Changement radical requis dans les méthodes de maintien de l’ordre pour répondre à la violence faite aux femmes inuites
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Le rapport préconise un processus de « décolonisation » pour renverser la stratégie d’assimilation antérieure qui a échoué.
OTTAWA – Un rapport publié aujourd’hui sur la réponse policière en matière de violence faite aux femmes sur le territoire Inuit Nunangat révèle des services de police discriminatoires, systémiques et institutionnalisés. Selon les recommandations du rapport, aller de l’avant nécessitera des changements fondamentaux dans la manière de reconduire les services policiers du Nord, afin de répondre à l’omniprésence et à la sévérité de la violence que vivent les femmes inuites, et pour répondre aux défis qu’elles rencontrent en tentant de trouver un endroit sécuritaire lorsqu’elles subissent de la violence sexuelle ou autre.
« Il perdure une réponse policière discriminatoire lorsque les femmes inuites font affaire avec la justice et ceci va bien au-delà de l’attitude d’un ou deux policiers exhibant des comportements stéréotypés envers les Inuits, » explique Mme Rebecca Kudloo, présidente de Pauktuutit Inuit Women of Canada qui a mandaté la recherche. « Les services de police peuvent mieux répondre à la violence faite aux femmes en adoptant une approche inspirée de la décolonisation, ce qui transformerait une intervention externe, en une approche intégrée et interne aux communautés nordiques desservies. »
« Le terme ‘décolonisation’ signifie : renverser la stratégie coloniale d’assimilation,” de dire la docteure Elizabeth Comack du Département de Sociologie et de criminologie de l’Université du Manitoba, qui a travaillé de pair avec Pauktuutit sur ce rapport. « Au lieu de s’attendre à ce que les Inuits acceptent et se conforment aux dictats coloniaux, il s’agit plutôt que les services policiers et autres agences de services s’intègrent aux façons d’être des Inuits. »
Une approche policière dite de décolonisation serait intégrée dans la vision du monde inuit et épouserait les connaissances de ceux-ci, ce qui inscrirait l’approche dans une optique holistique fondée sur les relations interpersonnelles. Le travail policier, de concert avec les autres agences impliquées pourrait alors assurer la sécurité des communautés par le biais de la résolution de conflits et de problèmes, en suivant la façon de faire Inuit et tout particulièrement en suivant l’exemple des femmes Inuit qui ont subi de la violence
Cette étude s’est penchée sur les succès et défis rencontrés lors d’intervention sur les cas de violence faite aux femmes inuites sur le territoire Inuit Nunangat. L’étude procure un regard nécessaire sur la croyance répandue, à savoir que la violence sexuelle ou autre faite aux femmes est un état de fait normalisé pour les femmes inuites.
De pair avec les retombées multigénérationnelles négatives de colonisation découlant du système des écoles résidentielles, la recherche révèle un ensemble de facteurs contributifs communs : les policiers vivent séparément des communautés qu’ils servent. Ils bénéficient de très peu de formation interculturelle. Les interventions d’urgence sont lentes à venir. Le système de répartition des appels est inégal dans son efficience, et les femmes ne sont pas crues lorsqu’elles rapportent un incident, ou sont carrément retirées de leur domicile, plutôt que l’agresseur lors d’incidents de violence rapportés aux policiers.
Le rapport détermine 15 recommandations précises pouvant orienter les policiers depuis une position d’acteur externe à la communauté, à une position de collaborateurs alliés. Voici les faits saillants:
- Des services de police compétents sur le plan culturel – de la formation sur l’histoire et la culture inuite, ainsi que sur les dialectes inuits locaux ;
- Des policières – la présence d’une policière lors du processus de collecte de déclarations; idéalement celle-ci mèneraient le processus;
- Des comités consultatifs inuits – composés d’ainés et de chefs de la communauté et de facilitateurs culturels afin d’assurer que les pratiques et politiques policières soient alignées avec les principes Inuit Qaujimajatuqangit;
- Des services policiers au fait du comportement de personnes traumatisées – de la formation spécifique dans le contexte historique et contemporain des Inuits, afin d’éviter des situations d’escalade et en vue de construire des relations positive;
- La durée des affectations – une révision des politiques de la GRC sur la durée maximale de deux ans en affectation (ce qui donne une impression d’une rotation trop rapide), afin de favoriser les rapports à long terme, la confiance et la réciprocité dans les rapports entre la communauté et les policiers;
- De la formation sur la violence faite aux femmes– offerte au moins en partie par les défenseurs des droits des victimes et enrichie de témoignages d’anciennes victimes de violence familiale ou conjugale;
- Des postes au civil offerts aux Inuits– offrir des postes d’ordres divers aux Inuits dans chaque service de police, en tant qu’interprète, guérisseur ou patrouilleur communautaire;
- Une plus grande accessibilité à des services policiers – des fonds supplémentaires en urgence afin de pallier le manque de services en répartition de la police à travers l’Inuit Nunangat, et comportant aussi des services de réponse aux urgences en langue inuite pour gérer les appels d’urgence, 24/7.
En plus d’une revue de la littérature exhaustive, des entrevues qualitatives ont été complétées auprès de 45 femmes inuites et 40 fournisseurs de services dans les quatre grandes régions de l’Inuit Nunangat : l’Inuvialuit, le Nunavik, le Nunavut et au Nunatsiavut.
La publication des résultats de l’étude coïncide avec les discussions entamées par Pauktuutit à Ottawa avec les femmes de l’Inuit Nunangat et des centres urbains concernant le codéveloppement d’un plan d’action suite aux appels à la justice découlant du Rapport d’enquête national sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le financement de l’étude provient du Programme de contribution au développement de politiques de Sécurité publique Canada, conjointement avec des contributions en nature de Pauktuutit Inuit Women of Canada et de l’Université du Manitoba. Pauktuuit est l’organisation nationale et la voie des femmes Inuit depuis 1984.
Pour plus d’information, veuillez joindre :
Antoinette Brind’Amour, 613-316-8943; abrindamour@pauktuutit.ca; ou
Susan King, 613-724-1518; susanking@sympatico.ca