Bilan 2021 de l'emploi au Québec - Le marché du travail s'est remis, mais la pandémie l'a transformé

22 fév 2022

Bilan 2021 de l'emploi au Québec - Le marché du travail s'est remis, mais la pandémie l'a transformé

MONTRÉAL, le 17 févr. 2022 /CNW Telbec/ - « Après avoir été durement affecté par la pandémie, le marché du travail québécois a rebondi rapidement et vigoureusement, mais il en ressort indéniablement transformé, soutient Mia Homsy, présidente-directrice générale de l'Institut du Québec (IDQ). Entre décembre 2020 et décembre 2021, les travailleurs sont massivement retournés à l'emploi (+156 900) et le nombre de chômeurs a chuté (- 94 900). Mais la crise sanitaire a tout de même exacerbé certaines faiblesses et fait ressortir de nouveaux défis. » Avec son Bilan 2021 de l'emploi au Québec : Transformations sectorielles et déficit de compétences en vue dévoilé aujourd'hui, l'IDQ apporte un éclairage sur certains questionnements qui ont récemment émergé afin de mieux comprendre l'état du marché de l'emploi et identifier les tendances qui risquent de perdurer.

Comment vont les groupes qui ont été les plus durement touchés ?

Bien que la situation de l'emploi soit généralement rétablie, certains groupes n'ont toujours pas réintégré complètement le marché de l'emploi. C'est le cas des travailleurs expérimentés, soit ceux âgés de 55 ans et plus. Dans ce groupe d'âge, la situation des femmes est particulièrement préoccupante puisqu'elles sont beaucoup plus nombreuses (- 25 700) que les hommes (- 9 400) à être sorties de la population active depuis décembre 2019.

Même si les jeunes (15-24 ans) sont massivement retournés à l'emploi à l'été 2021, les jeunes hommes demeurent toujours moins présents sur le marché du travail qu'avant la pandémie, une situation bien différente de celle qui prévaut chez leurs homologues du Canada et de l'Ontario. Au Québec, l'écart de taux d'emploi entre les hommes et les femmes dans ce groupe d'âge est d'ailleurs passé de 2 à 6,2 points de pourcentage depuis décembre 2019.

Bonne nouvelle du côté des immigrants : à la fin 2021, leur taux d'emploi (82,9 %) excédait celui atteint en décembre 2019 (78,4 %). De plus, ce sont surtout les immigrants reçus depuis moins de cinq ans qui ont le plus bénéficié de la reprise (75,8 % contre 62,9 % pour la même période).

Assistons-nous à une « Grande démission » au Québec ?

Alors qu'aux États-Unis, des millions de travailleurs auraient volontairement quitté leur emploi depuis le début de la crise sanitaire, la situation est fort différente au Canada et au Québec, où les travailleurs sont retournés sur le marché de l'emploi dans une proportion similaire à celle qui prévalait en 2019. Les Québécois de 25 à 54 ans affichent même des taux d'activité supérieurs à ceux observés à cette époque et se comparent désormais favorablement aux Ontariens et aux Canadiens du même âge.

Aucune donnée disponible ne laisse non plus présager qu'il y aurait eu davantage de départs volontaires à la retraite en 2021 et ce, même si le taux d'activité des travailleurs expérimentés est en baisse. Tout porte plutôt à croire que bon nombre des 55 ans et plus actuellement inactifs, aient dû quitter le marché de l'emploi en raison de la pandémie (inquiétudes, risques pour la santé, etc.) et pourraient y retourner lorsque les effets de la crise sanitaire se seront estompés.

Les travailleurs ont-ils massivement changé de secteur ou de profession ?

Parmi les phénomènes qui ont transformé le marché de l'emploi au cours de la pandémie, notons d'importants déplacements de travailleurs entre les secteurs. Ainsi, plusieurs Québécois semblent avoir délaissé les secteurs plus durement affectés par les restrictions sanitaires (hébergement, restauration et commerce de détail) pour se replacer dans des secteurs en croissance comme l'enseignement, les services professionnels, la finance et les assurances, et les administrations publiques.

Il semble, par ailleurs, y avoir moins de changements de métier que de changements de secteur. Ainsi, les pertes d'emplois se sont principalement concentrées dans les professions relatives aux ventes et services (serveurs, vendeurs etc.) où le nombre d'emplois a chuté de 135 700 au cours des deux dernières années. En revanche, d'autres professions ont largement bénéficié de ces déplacements de travailleurs : c'est le cas de l'enseignement, du droit, des services sociaux ainsi que des sciences naturelles, qui ont totalisé, à elles seules, près de 100 000 nouveaux emplois en deux ans au Québec.

Les salaires augmentent-ils plus rapidement ?

Avec la reprise du marché du travail, les salaires suivaient une tendance à la hausse en 2021. Bien que cette croissance soit relativement modeste (2,1 %) dans le contexte d'une reprise vigoureuse de l'économie marquée par la rareté de main-d'œuvre et une inflation élevée, elle s'est accélérée en fin d'année avec une variation annuelle moyenne de 3,4 %.

Une analyse des données disponibles révèle que si les salaires ont augmenté plus rapidement que l'inflation entre 2008 et 2020, la tendance s'est inversée au cours de la pandémie. En effet, le salaire réel, c'est-à-dire le salaire ajusté à l'inflation, s'est constamment apprécié au Québec depuis la crise financière de 2008-2009. Toutefois, entre 2020 et 2021, le salaire réel a bel et bien diminué, mais pas au point de plonger les travailleurs dans une situation plus désavantageuse qu'en 2019. Ainsi, bien que les salaires progressent plus rapidement depuis la mi-2021, leur croissance demeure inférieure à celle de l'inflation.

Quels sont les défis qui émergent pour 2022 ?

Malgré un important rebond du marché du travail, les enjeux auxquels il est confronté sont encore nombreux. Il sera donc urgent de s'adapter aux changements qui persisteront. Voici les principaux défis qui semblent émerger après deux années de pandémie :

  • Le vieillissement de la population continue - et continuera - à restreindre l'offre potentielle de main-d'œuvre alors même que les besoins demeurent croissants. Paradoxalement, le nombre de postes vacants a explosé, ce qui traduit l'importance des carences dans la majorité des secteurs ;
  • Certains groupes de travailleurs, notamment les 55 ans et plus, ne sont pas entièrement retournés au travail. Si plusieurs décident de profiter de la situation pour se retirer définitivement du marché du travail, les ramener pour combler les besoins de main-d'œuvre représentera un défi de taille ;
  • Les secteurs de la restauration, de l'hébergement et du commerce de détail pourraient être confrontés à des difficultés de recrutement persistantes, et être même contraints à revoir leur modèle d'affaires et leur organisation du travail bien au-delà de la pandémie ;
  • Avec la possibilité accrue de travailler de la maison ou en mode « hybride », les emplois qui ne permettent pas cette flexibilité pourraient perdre en popularité auprès des travailleurs ;
  • Aux prises avec des problèmes de recrutement, certains employeurs pourraient commencer à revoir à la baisse leurs exigences d'embauche, notamment en termes de scolarité. Ainsi, pour un même poste, ils accepteraient désormais des niveaux de scolarité inférieurs qu'il y a deux ans. Si cette pratique n'est pas compensée par une hausse de la formation en entreprise et de la formation continue, des risques au niveau de la compétitivité des entreprises pourraient en résulter ;
  • De plus en plus de professions exigeront des compétences plus soutenues en compréhension de lecture, d'écriture, et en résolution de problèmes complexes, alors que le Québec et le Canada enregistrent déjà des retards en littératie numérique. Les besoins en matière de travailleurs hautement qualifiés continueront de s'intensifier, notamment dans les soins de santé et l'assistance sociale, les services d'enseignement, les technologies de l'information et la construction.

« Nous amorçons donc l'année 2022 avec un des plus faibles taux de chômage et un nombre record de postes à combler dans l'économie. Avec une décroissance du bassin de travailleurs potentiels et un important retard du taux d'activité des 55 ans et plus, sans transformation majeure de l'approche des entreprises, des syndicats, des établissements d'enseignement et du gouvernement en matière de gestion des ressources humaines, le manque de main-d'œuvre constituera indéniablement le principal enjeu de la relance », conclut Mia Homsy.