Les fournisseurs de services numériques ont leur rôle à jouer pour protéger les femmes victimes de violence

29 nov 2023

Les fournisseurs de services numériques ont leur rôle à jouer pour protéger les femmes victimes de violence

Dans le cadre d’un projet financé par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP), le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF), l'Alliance des maisons de 2e étape pour femmes victimes de violence conjugale (Alliance MH2) et le Lab 2038 dévoilent le rapport «  Protéger la vie privée pour prévenir l’homicide conjugal : état des lieux des besoins en maisons d’hébergement de 2e étape et recommandations aux fournisseurs de services et outils numériques ».

Le rapport de recherche traite de l'impact de la divulgation d'informations d'identification des femmes hébergées dans des maisons d'hébergement en deuxième étape par les fournisseurs de services et les outils numériques. Il met en évidence les risques et les inquiétudes en matière de confidentialité pour les victimes de violence conjugale et propose des recommandations à l'attention des fournisseurs privés et publics de services et d’outils numériques. Le rapport souligne également l'importance pour les intervenantes de créer un environnement sécurisé pour les résidentes en favorisant leur autonomisation et en les aidant à se reconstruire après la violence subie.

Les femmes victimes de violences font face à un modèle de menace unique

Les personnes aux prises avec la violence conjugale sont confrontées à un modèle de menace absolument unique en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels et à la sécurité de l’information. Effectivement, ces personnes sont confrontées à des acteurs de menace motivés, persistants et, parfois, disposant de connaissances poussées en informatique. De plus, ce qui distingue les risques propres à la violence conjugale des modèles de menace plus traditionnels est le fait que les acteurs de menace sont également des personnes qui disposent d’une connaissance détaillée et intime de leur victime.

Des mesures de protection non adaptées pour les femmes victimes

Les mesures de protection de la confidentialité et de la sécurité, lorsqu’appliquées de manière standardisée, sont mal adaptées aux besoins et préoccupations inhérents aux situations de violence conjugale. Cela limite la potentielle efficacité des mesures de sécurité et de confidentialité et tend à mettre à risque accru des utilisatrices déjà en état de vulnérabilité.

La mobilisation des gouvernements est essentielle

La nécessité de mobilisation est encore plus vaste que les fournisseurs de services et d’outils numériques. Pour l’heure, au Canada, incluant le Québec, la mise en place de pratiques de protection de la vie privée en ligne spécifiques au contexte de violence conjugale est laissée à l’initiative des fournisseurs volontaires. Or, une action voulant avoir un impact structurant et à grande échelle ne pourrait se penser sans envisager l’instauration d’un cadre incitatif, de modalités de régulation qui permettraient de guider les fournisseurs dans l’adoption de meilleures pratiques adaptées et de faire de la protection de la vie privée en lien avec la violence conjugale une priorité incontournable.

Recommandations à l’attention des fournisseurs de services et outils numériques

La recherche a permis de dégager un ensemble de recommandations à l’attention des fournisseurs. Ces recommandations ont un double objectif : leur fournir des pistes d’action claires, mais aussi leur permettre de s’impliquer dans le renforcement du tissu de sécurité des résidentes et intervenantes de MH2. En effet, face à des technologies dont le développement et le déploiement dépassent les volontés individuelles, des stratégies de protection de la vie privée des utilisatrices ne pourraient être complètes et efficientes sans une action concertée des différentes parties prenantes.

Mobilisation et action concertée

  • Analyser les enjeux en lien avec la protection de la vie privée en ligne de manière structurelle et systémique, donc ne pas reporter ces enjeux uniquement sur la responsabilité des individus.
  • Prendre en compte le contexte d’urgence et les particularités du contexte coercitif et de violence conjugale dans la mise en œuvre de mesures.
  • Développer des liens étroits d’échange entre les milieux technologiques et les ressources d’aide.

Adaptation des services et des outils

  • Veiller à la sensibilisation et à la formation des équipes des fournisseurs de services numériques sur les besoins spécifiques en matière de confidentialité en contexte de violence conjugale
  • Mettre en place des procédures et pratiques de protection des données personnelles spécifiques au contexte de violence conjugale.
  • Présenter les fonctionnalités et procédures mises à disposition des utilisatrices en langage simple et accessible, et de manière facile d’accès et d’utilisation.

Diffusion de l’information

  • Mettre en œuvre les mesures nécessaires et les plus sécuritaires possibles pour favoriser aux utilisatrices et aux ressources d’aide la prise de connaissance des procédures adaptées disponibles.
  • Développer et rendre accessibles des canaux de communication par lesquels les femmes victimes de violence conjugale peuvent communiquer leurs besoins.
  • Rendre accessibles en langage simple et clair les informations relatives aux pratiques de confidentialité des fournisseurs.

À enjeux systémiques, solutions structurelles

Depuis 2016, le CDÉACF a un engagement : aider les intervenantes en violence conjugale à faire sens des enjeux associés au numérique. Au fil des années, nous avons constaté, et continuons de constater, la grande force des intervenantes. Elles doivent constamment s’adapter pour assurer autant que possible la sécurité physique, psychosociale et maintenant technologique des femmes qui font appel à elles. Mais parler de technologies, c’est s’attaquer à un domaine en constante et rapide évolution, et dont les déterminants (capitalistes, matériels, stratégiques, de rapports de pouvoir, etc.) dépassent complètement le niveau individuel. Dans ce contexte, il est impensable de reporter intégralement le fardeau de la sécurité technologique sur les seules épaules des intervenantes et encore moins des femmes victimes de violence conjugale. La publication de ce rapport de recherche est donc une invitation aux différents fournisseurs de services numériques, publics et privés, à se joindre à ce nécessaire effort collectif. C’est en effet grâce à une action concertée et plurisectorielle que nous réussirons, nous l’espérons, à enrayer le fléau de la violence faite aux femmes, qu’elle soit physique ou facilitée par la technologie.

Une boîte à outils et une formation sont également disponibles

La boîte à outils inclut une série de 3 courtes capsules qui abordent des enjeux clés en lien avec les pratiques de confidentialité numérique, ainsi que deux fiches pratiques pour identifier les pratiques de confidentialité mises en place par un fournisseur de service numérique.

La formation est une activité d’appropriation des concepts. Il vise à répondre au besoin de clarification des notions clés qui se cachent derrière l’expression « pratiques de confidentialité ».