l’internet. D’abord confiné au monde l’entreprise et singulièrement à celui des entreprises technologiques, l’e-learning s’est étendu au monde de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle.

Il est assez peu souligné que l’e-learning naît dans un contexte économique particulier qualifié de « Nouvelle économie ». Ce concept est créé dans les années 1990 pour désigner l’impact, considéré comme majeur, des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sur l’activité économique américaine dès la deuxième moitié de la décennie 1980. Plus spécifiquement, pour les tenants de la « Nouvelle économie », les TIC ont pesé - et continuent de peser - de tout leur poids sur l’activité de production, de consommation voire de financement et de régulation de l’économie américaine.

Une des caractéristiques de cette « Nouvelle économie » est qu’elle est marquée par des cycles d’innovation extrêmement courts[1]. A titre d’illustration, Atkinson, Court et Ward[2] constatent qu’il fallait en moyenne près de 6 ans, en 1990, pour passer de la phase de conception à la phase de production d’une automobile tandis qu’il ne fallait plus que 2 ans à la fin des années 1990.

Pour les travailleurs, ce raccourcissement dans les cycles d’innovation signifie que les compétences et les connaissances doivent être renouvelées rapidement. On constate en effet depuis plusieurs décennies un discours ambiant qui fait du renouvellement des compétences et des connaissances un impératif pour tout un chacun qui souhaite maintenir son employabilité.  Dans ce contexte de « Nouvelle économie » tel que très brièvement décrit ci-dessus, on est en droit de se poser la question du rôle de la formation et en particulier de l’e-learning. L’e-learning contribue-t-il à la promotion de la personne, à son « émancipation », terme qui sera défini ultérieurement, ou au contraire, ce type de formation ne participe-t-il pas à une instrumentalisation de la formation dictée par l’économique. Si tel est le cas, nous serions loin du paradigme de promotion sociale et d’épanouissement individuel qui a marqué les politiques de formation d’adultes durant les trente glorieuses. 

Dans cet article, nous défendrons l’idée selon laquelle l’ e-learning est porteur d’une intention émancipatrice. Plus précisément, les technologies du multimédia et de l’internet, qui constituent une des dimensions d’un dispositif e-learning, ambitionnent de libérer l’apprenant du contrôle exercé par l’intervenant pédagogique (le tuteur ou le formateur). En d’autres termes, ces technologies favorisent l’exercice d’une prise de contrôle de l’apprenant sur sa propre formation. Néanmoins, c’est le paradoxe, cette intention émancipatrice doit être soutenue par l’intervenant pédagogique pour devenir effective.

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