Tous ces chemins qui mènent à un premier diplôme : orientation professionnelle des adultes sans diplôme dans une perspective d’apprentissage tout au long de la vie

18 mar 2015

Tous ces chemins qui mènent à un premier diplôme : orientation professionnelle des adultes sans diplôme dans une perspective d’apprentissage tout au long de la vie

Dans le cadre du programme Actions concertées du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC), le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) et le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) se sont associés pour lancer à la communauté scientifique un appel de propositions intitulé Besoins d’orientation professionnelle des adultes sans diplôme (MELS, MESS et FRQSC, 2011). Cet appel s’articule à la Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue (Gouvernement du Québec, 2002) et s’ancre dans l’engagement du Gouvernement du Québec de rehausser la formation de base au Québec.

La problématique esquissée par l’équipe de recherche (A1) met en valeur la perspective d’apprentissage tout au long et au large de la vie sur laquelle se base la Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue. Cette perspective du lifelong learning est adoptée par de nombreux États à l’aube du 21e siècle. Elle fait la promotion de l’apprentissage comme un « continuum éducatif, coextensif à la vie et élargi aux dimensions de la société » (Commission internationale sur l’éducation pour le 21e siècle, 1996, p. 108).

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Toutefois, la forte demande sociale pour un premier diplôme incite de nombreux adultes québécois à faire un retour aux études après une perte d’emploi, le plus souvent dans l’espoir que le diplôme leur permette d’améliorer leur situation professionnelle (Bélanger et Voyer, 2005). Cependant, plusieurs vont interrompre à nouveau leur parcours scolaire et « la scolarisation par intermittence » (Ibid., p.38) est courante, même chez ceux ayant obtenu un soutien financier de l’État. Les obstacles rencontrés sont institutionnels, informationnels, situationnels et dispositionnels (Lavoie, Levesque, Aubin-Horth, Roy et Roy, 2004). Ils concernent l’accès à la formation structurée et le maintien en formation jusqu’à l’obtention d’un premier diplôme. Plusieurs de ces adultes vivent de l’ambivalence quant à la formation structurée, car ils sont aux prises entre des attentes sociales parfois contradictoires (Illeris, 2007). L’ambivalence découle de la concurrence de normes, attentes, demandes, valeurs ou sentiments opposés, qui donnent une perception à la fois positive et négative du même objet (Baril et Bourdon, 2014).

L’intervention en orientation peut aider à prendre en compte ces obstacles ainsi que l’ambivalence, en amont et pendant la formation. Cependant, on constate que la population des adultes sans diplôme est encore très peu étudiée en orientation ou développement de carrière, même si elle obtient des services d’orientation dans les milieux scolaires, le réseau public de l’emploi, des organismes communautaires divers (ex. : Bélisle et Cardinal-Picard, 2012; DGARES, 2009). On constate également que, comme dans la politique de 2002 (Gouvernement du Québec, 2002), les acteurs et les études en éducation et formation des adultes n’associent pas directement le domaine de l’orientation aux stratégies en faveur de l’apprentissage tout au long et au large de la vie.

Notre objectif général est de cerner les besoins d’orientation des adultes sans diplôme, en nous intéressant aux services d’orientation connus, reçus et souhaités. Ce que nous identifions comme étant un besoin d’orientation est l’écart entre une situation quant à l’orientation de l’adulte et une situation désirée, à un moment donné de sa vie. Dans nos analyses, nous concevons que le soutien à l’orientation des adultes peut faire appel à des formes de soutien social autres que celles des dispositifs offrant une prestation de services spécialisés en orientation. Ces services, qu’ils soient fournis par l’État ou un de ses partenaires, par une instance privée ou par un organisme de la communauté, sont dédiés explicitement à l’orientation éducative et professionnelle des adultes. Par orientation éducative et professionnelle, on entend des activités aidant les personnes à faire des choix et les réaliser en matière d’éducation et de travail, tous deux dans un sens large incluant les contextes formels, non formels et informels d’apprentissage ainsi que l’emploi salarié, l’entreprenariat, les stages non rémunérés, le bénévolat et autres. Les services ciblés dans la présente étude sont : (1) les services d’information sur la formation et le travail (IFT); (2) les services d’aide à la connaissance de soi; (3) les services d’accompagnement de processus d’orientation; (4) les services d’aide à la réalisation d’un projet de formation; (5) les services de reconnaissance officielle d’acquis et de compétences; (6) les services d’aide à la recherche et au maintien en emploi. Ces services peuvent être disponibles pour le grand public (ex. : les services d’information, en mode libre ou assisté en salle multiservices dans un CLE ou par Internet) ou être disponibles sur rendez-vous avec, dans certains cas, la nécessité d’avoir une référence (A1).

Cette étude est guidée par les cinq objectifs spécifiques suivants : (1) Identifier les dispositifs et les services d’orientation connus et ceux fréquentés par les adultes sans diplôme, ainsi que leur appréciation; (2) Identifier les dispositifs et services souhaités pour soutenir le retour en formation de base, le maintien en formation et l’apprentissage; (3) Identifier les sources et les contextes d’ambivalence quant à la formation de base; (4) Dégager les besoins d’orientation d’adultes sans diplôme et les contextes dans lesquels ils se manifestent; (5) Dégager des pistes de réflexion pour améliorer l’intervention en orientation et le soutien à l’expression de la demande de formation de base. Une des limites de cette étude est que, puisqu’elle est fondée sur des données déclaratives, elle ne permet pas de documenter directement les services effectivement reçus par les adultes ou leur niveau de compréhension des informations. Une autre limite est qu’il a été difficile de recruter pour le volet qualitatif un échantillon d’adultes sans diplôme avec une répartition des caractéristiques comparable à celle du sondage.