Les perturbations causées par la pandémie et la faiblesse de la reprise retardent de 132 ans la parité femmes-hommes

29 aoû 2022

Les perturbations causées par la pandémie et la faiblesse de la reprise retardent de 132 ans la parité femmes-hommes

Genève, Suisse, 13 juillet 2022 - Après le coup dur de la COVID, les inégalités femmes-hommes n’ont pas diminué, d'après le Rapport annuel 2022 sur les inégalités femmes-hommes dans le monde. Alors que l'économie mondiale entre dans sa troisième année de perturbations continues, il faudra encore 132 ans (contre 136 en 2021) pour combler l'écart entre les sexes.

Le rapport indique que sur les 146 économies étudiées, seule une sur cinq a réussi à réduire les inégalités femmes-hommes d'au moins 1 % au cours de l'année écoulée. De ce fait, si des progrès ont été réalisés au cours de l'année écoulée, ils n'ont permis de réduire que de quatre ans le temps nécessaire pour atteindre la parité femmes-hommes. Ces progrès ne compensent guère le recul d'une génération entière enregistré en 2020-2021 au début de la pandémie.

« La crise du coût de la vie a un impact disproportionné sur les femmes, suite aux nombreuses pertes d’emploi subies pendant la pandémie et aux difficultés persistantes que rencontrent les infrastructures de soins. Face à une faible reprise, le gouvernement et les entreprises doivent déployer deux types d'efforts : des politiques ciblées pour soutenir le retour des femmes sur le marché du travail et le développement des talents féminins dans les industries de l'avenir. Autrement, nous risquons d'éroder définitivement les acquis des dernières décennies et de perdre les futurs bénéfices économiques de la diversité », a déclaré Saadia Zahidi, directrice générale au Forum Économique Mondial.

Le Rapport sur les inégalités femmes-hommes dans le monde, qui en est à sa seizième édition, évalue l'évolution des écarts entre les sexes dans quatre domaines : participation et opportunités économiques, niveau d'éducation, santé et survie, et pouvoir politique. Il explore également l'impact des récents chocs mondiaux sur la crise croissante des inégalités femmes-hommes sur le marché du travail.

Dans les 146 pays couverts en 2022, l’écart femmes-hommes en matière de santé et de survie est passé à 95,8 %, à 94,4 % pour le niveau d'éducation, à 60,3 % pour la participation et les opportunités économiques et à 22 % pour le pouvoir politique. Entre 2021 et 2022, le sous-indice de la participation et des opportunités économiques a augmenté de 1,6 %, principalement en raison des gains réalisés par les femmes dans des rôles professionnels et techniques et de la diminution de l'écart salarial, même si les inégalités femmes-hommes dans la population active ont augmenté. Le sous-indice de la santé et de la survie a connu une légère amélioration, passant de 95,7 % à 95,8 %, tandis que le sous-indice du niveau d'éducation a chuté de 95,2 % à 94,4 % et que le pouvoir politique a stagné à 22 %.

Si l'on adopte une vision à plus long terme, sur 16 ans, au rythme actuel des progrès, il faudra 155 ans pour combler l'écart femmes-hommes en matière de pouvoir politique, soit 11 ans de plus que les chiffres prévus en 2021, et 151 ans pour combler l'écart entre les sexes en matière de participation et d’opportunités économiques. Bien que 29 pays aient atteint la pleine parité, il faudra encore 22 ans pour combler l'écart femmes-hommes en matière de niveau d'éducation. Et si plus de 140 pays ont comblé au moins 95 % de leurs lacunes en matière de santé, le recul global en matière de santé et de survie laisse présager un retour en arrière.

Faits marquants mondiaux et régionaux 2022

Pour la 13e année consécutive, l'Islande est le pays le plus égalitaire au monde et le seul à avoir comblé plus de 90 % de l'écart entre les sexes. Les dix premiers pays sont les suivants :

  1. Islande
  2. Finlande
  3. Norvège
  4. Nouvelle-Zélande
  5. Suède
  6. Rwanda
  7. Nicaragua
  8. Namibie
  9. Irelande
  10. Allemagne

L'Amérique du Nord est la région la plus performante, avec 76,9 % de son écart femmes- hommes comblé. Le nombre d'années nécessaires pour combler l'écart est passé de 62 à 59. On constate une légère amélioration aux États-Unis, tandis que le score du Canada n'évolue pas.

L'Europe (76,6 %) suit de près, enregistrant une amélioration de 0,2 % depuis 2021, ce qui fait qu'il faudra attendre 60 ans pour que l'écart entre les sexes soit comblé. Six des dix premiers pays sont européens et neuf des 35 pays de la région ont amélioré leur score d'au moins 1 %. L'Albanie, l'Islande et le Luxembourg sont les trois pays ayant enregistré les meilleures améliorations dans la région.

L'Amérique latine et les Caraïbes (72,6 %) se classent au troisième rang régional, avec une amélioration de 0,4 point par rapport à l'édition précédente. Au rythme actuel des progrès, l'Amérique latine et les Caraïbes combleront l'écart dans 67 ans. Cependant, au sein de la région, seuls six des 22 pays indexés dans cette édition ont amélioré leur score d'au moins un point de pourcentage, ce qui suggère une divergence régionale croissante.

L'Asie centrale (69,1 %) n’a pas connu d’évolution, avec un score inchangé par rapport à 2021. À ce rythme, il faudra 151 ans pour combler l'écart femmes-hommes dans cette région. Six des dix pays de la région ont vu leur score s'améliorer, la Moldavie, la Biélorussie et la Géorgie étant les pays les mieux classés.

L'Asie de l'Est et le Pacifique (69 %) ont vu 13 des 19 pays de la région progresser depuis la dernière édition. Mais à ce rythme, il faudra 168 ans à la région pour combler l'écart femmes-hommes. Les progrès se font à des rythmes différents selon les pays, ce qui risque d'accentuer les divergences régionales. Les meilleurs résultats de la région sont la Nouvelle-Zélande (84,1 %), les Philippines (78,3 %) et l'Australie (73,8 %), L'Afrique subsaharienne (68,7 %) a enregistré son meilleur score, avec une amélioration de 1,1 % au cours de l'année écoulée, reflétant des changements positifs dans l'écart économique entre les sexes dans des pays tels que le Nigeria, l'Éthiopie, la République démocratique du Congo et le Kenya. À ce rythme, il faudra 98 ans pour combler l'écart femmes-hommes.

Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (63,4 %) présentent le deuxième plus grand écart femmes-hommes à combler, Israël, les Émirats arabes unis et le Liban étant les pays les plus performants. Des progrès ont été accomplis dans la réduction de l'écart économique entre les sexes (+2 %), la participation des femmes au marché du travail et la part des femmes dans les fonctions techniques étant désormais meilleure dans un certain nombre de pays. Le score de la région reste similaire à celui de la dernière édition, qui estime qu'il faudra 115 ans pour combler l'écart.

L'Asie du Sud (62,3 %) présente le plus grand écart femmes-hommes de toutes les régions, avec des scores faibles pour tous les écarts entre les sexes mesurés et peu de progrès réalisés dans la plupart des pays depuis la dernière édition. Au rythme actuel, il faudra encore 197 ans pour parvenir à la parité dans cette région. L'écart économique femmes-hommes s'est réduit de 1,8 %, avec une augmentation de la part des femmes dans les fonctions professionnelles et techniques dans des pays comme le Bangladesh, l'Inde, ainsi que le Népal.

L'écart entre les sexes dans la population active : une crise imminente

La parité hommes-femmes mondiale dans la participation au marché du travail a lentement diminué depuis 2009 dans l'Indice sur les inégalités femmes-hommes dans le monde. La tendance s'est toutefois accentuée en 2020, lorsque les scores de parité femmes-hommes ont chuté de manière vertigineuse au cours de deux éditions consécutives. En conséquence, en 2022, la parité hommes-femmes dans la population active s'établit à 62,9 %, soit le niveau le plus bas enregistré depuis la première compilation de l'indice. Parmi les travailleurs restés dans la population active, les taux de chômage ont augmenté. Alors que les taux de chômage actuels, tant pour les hommes que pour les femmes, sont supérieurs aux niveaux d'avant la pandémie, le taux de chômage global des femmes en 2021 (6,4 %) était plus élevé que celui des hommes (6,1 %).

L'impact négatif disproportionné de la pandémie sur le marché du travail peut s'expliquer en grande partie par deux éléments que la pandémie a exacerbés : la composition sectorielle du choc et la répartition des soins qui continue d’être très inégale. La majorité des responsabilités familiales a incombé aux femmes, les structures de garde d’enfants et les écoles ayant été fermées. Même avant la pandémie, la part du temps consacré par les hommes au travail non rémunéré par rapport au travail total était de 19 %, contre 55 % pour les femmes.

Le bilan est plus positif lorsqu'il s'agit des femmes occupant des postes de direction dans des organisations. Selon les données haute fréquence de LinkedIn provenant de 23 économies de premier plan, les femmes sont de plus en plus recrutées à des postes de direction depuis 2016. Alors que la part des femmes recrutées à des postes de direction était de 33,3 % en 2016 dans ces pays, elle est passée à 36,9 % en 2022. Peu de progrès ont été réalisés pendant la pandémie, la part annuelle de femmes recrutées à des postes de direction se maintenant à 35 % entre 2019 et 2020, mais passant ensuite à 36 % en 2021.

Cette progression globale masque toutefois des différences entre les secteurs. Parmi les secteurs qui ont recruté la plus forte proportion de femmes à des postes de direction en 2021 figurent les organisations non gouvernementales et les associations de membres (54 %), le secteur de l'éducation (49 %), les administrations et le secteur public (46 %), le secteur des services personnels et du bien-être (46 %), celui de la santé et des services de soins (46 %), ainsi que les médias et communications (46 %). En revanche, six secteurs ont recruté beaucoup plus d'hommes que de femmes à des postes de direction en 2021 : la technologie (30 %), l'agriculture (28 %), l'énergie (25 %), l'approvisionnement et le transport (25 %), la fabrication (22 %) ainsi que l'infrastructure (21 %).

Enfin, les formations sont également segmentées par sexe, ce qui modifie la composition des talents disponibles dotés de compétences adaptées à l'avenir. À l'échelle mondiale, dans l'enseignement supérieur, les femmes continuent d'être sur-représentées dans les filières de l'éducation, de la santé et du bien-être par rapport aux hommes, et sous-représentées dans les domaines des STIM. Il y a presque quatre fois plus d'hommes que de femmes diplômés dans les technologies de l'information et de la communication (TIC) et dans l'ingénierie et la fabrication. Les données haute fréquence de Coursera suggèrent que les écarts entre les sexes sont moins importants dans les inscriptions en ligne. Dans le domaine des TIC, par exemple, la parité femmes-hommes a augmenté dans les formations en ligne entre 2019 et 2021, parallèlement à une hausse générale de l'apprentissage en ligne.

Il est urgent d'agir

La réduction des inégalités femmes-hommes reste un moteur essentiel de la prospérité nationale. Les pays qui investissent dans l'ensemble de leur capital humain et permettent à leur population de concilier plus facilement vie professionnelle et vie familiale sont généralement plus prospères. Avec des perspectives économiques de plus en plus incertaines, le Rapport mondial sur l'écart entre les sexes 2022 appelle davantage de dirigeants à libérer la créativité et le dynamisme du capital humain de leur pays pour surmonter les crises actuelles et accélérer une reprise solide.

L'initiative Closing the Gender Gap Accelerators (des accélérateurs pour combler les inégalités femmes-hommes) travaille aux côtés de gouvernements et d'entreprises issus d'économies avancées et d'économies en développement. Elle œuvre à la coopération entre le secteur public et le privé en vue d'une progression rapide vers la parité économique, notamment en augmentant la part des femmes dans la population active, en réduisant l'écart de rémunération entre les sexes, et en aidant davantage de femmes à accéder à des postes dirigeants et développer les compétences recherchées. Ce modèle a été adopté dans 12 économies, l'Équateur, le Kazakhstan, le Japon et le Mexique rejoignant le réseau des accélérateurs en 2021-2022.