Ébranlée par la montée de l’extrémisme, la participation des femmes à la paix et au relèvement reste entravée et sous-utilisée

13 oct 2015

Ébranlée par la montée de l’extrémisme, la participation des femmes à la paix et au relèvement reste entravée et sous-utilisée

(New York, le 12 octobre) – Le Conseil de sécurité des Nations Unies tiendra pour la première fois un débat public tout au long de la journée de demain, le 13 octobre, pour commémorer l’adoption de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité. Comme il a été prévu que ce débat serait présidé par un chef d’État ou de gouvernement, c’est le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy qui s’en chargera. Cet examen historique arrive à point nommé, alors que le monde fait face à la montée d’un extrémisme violent, basé sur une idéologie et une tactique militaire qui reposent sur la subordination des femmes, et alors que la violence et les conflits coûtent à la planète plus de 14 milliards de dollars [1]. De nouvelles études montrent pourtant, dans un contraste saisissant, que la paix perdure lorsque les femmes sont associées aux pourparlers, et que les États sont plus résilients face aux conflits et à l’extrémisme lorsqu’ils font de l’égalité des sexes une priorité.

L’examen de haut niveau 2015 du Conseil de sécurité des Nations Unies portant sur le programme sur les femmes, la paix et la sécurité marquera le 15e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU qui, en 2000, a reconnu pour la première fois le rôle de l’égalité des sexes et du leadership des femmes dans l’instauration de la paix et de la sécurité internationales. C’est le troisième examen majeur conduit cette année par les Nations Unies sur le thème de la paix et de la sécurité internationales ; il complète les examens des opérations de paix et du dispositif de consolidation de la paix. Il a lieu quelques semaines à peine après la réunion historique des dirigeantes et dirigeants de la planète lors de la 70e session de l’Assemblée générale, qui ont convenu de faire de l’égalité des sexes un pilier central de la nouvelle feuille de route pour le développement à l’échelle mondiale.

En 2014, 88 pour cent des processus de paix impliquant les Nations Unies ont comporté des consultations régulières avec les femmes, ce qui représente une hausse significative puisque ce taux était de 50 pour cent en 2011. Avant l’adoption de la résolution 1325 par le Conseil de sécurité, 11 pour cent des accords de paix faisaient mention des femmes et des questions de genre. Depuis lors, ce pourcentage a atteint 27 pour cent. Cependant, ces chiffres indiquent également que presque les trois quarts des accords de paix intervenus au cours des 15 dernières années ne faisaient aucune mention des femmes.

« Ces données montrent sans équivoque que les femmes doivent être pleinement associées aux pourparlers de paix, en tant que négociatrices et dirigeantes, et ce de manière bien plus inclusive. Les femmes doivent être en mesure de contrôler les décisions concernant l’allocation des ressources, par exemple pour surmonter les traumatismes et les cicatrices laissés par la guerre, ou de prendre la tête d’opérations de relèvement sur le terrain telles que la restitution des biens et des terres », note Phumzile Mlambo-Ngcuka, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Directrice exécutive d’ONU Femmes. « ONU Femmes appelle à l’accélération des efforts engagés pour promouvoir le leadership des femmes en matière de paix et de sécurité, et ce au moyen d’un engagement plus fort au niveau politique, d’un appui financier beaucoup plus conséquent, et de dépenses ciblées. Cet anniversaire doit marquer le moment historique où les mots se transforment en actions ».

Et d’insister : « Nous ne devons pas laisser passer l’occasion de provoquer un changement radical – ne plus traiter de manière secondaire ou périphérique les questions relatives aux femmes dans les affaires des Nations Unies, mais envisager les femmes et les filles comme la solution, jusqu’ici manquante, pour créer un monde juste et en paix. Chaque jour qui passe et qui voit les femmes exclues de ces processus constitue un jour de plus à attendre la paix ».

Étude mondiale

Un nouveau rapport important, commandé par le Secrétaire général des Nations Unies dans le cadre de l’examen à l’occasion du 15e anniversaire et intitulé « Preventing Conflict, Transforming Justice, Securing the Peace: A Global Study on the Implementation of Security Council resolution 1325 », sera publié en même temps. Ce rapport est le fruit de recherches qui démontrent sans appel que l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes contribuent à la conclusion et à la mise en œuvre d’accords de paix et d’une paix durable par l’accélération de la reprise économique, le renforcement des efforts de protection des opérations de paix et d’aide humanitaire, et en luttant contre l’extrémisme violent.

Malgré cela, le sous-investissement dont est victime l’égalité des sexes perdure : en 2012-2013, seul 2 pour cent de l’aide en faveur de la paix et de la sécurité dans les États fragiles ciblait l’égalité des sexes comme objectif principal, et seul 3 pour cent du personnel militaire des missions des Nations Unies était des femmes. L’objectif fixé il y a cinq ans par le Secrétaire général des Nations Unies, consistant à consacrer 15 pour cent de l’ensemble des fonds destinés au maintien de la paix à des activités de renforcement de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes n’a pas encore été atteint par les organisations des Nations Unies. Cette année, le Secrétaire général a élargi cet objectif pour y inclure de nouveaux domaines menaçant la paix et la sécurité, notamment la lutte contre l’extrémisme violent.

Cette nouvelle étude mondiale a été dirigée par Radhika Coomaraswamy, auteure principale, ancienne Représentante spéciale du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé et Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, assistée d’un groupe consultatif de haut niveau composé d’expertes et experts éminents. Un secrétariat hébergé par ONU Femmes s’est chargé de la coordination de cette étude.

Au cours des 15 années ayant suivi l’adoption de la résolution 1325, le pourcentage de femmes associées aux pourparlers de paix est resté inférieur à 10, les processus de dialogue et de prise de décision au niveau national dans les pays touchés par des conflits étant de manière générale dominés par un petit groupe de dirigeants masculins. Les conséquences sur la vie des femmes sont directes : plus de la moitié des décès maternels ont lieu dans des pays touchés par un conflit ou des États fragiles ; environ la moitié des enfants en âge d’aller à l’école primaire et qui n’y vont pas vivent dans des zones touchées par un conflit ; et le taux net d’inscription des filles à l’école primaire est inférieur de 17 points au taux d’inscription global. Dans un contexte de conflit, les risques de violences sexuelles, de mariage précoce et d’infection au VIH/Sida augmentent. À l’inverse, les observations de l’étude mondiale soulignent que la participation des femmes aux négociations pour la paix augmente de 20 pour cent la probabilité du maintien en place des accords de paix sur une période d’au moins deux ans, et de 35 pour cent sur une période de 15 ans. De plus, les données de cette étude montrent également une corrélation positive entre le niveau d’égalité des sexes d’un pays et la probabilité qu’il n’ait pas recours à la force dans ses relations avec d’autres pays. L’égalité des sexes est donc un outil puissant dans la prévention des conflits.

Au cours de l’examen par le Conseil de sécurité, la Directrice exécutive d’ONU Femmes présentera également les résultats du rapport du Secrétaire général sur les femmes, la paix et la sécurité. L’activiste congolaise Julienne Lusenge et l’activiste iraquienne Yanar Mohammad, toutes deux à la tête d’importantes organisations de femmes dans leur pays, seront les porte-paroles des organisations de la société civile. De nouveaux engagements et des plans concrets sont attendus de la part des États membres des Nations Unies pour accélérer la mise en œuvre de la résolution 1325, allant de nouveaux financements à des réformes juridiques, des investissements en faveur du leadership des femmes dans le cadre des opérations de consolidation de la paix et de relèvement, et à une plus grande protection des droits des femmes dans les situations de conflit. L’une des mesures spécifiques annoncées est la création d’un « instrument mondial d’accélération », un fonds spécial qui pourra servir au déboursement rapide d’une aide financière à ceux qui travaillent à soutenir les femmes, la paix et la sécurité et qui répondent au déclenchement soudain de conflits armés et aux urgences humanitaires. Une conférence des donateurs est prévue au début de 2016 pour lever les fonds en faveur de ce nouveau mécanisme.

NOTE À L’ATTENTION DES ÉDITRICES ET ÉDITEURS :

ONU Femmes est l’organisation des Nations Unies consacrée à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes. ONU Femmes soutient la participation équitable des femmes à tous les aspects de la vie, en se concentrant sur cinq actions prioritaires : renforcer le leadership et la participation des femmes ; mettre fin à la violence contre les femmes ; faire participer les femmes à tous les aspects des processus de paix et de sécurité ; renforcer l’autonomisation économique des femmes ; et mettre l’égalité des sexes au cœur de la planification et de la budgétisation nationales. Depuis sa création en 2010, ONU Femmes coordonne le travail réalisé par le système des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité. L’organisation soutient actuellement la participation des femmes dans les pourparlers de paix dans plusieurs pays, notamment en Colombie, au Soudan du Sud ou en Syrie ; les initiatives de consolidation de la paix au Burundi, en Guinée, au Libéria et au Kirghizistan ; les poursuites pénales pour les crimes basés sur le genre partout dans le monde – y compris au moyen du déploiement d’experts en violence sexuelle et fondée sur le genre pour appuyer le travail des commissions d’enquête des Nations Unies, de la Cour pénale internationale, et des tribunaux nationaux en charge des crimes de guerre ; le secours d’urgence aux femmes et aux filles, du Népal jusqu’aux pays limitrophes de ceux – Syrie, République centrafricaine et Soudan du Sud – où se produisent des guerres civiles ; la formation des Casques bleus ; et l’accès des femmes à la justice en Somalie ou en République centrafricaine. ONU Femmes supervise également le développement de cadres de suivi et de redevabilité pour les organisations des Nations Unies et les États membres, et l’adoption et l’application du plan d’action en sept points du Secrétaire général pour la prise en compte des questions de genre dans la consolidation de la paix.
 
Notes :
[1] Institute for Economics and Peace. Indice de paix mondial 2015 (index composite qui mesure la paix dans 162 pays selon 23 indicateurs qualitatifs et quantitatifs).