Penser autrement la réparation et la transformation après une agression sexuelle : réflexions sur une justice féministe qui en finit avec la honte - Appel à contributions

9 juin 2016

Penser autrement la réparation et la transformation après une agression sexuelle : réflexions sur une justice féministe qui en finit avec la honte - Appel à contributions

Source: 

Stéphanie Mayer

NOUVEAUX ÉCHÉANCIERS

Le 1er octobre 2014 s’est soulevée la vague #beenrapeneverreported. En moins d’une semaine, le Toronto Star a recensé pas moins de 42 000 prises de parole utilisant, comme agrégateur, le mot-clic. Dans la foulée, apparaît au Québec la version francophone #agressionnondénoncée. À ce jour, on compterait des dizaines de millions de tweets par lesquels des femmes de partout prennent la parole pour dire les agressions, les limites violées, les violences perpétrées. Violences à travers lesquelles les victimes vivent, vivotent et tentent de survivre. Toutes ont nommé la profonde imprégnation de l’autorisation patriarcale sur le corps des femmes. Les violences dont les femmes font l’objet sont loin d’être nouvelles. Cette insidieuse arme du patriarcat est employée quotidiennement contre chacune d’elles partout dans le monde.

On se souvient que le mot-clic a été formulé par Antonia Zerbisias et Sue Montgomery, journalistes, par solidarité avec celles dont on doutait du témoignage alors qu’elles cherchaient à porter plainte contre Jian Ghomeshi. Il y a peu de temps, le verdict est tombé. Sans grande surprise, il fera partie des 997 accusés sur 1 000 qui s’en tirent.

En fait, une lame de fond a été soulevée. A-t-on déjà autant parlé d’agressions sexuelles dans l’espace public? Nous avons vu l’indignation, la colère et la révolte des féministes quant aux injustices, aux insuffisances et aux limites des systèmes en place pour accueillir et respecter la parole des plaignantes, pour assurer un traitement juste et équitable des cas d’agression, et ce, de manière à obtenir réparation et justice pour les victimes et entraîner une transformation pour les agresseurs et la société.

On se souvient des portes de professeurs placardées d’autocollants à l’UQAM, un coup d’éclat qui a entraîné une forte mobilisation à l’intérieur de cette université. Des plaintes ont été portées, un colloque a été organisé, un livre a paru et un poste d’intervenante a été créé, puis supprimé. Une vaste enquête sur les agressions sexuelles en milieu universitaire à travers tout le Québec a été mise sur pied. Une commission d’enquête faisant état de l’articulation entre le racisme, le colonialisme et le patriarcat sera éventuellement mise en branle afin de rendre compte des violences innombrables dont les femmes autochtones font l’objet. Les milieux militants ont été confrontés aux mêmes enjeux et différentes stratégies ont été tentées pour prendre acte de la situation, depuis les dénonciations sur les réseaux sociaux, jusqu’aux prises de parole les plus intimes.

Il est évident qu’il y a une insuffisance de moyens juridiques, institutionnels, politiques et théoriques afin d’assurer l’audibilité des voix des plaignantes, le respect de leur parole et de leur intégrité. Actuellement, l’établissement de mesures qui assurent que les victimes puissent obtenir réparation et qui permettent leur guérison, mais plus encore la transformation de la société, fait encore largement défaut.

Il faut prendre acte. Il faut faire oeuvre de mémoire sur les bons coups, les manoeuvres nécessaires, les pièges. Il faut se mettre en mode propositionnel. Il faut entrevoir les avenues de changement, le statu quo est insoutenable.

Le projet de ce livre est de colliger des textes qui proposent, qui explorent, qui espèrent, qui osent, qui construisent, qui bâtissent…
Nous souhaitons rassembler des textes qui offrent dans le concret et l’utopie des manières de prendre acte des agressions sexuelles commises, d’aménager des médiums d’accueil de la parole, de proposer des façons qui permettent la guérison et la transformation de la société.

Les contributions peuvent aborder, entre autres, mais sans s’y limiter, les thèmes suivants :

  • Recherches théoriques ou empiriques qui colligent différentes stratégies mises en oeuvre pour accueillir, respecter la parole des plaignantes et qui permettent de tendre vers la guérison et la justice.
  • Rétrospective sur les avenues déjà proposées et explorées par les féministes d’ici et d’ailleurs.
  • Réflexions critiques sur les systèmes de justice actuels. Quels avantages? Quelles limites? Quelles solutions de remplacement à explorer?
  • Travaux qui rendent compte à partir des diversités culturelles, spirituelles ou philosophiques de visions plurielles de la justice, du pardon et de la réparation.
  • Réflexions sur la guérison : de quoi avons-nous besoin? Qu’est-ce qu’« obtenir réparation » signifie? De quelle justice voulons-nous?
  • Réflexions tirées d’expériences et processus de dénonciation d’agressions sexuelles non institutionnelles (par exemple : les milieux étudiants, militants, universitaires, de travail, etc.). Quels apprentissages? Quels avantages? Quelles limites? Quoi changer?
  • Quelles avenues emprunter comme organisations (communautaires, politiques, etc.) lorsque des cas d’agressions adviennent? Quels types de processus doivent être mis en oeuvre? Comment prendre part comme individu à un tel processus? Quelles sont les responsabilités collectives?
  • Les limites et les ambiguïtés de l’idée de consentement sexuel. Que penser des campagnes sur le « non », sur la demande de consentement, sur les rôles et les responsabilités qui en découlent? Quelles avenues doivent être explorées sur les plans de l’éducation sexuelle? Que penser des campagnes : « pour que la honte change de bord »?
  • Que faire des statuts de victimes et d’agresseur.es?
  • Quelles avenues d’engagements politiques pour les femmes et les hommes envers une société sans agression?
  • Qu’est-ce qui peut offrir justice et réparation aux victimes?
  • Que penser des punitions/sanctions/sentences pour les agresseur.es?

Forme projetée de l’ouvrage à paraître :

Pour parvenir à formuler ce projet de société, il nous faut oser imaginer un autrement. Il n’y a pas de « posture féministe » exclue d’emblée; toutes les propositions sont les bienvenues. La démarche se veut une construction d’une contrepartie féministe à la justice patriarcale.

Pour laisser place aux idées qui sortent du cadre, le livre construit à partir des propositions choisies s’autorise l’hétérogène. Les contributions peuvent prendre différentes formes : textes d’analyse, essais ou fictions, textes longs ou courts, oeuvres graphiques, etc. Elles peuvent être réalistes, mais ce n’est pas obligatoire. Ne nous laissons pas contraindre par les limites que nous
pose la société existante. Les propositions choisies démontreront, quelle que soit la forme privilégiée, une réflexion approfondie.
Les porteuses du projet rassembleront les textes, les mettront en dialogue et proposeront elles-mêmes de courts textes qui feront le liant entre les différentes propositions.

Échéanciers :

  • Nous attendons vos propositions de contribution (d’une longueur de 300 mots) avant le 30 septembre 2016. Les contributions peuvent prendre la forme d’articles longs (plus de 7 000 mots), de textes courts (moins de 2 000) ou d’oeuvres. Veuillez faire parvenir vos questions ou demandes d’informations ainsi que vos propositions à l’adresse suivante : justicefeministe@gmail.com
  • Nous contacterons les auteur.es des propositions retenues le 15 octobre 2016 au plus tard.
  • Une version définitive des textes et oeuvres sera attendue pour le 1er février 2017.

Solidairement,
Julie Chateauvert
Stéphanie Mayer