NOUVEAU - Les jeunes ni en emploi, ni aux études, ni en formation (NEEF)

Résumé: 

Ce dossier spécial présente les parcours des jeunes ni en emploi, ni aux études, ni en formation (NEEF) ainsi que les initiatives mises en place pour les soutenir et les accompagner.


 

Depuis les années 1990, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie régulièrement des statistiques sur les jeunes ni en emploi, ni aux études, ni en formation (NEEF). Au Canada, des statistiques ont commencé à être compilées et publiées en 2009, afin de mettre en place des politiques publiques adaptées. Regardons de plus près ce dont il est question lorsqu’on parle de « jeunes en situation NEEF ».

Éléments de définition

  • Jeunes : dans le cadre de ce dossier, il s’agit d’une catégorie statistique regroupant les personnes ayant de 15 à 29 ans
  • Ni en emploi, ni aux études, ni en formation : regroupe les jeunes déscolarisé·es ou au chômage ou inactifs et inactives
    • Chômage : recherche active d’un emploi rémunéré
    • Inactivité : retrait (volontaire ou non) du marché de l’emploi

Les jeunes ni en emploi, ni aux études, ni en formation au Québec et au Canada

Avant toute chose, soulignons que les jeunes sont les plus vulnérables aux fluctuations du marché de l’emploi, et cela s’intensifie en fonction d’autres facteurs sociaux. En effet, comme nous l’apprennent María Eugenia Longo, Martin Goyette et Marie Dumollard, certaines caractéristiques augmentent le risque de se retrouver en situation NEEF : « ne pas avoir terminé son secondaire 5; vivre avec des problèmes de santé mentale et utiliser des services de psychiatrie; avoir des problèmes de dépendance; vivre une instabilité résidentielle ou être en situation d’itinérance; avoir vécu de l’instabilité lors du placement; être une personne trans ou non-binaire; être une jeune mère ». Si la situation semblait s’améliorer au cours des dernières années, la pandémie de COVID-19 a grandement affecté cette catégorie de population au Canada, et particulièrement au Québec.

En effet, Statistique Canada nous apprend qu’en 2020, le taux de jeunes non autochtones de 18 à 24 ans déscolarisé·es et sans emploi a augmenté de 46 % au pays. Le Québec et l’Ontario ont été les provinces les plus touchées, principalement en raison de mesures de santé publique plus rigoureuses, mais aussi d’un marché de l’emploi moins favorable à l’insertion professionnelle des jeunes qu’ailleurs. Cependant, les chiffres sont très différents selon les groupes d’âge. Ainsi, au Québec, le taux de jeunes en situation NEEF chez les 25-29 ans est passé de 12 % à 16 % entre 2019 et 2021 et de 4,9 % à 10,3 % chez les 15-19 ans.

En revanche, chez les jeunes autochtones vivant hors des réserves, peu de changement a eu lieu, notamment chez les 15-24 ans. Notons toutefois que les chiffres de déscolarisation et de chômage sont à la base plus élevés au sein des communautés autochtones, en raison de discriminations systémiques et d’un accès moindre à des services publics de qualité.

Diversité des profils, homogénéité de la stigmatisation

En analysant la situation NEEF exclusivement sous l’angle de l’activité économique, on manque à saisir la diversité des occupations des jeunes : le travail domestique invisible, le travail du care auprès des proches, la parentalité, l’introspection et la prise en charge de sa propre santé (physique et mentale), les projets personnels et les loisirs, le développement de compétences et l’apprentissage en-dehors des établissements scolaires, ou encore le règlement de démarches administratives, migratoires ou juridiques.

María Eugenia Longo et ses collègues estiment que « les périodes NEEF peuvent être considérées comme des ferments où se révèlent et s’organisent des projets potentiels et des éléments susceptibles d’aider ces jeunes à transiter, voire à sortir justement de ces périodes, ou à les exploiter pleinement sur le plan de la formation et de l’emploi plus tard » (2023, 31). Toutefois, on peut également voir cela comme le temps dont nous manquons, aux échelles individuelle et collective, pour résister à la pression capitaliste et participer à construire une société plus humaine, axée sur le soin plutôt que la productivité – ce qui implique de réfléchir à la reconnaissance de ce temps et de ces activités.

Sanction sociale et santé mentale

Dans sa thèse de sociologie, Quentin Guatieri donne la parole à des jeunes en situation NEEF, qui dénoncent notamment les injonctions auxquelles iels doivent répondre. Ces injonctions se déploient de plusieurs manières. D’abord, il y a la pression constante à la réintégration sur le marché de l’emploi, peu importe les conditions dans lesquelles elle s'effectue. En d’autres termes, dans un monde capitaliste et productiviste, il vaudrait mieux occuper n’importe quel emploi plutôt que d’être au chômage ou inactif. Des jeunes s’opposent à cette conception, privilégiant le temps de trouver un emploi satisfaisant à l’enchaînement de contrats précaires. Intervient ensuite l’enjeu des aides gouvernementales. Car, des jeunes soulignent qu’au stigmate d’être en situation NEEF peut s’ajouter le stigmate de « vivre sur l’aide sociale » : iels sont ainsi perçu·es comme des « assisté·es ». Deux constructions s’opposent alors : le pauvre qui mérite qu’on l’aide puisqu’il cherche à s’extraire de sa situation et le pauvre qui mérite sa situation puisqu’il s'y complait. Rappelons-le : près de la moitié de la population québécoise aurait une perception négative des personnes bénéficiant de l’aide sociale. À ce sujet, il pourrait être opportun de lire le guide de conscientisation produit par le Front commun des personnes assistées sociales et le Conseil canadien de développement social : Le B.S., Mythes et réalités.

Il va sans dire que cette pression et cette stigmatisation nuisent à la santé mentale des jeunes, qui peut parfois être la cause de leur situation NEEF et ne fait alors que se détériorer. L’orientation des politiques publiques, qui visent la réintégration sur le marché de l’emploi avant toute chose, ne correspond donc pas aux besoins d’épanouissement des jeunes, mais à ceux d’un système économique et idéologique.

Les initiatives communautaires mises en place au Québec

  • Trousse Jeunes – Fondation Jeunes En Tête
    • Un ensemble de fiches thématiques abordant des sujets variés, tels que l’anxiété, l’école, la préparation au marché de l’emploi, le soutien aux proches, ou encore le rapport au corps.
  • Le CafARDEUR – Diapason Jeunesse
    • Ce café est un libre-accès pour les jeunes du secondaire qui peuvent y recevoir du soutien, de l’encadrement et de la reconnaissance, tout en participant à une pluralité d’activités parascolaires et socioculturelles.
  • Activités numériques – Je Passe Partout
    • Ce programme d’activités permet aux jeunes et à leur famille de se saisir des technologies de l’information et de la communication pour favoriser la réussite scolaire.
  • Quand l’amour panse fort – Maison des jeunes L’Ouverture
    • Ce projet a pour objectif de promouvoir des relations amoureuses saines entre les jeunes et de lutter contre les violences de genre à travers des activités artistiques.

Les groupes communautaires dédiés à la jeunesse québécoise (non exhaustif)