Résumé:
Ce dossier spécial présente les capacités utiles au quotidien, dans la vie et au travail, qui ne s'apprennent pas de manière institutionnelle - contrairement aux compétences techniques, par exemple.
Lorsque l’on demande à des employeurs ce qu’ils recherchent chez leurs futur·es employé·es, ils parlent généralement de diplômes et de qualifications. Or, lorsqu’on leur demande quelles sont les compétences qu’ils apprécient le plus chez ces employé·es, ils citent plutôt le travail en équipe, le leadership, ou la communication et les relations interpersonnelles. Que ce soit pour des emplois de premier échelon ou des professions hautement qualifiées, c’est la dimension du savoir-être qui est la plus souvent mise de l’avant1.
Il est certain que les compétences techniques ou les connaissances des individus leur permettent d’accomplir des tâches spécifiques, aussi bien au travail qu’en formation ou à la maison; cependant, ce qui contribue souvent de façon significative au maintien en emploi est l’attitude et la personnalité de l'individu.
Ce savoir-être est multiforme et semble difficile à définir, à quantifier ou à évaluer. Cependant, depuis plusieurs années des études et des analyses sont menées afin de mieux cerner les compétences génériques et leur importance, notamment en milieu de travail. C’est parce que ces compétences sont prisées que l’on cherche à savoir si on peut les développer et les évaluer.
Est-ce que tous les individus ont des compétences génériques qu’ils et elles peuvent mettre de l’avant?
Si les compétences génériques sont un atout en milieu de travail, peuvent-elles être un levier pour l’accès à l’emploi pour des personnes éloignées du marché du travail? Y a-t-il des enjeux spécifiques autour de cette question pour les apprenant·es en alphabétisation et en formation générale des adultes?
C’est ce que pensent des chercheur·es, analystes et praticien·nes de l’éducation des adultes.
La créativité, une compétence?
Quand on parle de compétence on pense souvent à des savoir-faire techniques, spécifiques, ou à des connaissances fondamentales. Les attitudes personnelles ne semblent pas entrer dans la catégorie des compétences; pourtant, pour accomplir une tâche ou répondre aux exigences complexes de la vie ou du travail, il faut savoir mobiliser des ressources psychosociales et les mettre en action. Par exemple, il ne suffit pas de savoir s’exprimer dans une langue pour communiquer : il s’agit également d’avoir l’attitude adéquate avec son interlocuteur ou son interlocutrice.
Pour parler de ces compétences génériques, on utilise un vocabulaire varié. L’OCDE parle de compétences clé; au Canada, le cadre des neuf compétences essentielles du BACE comprend entre autre des compétences en littératie (lecture, rédaction, calcul, utilisation de documents) et des compétences génériques (communication orale, résolution de problèmes, travail d’équipe, formation continue). Au Québec, le Programme de la formation de base commune parle de compétences polyvalentes et cite notamment : coopérer, agir avec méthode, communiquer, exercer sa créativité, exercer son sens critique et éthique ainsi que raisonner avec logique. Ailleurs, on parlera aussi de compétences transversales, compétences douces (soft skills), compétences générales, compétences personnelles, etc. De nombreux termes, donc, qui semblent s’équivaloir, parfois se chevaucher, et peuvent créer de la confusion.
Reconnaître les compétences génériques
En 2013, l’Institut de coopération pour l’éducation des adultes (ICÉA) a remis à jour son référentiel de compétences génériques pour circonscrire la liste de ces compétences et en délimiter les contenus, en se fondant sur les plus récentes recherches en la matière. Cette liste de 22 compétences génériques et leurs définitions est un référentiel en soi, et est un des fondements de leur outil Nos Compétences Fortes (NCF).
Nos Compétences Fortes est un outil d’animation d’ateliers qui visent à se reconnaître et reconnaître chez les autres des compétences génériques fortes. Au terme des ateliers, les participant·es sont également en mesure d’identifier des compétences génériques utiles dans des situations de travail. Les ateliers NCF reposent sur la communication et les échanges entre les participants, et non sur un système d’évaluation de ces compétences génériques. Destiné à tous types de public, NCF est depuis longtemps utilisé dans les groupes d’alphabétisation, car il contribue de façon significative à la connaissance et à l’estime de soi.
Voir l’entrevue avec Françoise Lefebvre de La Boîte à Lettres (Longueuil)
Les compétences génériques : un levier pour l’employabilité
Comme dit plus haut, les compétences génériques contribuent beaucoup au maintient en emploi. Elles sont également un facteur clé pour l’embauche et l’entrée sur le marché du travail. Dans cette optique, l’organisme communautaire en employabilité Futureworx, en Nouvelle-Écosse, a créé un outil d’évaluation des compétences génériques, en créant leur propre référentiel de compétences et l’architecture qui soutient la plateforme en ligne. ESAT (Employability Skills assessment Tool) a été traduit en français en 2012. Depuis 2015, la plateforme contient également un second référentiel, tiré de celui de Nos Compétences Fortes 2.
Futureworx utilise ESAT avec ses apprenant·es dans des formations à des métiers de premier échelon. Leurs programmes prennent en compte la dimension des compétences génériques, l’évaluation se fait en continu, à tout moment (tant dans les périodes d’apprentissage formel que dans les moments informels), par toutes les personnes qui accompagnent et interagissent avec les apprenant·es (formatrices, employeurs sur le lieu de stage, etc.).
Les compétences génériques en formation
Intégrer les compétences génériques dans un programme de formation formel nécessite de repenser tout le programme selon l’approche par compétences, de donner aux apprenant·es l’occasion de faire la preuve de leurs compétences et d’outiller les formatrices pour qu’elles soient en mesure d’observer et de quantifier l’acquisition de compétences transversales.
Du côté des institutions d’enseignement, on pourrait vouloir se diriger vers ce type d’évaluation formelle afin de sanctionner quantitativement ces acquis; d’autre part, la souplesse de Nos Compétence Fortes permet d’adapter l’outil à divers programmes de formation, les ateliers pouvant se faire en parallèle, mais aboutissant à une reconnaissance (et non une évaluation) formelle.
Quelle que soit la démarche choisie, mettre l’accent sur les compétences génériques avec des apprenant·es participe d’une approche conscientisante. Les apprenant·es augmentent leur estime d’eux-mêmes et savent faire la preuve de leurs aptitudes, ce qui constitue un réel levier pour l’accès à de la formation qualifiante ou un emploi.
Par Isabelle Coutant, CDEACF, juin 2016
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1 Moi, mes compétences et apprendre pour le travail (Lurette 2012)
2 Pour en savoir plus sur Nos Compétences Fortes et sur ESAT, vous pouvez parcourir le site mescompetencesgeneriques.net et visionner les vidéos qui les présentent.