Violence à l’encontre des femmes et des filles : une crise insidieuse qui appelle une action mondiale
Source avec lien:
21 novembre 2014 ¦ Genève - D’après une nouvelle série d’articles publiée par The Lancet, les efforts actuellement déployés pour prévenir la violence à l’encontre des femmes et des filles sont insuffisants. On estime que, dans l’ensemble du monde, une femme sur trois a subi des violences physiques ou sexuelles infligées par son partenaire et que 7% des femmes seront victimes d’une agression sexuelle perpétrée par un autre que leur partenaire à un moment donné de leur vie.
Pourtant, malgré l’attention de plus en plus soutenue portée à la violence à l’encontre des femmes et des filles au niveau mondial et en dépit des connaissances acquises dernièrement sur les moyens d’éviter ces maltraitances, la fréquence de la violence à l’encontre des femmes – violences infligées par le partenaire intime, viol, mutilations sexuelles féminines, traite des femmes et mariages forcés – demeure intolérablement élevée, avec de graves conséquences sur la santé physique et mentale des victimes. Les conflits et autres crises humanitaires peuvent aggraver la violence déjà exercée contre les femmes.
Entre 100 et 140 millions de filles et de femmes dans le monde ont subi des mutilations sexuelles et rien qu’en Afrique, plus de 3 millions de filles sont exposées à cette pratique chaque année. Quelque 70 millions de filles dans le monde se marient avant l’âge de 18 ans, très souvent contre leur gré.
Nombreux sont les pays qui ont bien avancé pour ce qui est d’ériger en délit la violence à l’encontre des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, mais les auteurs des articles estiment que les pouvoirs publics et les donateurs doivent débloquer suffisamment de ressources financières pour que leurs engagements se traduisent par un réel changement. Même quand la loi est progressiste, nombre de femmes et de filles sont encore en butte à la discrimination et à la violence et n’ont pas accès aux services de santé et aux services juridiques indispensables.
Combattre les inégalités entre les sexes
Qui plus est, à l’analyse des toutes dernières données, les auteurs montrent qu’on ne fait pas assez pour prévenir initialement la violence à l’encontre des femmes et des filles. Si les ressources consacrées à l’aide aux femmes et aux filles victimes d’actes de violence (accès à la justice et aux soins d’urgence, par exemple) ont augmenté, les résultats de la recherche indiquent qu’il faut combattre les inégalités entre les sexes et les autres causes premières de la violence pour prévenir toutes les formes de maltraitance et réduire ainsi la violence en général.
«À l’échelle mondiale, une femme sur trois sera victime de violences infligées par son partenaire intime et/ou d’actes de violence sexuelle commis par un autre que son partenaire au cours de sa vie, ce qui montre qu’il faut investir davantage dans la prévention. Il faut bien entendu renforcer les services d’aide aux femmes victimes de violence, mais, pour un réel changement dans la vie des femmes et des filles, il faut œuvrer pour l’égalité des sexes et la prévention de la violence avant même qu’elle ne se manifeste», explique l’un des auteurs principaux de la série d’articles, le Professeur Charlotte Watts, Directeur et fondateur du Gender Violence and Health Centre à la London School of Hygiene & Tropical Medicine, au Royaume-Uni. «Il n’y a pas de baguette magique pour éliminer la violence à l’encontre des femmes et des filles. Mais les données scientifiques nous disent que des changements de mentalité et de comportement sont possibles et peuvent se produire en l’espace de moins d’une génération.»
À la longue, estiment les auteurs, il sera capital de travailler à la fois avec ceux qui commettent des actes de violence (hommes et garçons) et celles qui en sont victimes pour parvenir à un changement durable en battant en brèche les normes sociétales profondément enracinées concernant les relations entre hommes et femmes et l’idée insidieuse que les femmes sont inférieures.
La violence est souvent considérée comme un problème de justice sociale et pénale et non comme une question relevant de la médecine clinique ou de la santé publique, mais le système de santé a un rôle crucial à jouer à la fois en prenant en charge les conséquences de la violence et en la prévenant.
«Les agents de santé sont souvent le premier point de contact pour les femmes et les filles victimes de violence», constate un des auteurs principaux, le Dr Claudia Garcia-Moreno, médecin à l’OMS, à Genève, où elle coordonne la recherche et les politiques dans le domaine de la violence à l’égard des femmes.
«Le repérage rapide des femmes et des enfants qui subissent des violences et l’offre d’une aide efficace peuvent améliorer la vie et le bien-être des femmes et leur permettre d’accéder aux services indispensables. Les agents de santé peuvent transmettre un message capital – que la violence n’est pas seulement un problème social, mais une pratique dangereuse et néfaste qui nuit à la santé – et ils peuvent se faire les chantres de la prévention dans la communauté. Le secteur de la santé rate d’importantes occasions d’intégrer la lutte contre la violence dans les initiatives de santé publique qui concernent le VIH/sida, la santé des adolescents, la santé maternelle et la santé mentale», ajoute le Dr Garcia-Moreno.
Cinq grandes mesures peuvent être mise en œuvre
Les auteurs exhortent les responsables politiques, les professionnels de santé et les donateurs partout dans le monde à lutter plus résolument contre la violence à l’encontre des femmes et des filles en prenant cinq grandes mesures.
Premièrement, les pouvoirs publics doivent allouer les ressources nécessaires pour faire de la lutte contre la violence à l’encontre des femmes une priorité, en reconnaissant qu’elle fait obstacle à la santé et au développement.
Deuxièmement, ils doivent transformer les structures discriminatoires (lois, politiques, institutions) qui perpétuent l’inégalité entre hommes et femmes et favorisent la violence.
Troisièmement, il doivent investir pour promouvoir l’égalité, des comportements non violents et des services d’aide aux victimes qui ne soient pas stigmatisants.
Quatrièmement, ils doivent renforcer le rôle des secteurs de la santé, de la sécurité, de l’éducation, de la justice et des autres secteurs concernés en concevant et en appliquant des politiques de prévention et de parade dans l’ensemble de ces secteurs, et en intégrant prévention et aide aux victimes dans les programmes de formation.
Enfin, ils doivent soutenir la recherche et la programmation pour déterminer quelles sont les interventions efficaces et comment agir sur la base des données recueillies.
Selon le coordonnateur de la série d’articles, le Dr Cathy Zimmerma, de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, «nous avons désormais des résultats prometteurs sur les moyens de prévenir efficacement la violence. Le prochain défi est d’étendre ces données sur la prévention et les services d’aide à beaucoup plus de contextes et de formes de violence. Surtout, il faut au plus vite traduire ces données en une action concrète pour que les femmes et les filles puissent vivre à l’abri de la violence».
Dans un commentaire qui accompagne la série d’articles, l’ancien Président des États-Unis Jimmy Carter, fondateur du Carter Center, espère que «les dirigeants politiques et religieux iront de l’avant et useront de leur influence pour dire clairement qu’il faut mettre fin à la violence à l’encontre des femmes et des filles, que nous manquons à nos obligations envers la société et qu’il faut montrer la voie maintenant».
La série d’articles est publiée en prélude à la campagne Seize jours d’action contre la violence liée au genre (25 novembre-10 décembre 2014).
Dans un commentaire qui accompagne la série d’articles, l’ancien Président des États-Unis Jimmy Carter, fondateur du Carter Center, espère que «les dirigeants politiques et religieux iront de l’avant et useront de leur influence pour dire clairement qu’il faut mettre fin à la violence à l’encontre des femmes et des filles, que nous manquons à nos obligations envers la société et qu’il faut montrer la voie maintenant».