Le Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation présente son rapport

26 sep 2017

Le Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation présente son rapport

Douze recommandations, quatre accélérateurs de succès, un plaidoyer pour l'éducation et une prise de position sur la modernisation de l'État, afin d'agir ensemble pour un Québec innovant, inclusif et prospère

MONTRÉAL, le 25 sept. 2017 /CNW Telbec/ - Le Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation, formé de 32 leaders socioéconomiques du Québec sous la présidente de Monique F. Leroux, présente aujourd'hui son rapport après quelque dix mois de travaux. Le document, structuré selon quatre grands thèmes - développer le talent et les compétences des Québécois; stimuler la naissance et la croissance des entreprises; miser sur les forces du Québec; bâtir sur des fondations modernes et solides - comporte 12 recommandations principales visant à stimuler l'investissement privé, accroître l'innovation, renforcer la compétitivité du Québec et intensifier l'internationalisation de nos entreprises. « Nos recommandations sont concrètes, opérationnelles, appuyées par un balisage international. Il y a une trame de fond, qui est l'éducation et la formation; et il y a une manière d'aborder les enjeux, c'est par la concertation, en brisant les silos, par un engagement partagé envers le succès du Québec », a déclaré la présidente du Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation.

Plaidoyer pour l'éducation

En ouverture de propos, le Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation fait un plaidoyer pour l'éducation. Tout en notant certains progrès en matière de décrochage scolaire, le Conseil affirme que l'éducation doit être la priorité des priorités. « Protéger les employés menacés par les changements technologiques, pallier les effets du vieillissement de la population, intégrer les nouvelles technologies, combler l'écart de prospérité entre le Québec et le Canada, tout nous ramène à l'éducation », a affirmé Mme Leroux.

Survol des recommandations

DÉVELOPPER LE TALENT ET LES COMPÉTENCES DE BASE DES QUÉBÉCOIS

1. Initiative de masse de développement des compétences de base pour protéger des milliers d'emplois;
2. Couloir de qualification rapide pour répondre aux pénuries de main-d'œuvre;
3. Multiplication des stages pour tous les étudiants, avec une offre spécifique pour les étudiants internationaux.

Accélérateur de succès : Doter le Québec d'un centre nerveux décisionnel en matière de formation pour anticiper les transformations du marché du travail.

STIMULER LA NAISSANCE ET LA CROISSANCE DES ENTREPRISES

4. Amener plus de PME à l'international en réunissant les meilleures entreprises dans un réseau de croissance;

5. Accélérer l'adoption des technologies numériques en guidant les entrepreneurs qui ne savent pas par où commencer, en facilitant l'accès aux données, en lançant des projets pilote locaux dans les services publics;
6. Rendre les achats gouvernementaux plus structurants en faisant des appels d'offres sur des problèmes à régler plutôt que sur un cahier des charges à remplir, ce qu'on appelle l'approvisionnement stratégique.

Accélérateur de succès : Simplifier l'écosystème d'appui à l'entrepreneuriat en poursuivant la consolidation des programmes de soutien afin que les entrepreneurs s'y retrouvent et que la qualité de l'accompagnement soit mieux valorisée.

MISER SUR LES FORCES DU QUÉBEC

7. Accélérer l'adoption des véhicules électriques et de carburants alternatifs au pétrole pour affirmer notre leadership en énergie propre et stimuler un entrepreneuriat durable et écologique;

8. Créer une société de développement des infrastructures logistiques pour renforcer notre positionnement comme plaque tournante du commerce international selon une « vision Québec » du transport maritime, routier et ferroviaire;
9. Faire de la relance du secteur forestier une réussite collective en stimulant la construction en bois et les usages innovants de la pulpe, et en facilitant l'investissement.

Accélérateur de succès : Engager les citoyens, les leaders économiques et le gouvernement vers le développement économique et le développement durable en accroissant les preneurs pour notre énergie propre disponible.

BÂTIR NOTRE AVENIR SUR DES FONDATIONS MODERNES ET SOLIDES

10. Régler le problème de la gestion des infrastructures en faisant comme les meilleurs au monde, avec un bureau permanent de planification et une agence de réalisation des ouvrages;

11. Renforcer la relation entre les entreprises et les centres de recherche appliquée pour que notre excellence scientifique participe pleinement à la prospérité du Québec et que les entreprises prennent leurs responsabilités en matière d'innovation et démontrent un engagement fort;

12. Créer au Québec le plus important écosystème d'intelligence artificielle en Amérique du Nord en soutenant encore plus la recherche, en protégeant la propriété québécoise des entreprises en ascension, en développant une force de travail et ce domaine et en engageant les entreprises du Québec dans l'utilisation de solutions d'intelligence artificielle.

Accélérateur de succès : Renforcer l'accès à une connexion internet haute vitesse dans des zones industrielles en région, notamment en envisageant des partages de connexion avec des réseaux appartenant à de grandes entreprises et des institutions publiques.

PRISE DE POSITION EN FAVEUR DE LA MODERNISATION DE L'ÉTAT

Le Conseil est d'avis que la modernisation de l'État est nécessaire et constituerait un projet structurant pour le Québec, permettant d'améliorer les services aux citoyens, d'assurer la soutenabilité des programmes sociaux, de mieux faire face au vieillissement de la population et de contenir le fardeau fiscal. Alors qu'un nombre important d'employés de la fonction publique et des grands réseaux prennent leur retraite chaque année, il est important d'attirer au sein de l'État une relève talentueuse pouvant contribuer à rendre l'État québécois plus innovant dans ses pratiques, plus technologique dans ses moyens, plus collaboratif et agile dans son fonctionnement.

Agir ensemble

« Notre Conseil a pu mener ses travaux dans un climat de confiance parce que l'économie du Québec se porte globalement bien. Nous visons à solidifier cet élan. Nos recommandations proposent des solutions, mais plus encore, nous proposons aussi une méthode; nous croyons dans la responsabilité partagée, l'engagement des entreprises envers la communauté, des partenariats renouvelés entre les secteurs privé et public, des actions transversales. En d'autres mots, il est temps d'agir ensemble pour un Québec innovant, inclusif et prospère », a conclu la présidente du Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation. 

Vers la mise en œuvre des recommandations

Ce rapport met un terme à la réflexion du Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation. Dans les semaines à venir, le Conseil travaillera avec le gouvernement et les parties prenantes afin de poursuivre les discussions amorcées au gré de l'élaboration de ses recommandations pour préciser leurs coûts, leurs retombées et évaluer leur mise en œuvre. Une seconde communication du gouvernement et du Conseil sera effectuée dans les prochains mois.

Le Conseil en bref

Les membres du Conseil ont tenu neuf séances de travail conjointes à la table principale qui ont permis de discuter des objectifs généraux, de débattre des pistes de solution et de coordonner l'avancement des dossiers. Cette table principale a été scindée en six groupes thématiques. Des conseillers issus de firmes d'experts en gestion et analyse ont collaboré gracieusement à la recherche de données et à la validation des propositions. Au cours de ses travaux, le Conseil a consulté quelque 150 groupes, experts, entrepreneurs du Québec, du Canada et de l'étranger. Le Conseil était doté d'un petit secrétariat hébergé chez Investissement Québec.


PRÉSENTATION DES RECOMMANDATIONS

DÉVELOPPER LE TALENT ET LES COMPÉTENCES DES QUÉBÉCOIS

1. Développer les compétences de base des travailleurs les plus sensibles aux changements technologiques pour maintenir leur employabilité grâce à une implication sans précédent des entreprises et de leurs partenaires

Bien que le Canada, incluant le Québec, fasse bonne figure au chapitre de l'éducation dans le palmarès de l'OCDE, 53 % de la population active (16 à 65 ans) québécoise n'atteint pas un niveau 3 de littératie, considéré par l'OCDE comme le niveau nécessaire pour occuper un emploi dans une économie développée. Ce sont des milliers de travailleurs qui sont menacés par les changements technologiques.

Le Conseil recommande une initiative de masse de développement des compétences de base qui serait un précédent dans le monde. Le balisage des expériences internationales a permis au Conseil de constater que la meilleure application d'alphabétisation au monde, le programme ABRACADABRA, était développée au Québec, par l'Université Concordia et l'Université du Québec à Montréal. Le Conseil propose de développer, sur cette base, une application visant l'amélioration des compétences en littératie, en numératie et en résolution de problèmes dans un contexte technologique. Cette application, légère et conçue pour fonctionner sur des ordinateurs de plus de 10 ans, serait développée avec la collaboration des entreprises, proposée par les entreprises partenaires à leurs employés et rendue disponible gratuitement à tous les citoyens qui en sentent le besoin. L'objectif de cette recommandation est de protéger l'employabilité de milliers de travailleurs peu qualifiés.

2. Réunir ceux qui veulent un meilleur emploi et les entreprises qui cherchent des travailleurs bien formés en associant les cégeps et les entreprises dans un couloir de qualification rapide et repensé

Pendant nos travaux, de nombreux intervenants nous ont fait le même constat. Des travailleurs qui ont un minimum de qualifications (secondaire V ou l'équivalent) sont dans l'impossibilité d'améliorer leur situation parce que les parcours qui leur sont imposés sont trop longs et trop rigides pour des femmes et des hommes qui ont souvent des obligations familiales et financières, cela, pendant que des entreprises et des services publics ont des postes à pourvoir.

Le Conseil s'inspire du modèle allemand dual, réputé comme le meilleur au monde, pour recommander la mise sur pied d'un programme rapide d'emploi technique (PRET). Il s'agit d'un programme en alternance travail-études, dont les participants sont rémunérés au taux d'un apprenti, d'une durée de 12 à 18 mois. Le programme serait offert dans des domaines à forte demande de main-d'œuvre, dans toutes les régions. Il reposerait sur un partenariat étroit, dynamique et novateur entre les entreprises et les cégeps. Le programme mènerait à une attestation d'un niveau inférieur à un DEC courant. L'objectif de cette recommandation est de permettre à des milliers de travailleurs d'améliorer leur situation, de faciliter l'intégration en emploi de travailleurs sous-représentés, notamment des immigrants et des Autochtones, de lutter contre les pénuries de main-d'œuvre, et de contribuer par une élévation des compétences, à la croissance des PME et à l'innovation en entreprise.

3. Attirer et retenir plus de talents en facilitant l'entrée en emploi des jeunes diplômés et l'enracinement des étudiants internationaux par l'offre d'un nombre croissant de stages et d'emplois réservés à la relève

Pour faire face à la diminution de sa population active causée par le vieillissement, le Québec doit assurer une intégration en emploi de ses jeunes diplômés, attirer une immigration économique et garder le plus grand nombre possible de talents. Le Conseil en appelle d'abord aux entreprises et à leur engagement envers la jeunesse du Québec afin qu'elles soient plus nombreuses à offrir des stages qui permettent une transition réussie entre les études et le marché du travail; il appelle aussi les institutions d'enseignement à développer les approches de type programme coopératif.

Le Conseil recommande également qu'une stratégie spécifique et améliorée soit élaborée pour qu'un plus grand nombre d'étudiants internationaux soient attirés et fassent ensuite le choix de rester au Québec. Montréal retient environ 20 % de ses étudiants internationaux (selon des données de Montréal international pour la métropole), alors que le taux de rétention (intention de faire une demande de résidence permanente) est de 50 % au Canada. Le Conseil estime qu'il s'agit d'une immigration idéale, formée ici, déjà intégrée. Le Conseil propose de leur réserver des stages rémunérés, dès la deuxième année d'études au cégep ou à l'université, avec pour condition préalable une bonne maîtrise du français. Le Conseil propose également de modifier les règles en vigueur pour que les universités et les cégeps aient un meilleur avantage financier à recruter et accueillir des étudiants internationaux.  Le Conseil propose enfin que les entreprises, le gouvernement et les établissements investissent conjointement dans la promotion internationale des études au Québec. Cette recommandation s'appuie notamment sur des initiatives en cours en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Nouvelle-Écosse.

L'objectif de cette recommandation est que le Québec puisse retenir de 7 000 à 10 000 étudiants internationaux par année. En 2015, 3 500 certificats de sélection du Québec ont été remis à des étudiants internationaux.

Accélérateur de succès : Pour accroître la portée de ces recommandations, le Conseil estime que le Québec doit se donner un centre nerveux de coordination et de décision en matière de formation. L'objectif doit être d'anticiper les transformations du marché du travail, d'assurer une collaboration efficace entre les entreprises et les milieux de la formation et de l'éducation et de susciter l'innovation dans les apprentissages. La commission des partenaires du marché du travail est déjà un lieu de concertation utile, son rôle doit être renforcé.

STIMULER LA NAISSANCE ET LA CROISSANCE DES ENTREPRISES

4. Amener nos meilleures PME à l'international en réunissant leurs dirigeants dans un forum de pairs pour qu'ils bénéficient de l'expérience de chacun

Si seulement 100 petites entreprises (99 employés et moins) passaient à un statut de grande entreprise (plus de 500 employés), le PIB du Québec augmenterait de 9 %, une hausse de 33 milliards de dollars. L'entrepreneuriat consiste à faire naître des entreprises, mais aussi à les faire grandir.

Le Conseil croit que pour avoir des résultats, les meilleurs doivent encadrer les meilleurs. Le Conseil propose la formation d'une équipe étoile des PME du Québec, le Réseau200. Il mettrait en présence des dirigeants de PME rentables, en activité depuis au moins deux ans, avec des revenus supérieurs à 5 millions de dollars et qui frappent à la porte des marchés internationaux. À la différence des programmes existants, le Réseau200 réunirait des entrepreneurs qui en sont à un même stade de développement et ils seraient parrainés par des pairs du monde des affaires qui ont vécu et vaincu les défis reliés à l'internationalisation. Les participants seraient conseillés, formés, encadrés pour réussir.

Cette recommandation a pour objectif de faire émerger de nouveaux champions, d'augmenter les exportations, et de stimuler l'ambition chez les entrepreneurs québécois. Elle est inspirée du QG100, forum prestigieux des dirigeants de grandes entreprises.

5. Accélérer l'adoption des technologies numériques par un effort à multiples niveaux allant de la sensibilisation et l'accompagnement à l'amélioration de l'accès aux données, à la réalisation de projets pilotes dans les services publics.

Depuis le début des années 2000, l'accélération des innovations technologiques a été l'élément déterminant de l'amélioration de la performance des entreprises, faisant apparaître un fossé grandissant entre celles qui ont été capables de suivre la cadence et les autres. Un tel écart existe au Québec, comme ailleurs.

Le Conseil recommande une action à tous les niveaux pour aider ceux qui ne savent pas par où commencer et faciliter la vie à ceux qui s'y connaissent déjà. Plus précisément, le Conseil propose :

  • D'organiser une « tournée numérique » afin de montrer des applications de technologie numérique en entreprise, démontrer les gains qui peuvent en découler et présenter des méthodes d'évaluation des besoins et de mise en œuvre de projets d'implantation;
  • D'améliorer l'accès et l'uniformisation des données ouvertes pour soutenir l'entrepreneuriat numérique et de confier à l'Institut de la statistique du Québec le mandat de la gestion des données ouvertes selon les meilleurs standards technologiques et éthiques;
  • De lancer des projets pilotes à échelle locale d'intégration des technologies numérique dans les services publics, notamment dans le réseau de la santé, afin d'améliorer les services à la population et instiller de l'innovation dans l'offre de services publics.

Cette recommandation est appuyée par l'expérience de la tournée de mobilisation « Manufacturiers innovants », l'organisme public du Royaume-Uni Transport for London et le plan suédois d'intégration des technologies numériques en santé. Elle a pour objectif de stimuler l'innovation et l'investissement et d'améliorer la productivité des entreprises.

6. Rendre les achats gouvernementaux plus structurants pour l'économie et plus avantageux pour les PME innovantes en passant du « plus bas soumissionnaire » à l'approvisionnement gouvernemental stratégique

Au Québec, la règle cardinale d'attribution des contrats publics est celle du plus bas soumissionnaire conforme. Cette approche est critiquée par un nombre croissant d'experts, économistes et entrepreneurs qui la jugent contre-productive, parce qu'elle ne valorise pas la qualité et parce qu'elle se révèle réfractaire à l'innovation. Le Conseil partage cette analyse. De nombreux gouvernements à travers le monde font évoluer leurs politiques d'achat vers « l'approvisionnement gouvernemental stratégique ». Il s'agit d'analyser les propositions selon leur valeur globale faisant du prix l'un des critères d'analyse mais non le seul; il s'agit aussi de faire des appels d'offres sur la base d'un problème à résoudre plutôt que d'un cahier des charges à remplir afin de susciter de l'innovation et permettre à de nouveaux joueurs de se faire valoir.

Le Conseil recommande au gouvernement d'implanter graduellement un approvisionnement gouvernemental stratégique dans les ministères et organismes publics sur la base de concours et de projets spéciaux. Ces initiatives devraient viser à répondre aux besoins du gouvernement et des citoyens, à stimuler l'innovation sous toutes ses formes (technologique, architecturale, organisationnelle ou sociale), à permettre à des PME innovantes d'acquérir une expérience propre à stimuler leur croissance, et à constituer un rapport qualité-prix juste pour le gouvernement et les citoyens.

Cette recommandation est appuyée par l'expérience des gouvernements australien et néozélandais et un programme américain (SBIR), reconnu par l'OCDE comme « pratique exemplaire » en la matière. Elle aurait aussi pour effet de valoriser le rôle de la fonction publique dans l'analyse stratégique des solutions.

Accélérateur de succès : De plus en plus de Québécois sont tentés par l'aventure entrepreneuriale et cette tendance doit être encouragée. Le Conseil croit que le mouvement de regroupement des organismes d'aide à l'entrepreneuriat qui a été amorcé doit être poursuivi. Plus de 1 000 organismes sont actifs dans ce domaine au Québec et la qualité de l'accompagnement est variable. Un regroupement bien pensé pourrait améliorer la qualité de l'accompagnement et augmenter les chances de réussite des entrepreneurs.

MISER SUR LES FORCES DU QUÉBEC

7. Affirmer notre leadership en énergie propre en accélérant l'adoption des véhicules électriques et des transports à faibles émissions afin de stimuler le développement d'entreprises dans cette nouvelle chaîne de valeur

Le Québec est dans une situation unique. Chez nous, l'adoption de véhicules électriques permet d'utiliser de l'énergie propre disponible et produite localement et de réduire nos importations de pétrole. Ce double gain n'existe pas ailleurs en Amérique du Nord.

Le Conseil propose d'accélérer l'adoption de véhicules électriques en ajoutant rapidement 2 000 bornes de recharge rapide aux 2 000 bornes standard déjà prévues. Même si seulement 6 % du temps de charge est effectué sur des bornes publiques, l'expérience norvégienne a démontré que c'est la présence de bornes publiques qui déclenche l'adoption de masse parce qu'elle répond à la crainte légitime de tomber en panne. Le Conseil propose aussi de hausser l'aide à l'achat, mais de la réduire dans le temps afin de déclencher l'adoption massive. Le Conseil recommande aussi d'accélérer la conversion des véhicules lourds aux carburants alternatifs comme le gaz naturel liquéfié, le gaz naturel comprimé et les biocarburants afin de mieux réduire les gaz à effet de serre et varier les moyens de substitution des produits pétroliers.

Le Conseil estime que le Québec est en mesure de viser 500 000 véhicules électriques sur ses routes d'ici 2030 et la conversion à des carburants alternatifs de 15 % de sa flotte de camions lourds. En intensifiant son action d'électrification et de décarbonisation des transports, le Québec stimulerait toute la chaîne de valeur, allant de la recherche appliquée, à la fabrication de véhicules et composantes, de bornes de recharge, de capteurs; des secteurs parallèles se développeraient autour de la revente de véhicules et du recyclage des batteries. La promotion des biocarburants aurait quant à elle pour effet de stimuler un entrepreneuriat écologique autour de la valorisation des déchets et rebuts.

Cette recommandation est appuyée par une analyse des pratiques en Norvège et d'autres pays d'Europe, l'action du gouvernement ontarien pour réduire les émissions polluantes et l'expérience du transporteur routier Groupe Robert.

8. Renforcer le positionnement du Québec comme plaque tournante du commerce international par la mise sur pied d'infrastructures logistiques de premier plan

Le commerce international est en progression et les ports de Montréal et Québec battent des records en termes de nombre de conteneurs et tonnes de vrac manutentionnés. Mais de grandes infrastructures logistiques américaines, réunissant les ports et les réseaux ferroviaires, et dotés de moyens incomparables prennent une part grandissante du marché.

Pour faire face à cette concurrence et saisir de nouvelles opportunités, le Conseil recommande de rassembler nos forces par la création d'une société non gouvernementale de développement des infrastructures logistiques selon une « vision Québec ». Cette société rassemblerait les décideurs des grands ports du Québec et les compagnies de transport ferroviaire et routier afin d'améliorer les capacités d'investissement, développer des projets d'infrastructures logistiques dans une approche stratégique et complémentaire, et élaborer une offre de services distinctive et concurrentielle. 

Cette recommandation repose sur l'analyse des activités du port de Savannah en Géorgie et du grand pôle logistique continental KC Smart Port au Kansas. Elle vise à maintenir le positionnement concurrentiel du Québec en matière de logistique, attirer des investissements, et faciliter l'exportation des produits québécois.

9. Tirer avantage de nos ressources naturelles en commençant par faire de la relance du secteur forestier une réussite collective

Malgré les secousses, le secteur forestier affiche une forte résilience et demeure l'un des plus importants pourvoyeurs d'emplois en région et un important contributeur au PIB et aux exportations du Québec. Un travail majeur de mobilisation des acteurs a été fait dans la foulée du Rendez-vous national de la forêt de 2013 et d'un premier forum Innovation bois en 2016. Le Conseil estime qu'il y a une occasion à ne pas manquer et que la relance du secteur forestier est possible en y engageant tout le Québec. Le Conseil recommande d'agir sur deux fondamentaux économiques : stimuler la demande et faciliter l'investissement.

Pour stimuler la demande, le Conseil recommande d'encourager par des incitatifs fiscaux ou des modifications au Code du bâtiment l'utilisation du bois dans les projets de construction. Ces interventions pourraient cibler les entreprises, partout au Québec, dans la réalisation de leurs propres projets d'immobilisation ou de rénovation de leurs installations, comme leurs bureaux, points de service et sièges sociaux, mais aussi l'utilisation du bois dans des constructions multiétages. Le Conseil propose de positionner le Québec comme leader nord-américain des tours en bois en faisant de la plus haute tour de bois en Amérique (un édifice de 13 étages dont 12 en bois) qui sera inaugurée prochainement à Québec, une vitrine de notre savoir-faire.

Pour faciliter l'investissement, le Conseil recommande que les investisseurs institutionnels du Québec et des experts reconnus, forment un groupe concerté d'analyse spécifiquement destiné à identifier les créneaux stratégiques offrant les meilleures perspectives à long terme dans l'utilisation du bois autant que de la pulpe et des résidus. Les recommandations de ce groupe devraient ensuite être acheminées au gouvernement afin de constituer un fonds d'investissement stratégique, tel le Fonds mines et hydrocarbures, capable de mettre la mise de fonds initiale dans des projets porteurs, afin de les « dérisquer » et activer la séquence normale d'investissement.

Le Conseil recommande enfin au Fonds Valorisation bois qui a des capitaux disponibles de chercher à saisir des opportunités, notamment dans les domaines des panneaux et du bois d'ingénierie. Dans ces domaines d'excellence du Québec, qui ne sont pas affectés par le conflit sur le bois d'œuvre, la demande est forte et le sera davantage avec la reconstruction nécessaire dans les États américains récemment éprouvés par les ouragans.

Cette recommandation s'appuie sur une analyse de la stratégie de développement finlandaise, sur l'usage de la biomasse dans la Vallée de la Matapédia, l'exemple innovant de Chantiers Chibougamau et le projet des Écocondos de la Pointe-aux-Lièvres.

Accélérateur de succès : Le Québec a un potentiel de développement économique durable inexploité. Pour environ 10 ans à venir, il dispose d'une énergie propre excédentaire avoisinant les 12 TWh par année. Le Conseil recommande au gouvernement d'entamer une discussion avec les citoyens et les leaders économiques sur la meilleure manière de trouver preneurs pour notre énergie propre.

BÂTIR NOTRE AVENIR SUR DES FONDATIONS MODERNES ET SOLIDES

10. Construire des infrastructures de meilleure qualité, à meilleur coût et plus rapidement avec une autorité claire en planification et une agence spécialisée en réalisation des travaux pour bâtir et entretenir nos infrastructures selon les meilleures pratiques

Le Québec doit parvenir à bâtir des infrastructures de qualité dans le respect des budgets et des échéanciers. L'enjeu est majeur considérant les sommes en jeu, plus de 88 milliards d'investissements publics au cours des 10 prochaines années, et l'ampleur des inconvénients de ces chantiers qui s'étirent pour les citoyens. Les travaux du Conseil ont clairement démontré que ceux qui réussissent le mieux en ce domaine stratégique ont mis en place une approche similaire : ils ont séparé en deux organisations distinctes les fonctions planification et réalisation. Le Québec doit s'en inspirer.

Le Conseil recommande :

  • De placer sous l'autorité du Conseil du trésor un bureau permanent de planification à long terme (30 à 50 ans) des infrastructures qui aura la responsabilité d'évaluer les projets et de les prioriser.
  • De mettre sur pied une agence de réalisation des grands ouvrages (plus de 100 millions de dollars) qui sera responsable de la supervision des travaux, du bon déroulement des chantiers, du respect des budgets et des échéanciers, et de l'application des meilleurs standards éthiques.

Cette séparation des fonctions est notamment en place au Royaume-Uni, en Ontario, en Australie et en Écosse. En agissant de cette façon, le Québec en aura plus pour son argent, la qualité des ouvrages sera améliorée, de même que leur entretien, des solutions plus innovantes pourront être explorées, la notion d'imputabilité et de reddition de compte sera renforcée.

11. Refonder la relation entre les entreprises et les centres de recherche appliquée pour que notre savoir scientifique participe pleinement à notre prospérité, et pour que les entreprises voient l'innovation comme la réponse à des problèmes d'affaires

L'effort en recherche et développement du Québec représentait 2,44 % du PIB en 2014, plus que partout ailleurs au Canada. À un tel niveau d'investissement, le Québec devrait avoir l'une des économies les plus innovantes au monde. Or, ce n'est pas le cas.

L'analyse du Conseil a mis en lumière une relation peu productive entre les entreprises et les centres de recherche appliquée. D'un côté, des entreprises voient l'innovation comme une activité non prioritaire et de l'autre, des centres de recherche appliquée, largement subventionnés, ne sentent pas la nécessité d'aller chercher des contrats et de les mener à terme.

Le Conseil recommande de changer la culture de cette relation :

  • En faisant valoir que l'innovation est un devoir prioritaire des entreprises et la solution à des problèmes d'affaires;
  • En instaurant une gouvernance centralisée des centres de recherche appliquée où les entreprises assumeraient un leadership;
  • En regroupant certains centres pour accroître leur masse et leur expertise;
  • En imposant un niveau d'autofinancement minimal de 50 % aux centres de recherche.

Cette recommandation éminemment stratégique vise à mieux valoriser l'innovation et à accroître la contribution à notre prospérité de l'excellence scientifique du Québec. Elle est inspirée par les Fraunhofer allemands, réputés mondialement, et par les Centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) qui sont un exemple bien québécois d'efficacité en matière d'innovation.

12. Créer au Québec le plus important écosystème d'intelligence artificielle en Amérique du Nord et développer une force de travail en ce domaine pour enraciner ce créneau et hisser le Québec au rang des principaux concepteurs, utilisateurs et exportateurs de solutions d'intelligence artificielle

Le Québec est regardé avec fascination pour son savoir en intelligence artificielle. Des scientifiques de chez nous, parfois venus d'ailleurs pour travailler au Québec, ont réalisé des percées futuristes, notamment dans le domaine précis de l'apprentissage profond, lié, par exemple, à la reconnaissance vocale et à l'automobile autonome. Pour la première fois dans notre histoire récente, le Québec a la chance d'être là, au moment de la naissance d'un extraordinaire filon de savoir et de développement économique. Les gouvernements du Québec et du Canada y investissent, soutenant la recherche et l'innovation. Une grappe industrielle en intelligence artificielle est en formation. Les plus grands joueurs du monde investissent au Québec. Si notre leadership est réel, il est également fragile et ne tient qu'à quelques dizaines de personnes.

Le Conseil estime que le Québec doit élever ses ambitions et agir promptement pour étendre notre expertise et protéger nos intérêts. Le Conseil recommande :

  • Que le gouvernement du Québec, qui a engagé 100 millions $ sur 5 ans en intelligence artificielle, augmente sa mise et prolonge son investissement sur 10 ans;
  • Que l'investissement accru soit dévolu à 80 % au soutien à la recherche et à 20 % à la constitution de fonds public-privé destinés à investir dans des startups et à garder la propriété québécoise de nos champions en ascension;
  • Que les acteurs impliqués s'engagent rapidement dans le développement d'une force de travail en intelligence artificielle par des programmes de formation de premier cycle universitaire et de niveau technique, pour implanter à court terme des solutions d'intelligence artificielle dans les entreprises du Québec;
  • Que des initiatives de promotion soient menées auprès des jeunes pour stimuler l'intérêt envers une carrière en intelligence artificielle;
  • Que des recherches sociales sur l'impact de l'intelligence artificielle soient menées et que des stratégies soient élaborées pour requalifier les travailleurs potentiellement affectés.

Le Québec est possiblement à l'aube d'un succès historique dans un domaine révolutionnaire. L'effort doit être à la hauteur du potentiel.

Accélérateur de succès : Au cours des travaux du Conseil, plusieurs interlocuteurs ont déploré l'absence de connexions internet haute vitesse dans certaines régions du Québec et même dans des zones industrielles. Considérant l'étendue du territoire, le défi est réel. Pourtant, plusieurs entreprises et institutions publiques se sont donné de tels moyens de communication en zone éloignée. Des modalités partage pourraient être envisagées afin de permettre d'autres connexions. Le Conseil croit que des solutions innovantes et collaboratives doivent être explorées pour régler ce problème.

PRISE DE POSITION : LA NÉCESSITÉ DE MODERNISER L'ÉTAT

L'élaboration de nos propositions nous a souvent ramenés au gouvernement du Québec, qui est un acteur économique de première importance par ses investissements, qui fournit des services essentiels qui participent à notre prospérité et reflètent nos valeurs. Tout en reconnaissant les gestes posés afin d'assainir les finances publiques, le Conseil exprime son inquiétude face aux impacts fondamentaux du vieillissement de la population et de l'augmentation des coûts de la santé. Cette combinaison pourrait compromettre la capacité de l'État à jouer son rôle structurant sur le plan économique et social et à contenir un fardeau fiscal déjà à la limite du raisonnable.

L'État québécois joue un rôle unique dans notre vie. C'est vrai par les choix que nous avons faits collectivement en termes de services publics, mais c'est vrai aussi en regard de notre spécificité culturelle. Aucun autre gouvernement n'a pour raison de veiller à l'épanouissement, à l'ouverture et à la prospérité de la seule société à majorité francophone d'Amérique du Nord. Cette mission fondamentale fait de l'État québécois bien plus qu'un administrateur du bien commun et pourvoyeur de services publics; elle en fait aussi un rassembleur et un instrument de cohésion. En cela, la bonne santé de notre premier instrument est une préoccupation pour le Conseil. À travers le monde, d'innombrables gouvernements, qui font face à des degrés divers à des défis similaires à ceux du Québec, se sont engagés dans une révision profonde de leurs processus et de leur organisation, recourant aux possibilités des nouvelles technologies pour mieux servir leurs citoyens, mieux communiquer avec eux, faciliter les transactions et accroître l'efficacité et la soutenabilité des services publics.

Le Conseil est d'avis que la modernisation de l'État est nécessaire et constituerait un projet structurant pour le Québec. Un État québécois plus technologique, plus innovant dans ses pratiques; une organisation qui sait briser les silos pour être intersectorielle (interministérielle), collaborative, agile. C'est possible. Alors qu'un nombre important d'employés de la fonction publique et des grands réseaux prennent leur retraite chaque année, l'occasion est belle d'attirer au sein de l'État une relève talentueuse. Le Conseil recommande de former au sein même du gouvernement un groupe permanent, qui pourrait être composé de hauts fonctionnaires, de fonctionnaires de la relève et d'experts, chargé de piloter la modernisation de l'État dans une approche constructive et non partisane.