Les droits des femmes au Canada : peu de progrès
Source avec lien:
Rapport parallèle sur la mise en œuvre par le Canada de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing
Introduction
Il y a vingt ans, des milliers d’activistes, de diplomates et de leaders du monde entier, dont des centaines venaient du Canada, se sont rassemblées à Beijing pour articuler leur vision d’un monde où les femmes et les hommes — sans égard à leur race, classe, orientation sexuelle ou capacité — pourraient s’épanouir ensemble et profiter de chances égales. La rencontre a résulté en une déclaration qui met en lumière certains des plus grands obstacles à l’égalité entre les sexes et un programme d’action qui propose des outils pour surmonter ces obstacles.
Au Canada, comme dans la plupart des pays à haut revenu, les femmes avaient déjà atteint des niveaux élevés dans les domaines de la santé et de l’éducation au moment de la Conférence de Beijing. Les femmes au Canada ont l’une des espérances de vie les plus élevées dans le monde et celle-ci est comparable à l’espérance de vie des hommes. Au cours des vingt dernières années, le nombre de femmes ayant obtenu un diplôme d’études postsecondaires a augmenté de 6 %, et 31 % des femmes (et des hommes) au Canada détiennent aujourd’hui un diplôme ou un certificat d’études postsecondaires. Ces niveaux élevés de réussite scolaire ne sont toutefois pas également répartis entre les divers groupes de femmes, et ne se sont pas traduits par une amélioration de l’égalité économique ou une représentation égale dans les postes de leadership.
Malgré leurs gains dans le domaine de l’éducation, les femmes ne comptent que pour 25 % de tous les cadres supérieurs. Les chiffres sont semblables dans la sphère politique. Lors de la dernière élection fédérale, on a vu la première hausse importante du nombre de députées élues au cours des vingt dernières années (de 22 à 25 %). Encore une fois, ces minis progrès ne sont pas partagés également par toutes les femmes.
Les avancées dans les domaines de la santé et de l’éducation ne se sont pas traduites par une amélioration équivalente en matière de sécurité économique. Le pourcentage de femmes vivant dans la pauvreté a augmenté au cours des vingt dernières années à plus de 13 % aujourd’hui, et ce pourcentage est toujours systématiquement plus élevé que celui des hommes. Les femmes autochtones, racisées ou en situation de handicap sont surreprésentées parmi les femmes pauvres. Les taux d’emploi des femmes ont augmenté entre 1995 et 2000, mais sont demeurés stagnants au cours de la décennie écoulée et systématiquement inférieurs aux taux d’emploi des hommes.
Durant la même période, les taux de violence faite aux femmes n’ont pas beaucoup changé au Canada. Plus d’un million de femmes ont signalé avoir subi des agressions sexuelles ou la violence d’un partenaire intime au cours des cinq dernières années. Les taux de violence par un partenaire intime ont diminué d’à peine 1 % au cours des deux dernières décennies, avec 6,2 % de la population signalant aujourd’hui avoir subi des incidents de violence par un partenaire intime, par comparaison à 7,4 % en 1999. Les taux d’agressions sexuelles ont légèrement augmenté, de 2,1 % en 1999 à 2,4 % aujourd’hui. Les femmes et les filles autochtones sont trois fois plus susceptibles que les non-autochtones d’être victimes de violence. En réalité, la violence infligée aux filles et aux femmes autochtones a atteint des niveaux tels qu’elle a suscité la visite au Canada de nombreux organes multilatéraux des droits de la personne.
Fait inquiétant, le rythme des progrès vers l’égalité a ralenti au cours de la décennie écoulée. Il y a vingt ans, le Canada occupait le premier rang au monde pour ses mesures en faveur de l’égalité. En 2013, le Canada se classait vingtième dans le rapport Global Gender Gap, et vingt-troisième selon l’Indicateur des inégalités de genre de l’ONU. Ce ralentissement du rythme des progrès ne peut être attribué à la crise économique mondiale. L’économie canadienne a été l’une des moins affectées par la crise dans l’ensemble des pays développés. Pourtant, pendant que le Canada perdait des plumes, certains des pays les plus touchés par la crise économique faisaient des progrès. L’Islande, par exemple, a vécu un choc économique massif après la crise mondiale. Le pays a pourtant continué à obtenir un score plus élevé que le Canada dans le rapport Global Gender Gap du Forum économique mondial, et son score a continuer de progresser plus rapidement que celui du Canada après 2008.
Le présent rapport présente un portrait détaillé des progrès du Canada vers la réalisation de l’égalité au cours des cinq dernières années. Il aborde les enjeux prioritaires identifiés en 1995, tout en offrant de l’information additionnelle sur ces enjeux. Chaque section examine les facteurs uniques qui contribuent à l’inégalité. Mais il ne faut pas oublier que ces facteurs se recoupent et s’influencent mutuellement. Certains facteurs refont obstinément surface tout au long du rapport. Des thèmes récurrents dans toutes les sections comprennent notamment un ralentissement marqué des progrès quant aux mesures visant à combler l’écart entre le bien-être des femmes et celui des hommes. Nos recherches montrent également des différences importantes et persistantes entre différents groupes de femmes, les femmes autochtones, racisées ou immigrantes, de même que les femmes en situation de handicap, subissant de façon disproportionnée les conséquences de l’inégalité. Enfin, le gouvernement fédéral a considérablement abdiqué son rôle dans la lutte contre les obstacles à l’égalité, tant au pays qu’à l’étranger.
Considérant tout ce qui reste à faire pour réaliser les objectifs fixés àBeijing en 1995, le présent rapport, en lui-même, est un hommage à la résilience des femmes ayant contribué à sa rédaction et des communautés où elles travaillent. Il témoigne de leur engagement sans faille à réaliser l’égalité entre les sexes au Canada.