Élections 2015 : Remettons sur les rails le développement de l’éducation des adultes au Canada

Déclaration d’un réseau d’organisations et de chercheurs en éducation des adultes — 8 septembre 2015, Journée internationale de l’alphabétisation

Aujourd’hui, la prospérité des pays, le succès des entreprises, le dynamisme des communautés, le progrès social et le développement des individus impliquent des niveaux élevés de connaissances et de compétences. Les adultes font face à de nouveaux défis au travail mais également en tant que citoyens soucieux du développement durable, parents, personnes engagées dans leur communauté, nouveaux immigrants ou encore personnes prenant soin de leur santé ou de celle d’un proche.

Répondre aux besoins d’éducation des adultes en fournissant des possibilités d’apprentissage de qualité devrait être une priorité du gouvernement fédéral et pourtant, on constate :

Le retrait du gouvernement fédéral en alphabétisation des adultes

Répondre aux besoins d’éducation des adultes en fournissant des possibilités d’apprentissage de qualité devrait être une priorité du gouvernement fédéral.

Jusqu’à récemment, l’importance de l’éducation des adultes faisait l’objet d’un large consensus. Ces dernières années, nous observons une politique de retrait du gouvernement fédéral en alphabétisation des adultes. Nous craignons que le gouvernement ne tourne le dos aux centaines de milliers de Canadiennes et de Canadiens faiblement alphabétisés qui représentent 16% de la population du pays et auxquels s’ajoutent 32% d’adultes qui ont des compétences de bases minimales (selon le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes – PEICA). Cette orientation les met à risque de vivre de manière permanente des situations d’exclusion sociale, culturelle et économique.

Les impacts observés

  • De plus en plus, la littératie est réduite à l’employabilité, au détriment d’autres besoins (ex. : littératie en santé, numérique, scientifique ou financière);
  • La Subvention canadienne pour l’emploi exclut une partie de la population qui a besoin de développer ses compétences, tels que ceux qui n’ont pas d’employeur ou qui sont peu alphabétisés;
  • L’alphabétisation des adultes et familiale fait l’objet d’une insuffisance chronique d’investissement de la part du gouvernement fédéral;
  • Entre 2006 et 2014, près de 80 millions de dollars prévus au budget pour le financement de programmes et projets par le Bureau de l’alphabétisation et des compétences essentielles (BACE) n’ont dans les faits jamais été dépensés;
  • L’abolition du financement pour le fonctionnement d’organisations pancanadiennes, provinciales et territoriales en alphabétisation a forcé des réseaux à fermer leurs portes et d’autres à procéder à de nombreuses mises à pied et à l’abandon de services, gaspillant ainsi des millions de dollars d’investissements publics passés;
  • L’absence de plan pour reprendre le rôle de cette infrastructure nationale prive le Canada de réseaux qui forment des éducatrices et des éducateurs, disséminent largement de l’information sur l’alphabétisation, commanditent des initiatives et des projets, réalisent des recherches et contribuent à l’innovation en apprentissage des adultes.
Au bilan, c’est la capacité de tout un réseau pancanadien d’organisations en alphabétisation des adultes à faire face aux défis de l’apprentissage dans nos sociétés complexes, qui est réduite, voire inexistante, à cause de ces décisions.

Pour un gouvernement à la hauteur des défis de l’apprentissage des adultes

Nous devons, ensemble, remettre sur les rails le développement de l’éducation des adultes au Canada, en proposant une vision globale et en réalisant et soutenant des actions structurantes. Dans cette optique, les organisations signataires de cette plateforme électorale invitent les partis politiques à soutenir les propositions suivantes :

Au bilan, c’est la capacité de tout un réseau pancanadien d’organisations en alphabétisation des adultes à faire face aux défis de l’apprentissage dans nos sociétés complexes, qui est réduite, voire inexistante, à cause de ces décisions.
  1. S’engager à assumer un leadership fort et positif en faveur de l’alphabétisation des adultes et du développement des compétences, dans le respect de la juridiction fédérale;
  2. Développer une stratégie intergouvernementale et intersectorielle d’alphabétisation et de développement des compétences, c’est-à-dire : a) avec les provinces et les territoires ainsi que les organisations et les réseaux b) dans un esprit de responsabilité partagée et c) en tenant compte des réalités des provinces et territoires ainsi que des besoins des communautés de langues officielles en situation minoritaire et des peuples autochtones;
  3. Respecter les obligations constitutionnelles concernant les droits linguistiques des Canadiennes et des Canadiens francophones vivant en situation minoritaire;
  4. Financer une infrastructure stable pour soutenir et partager l’expertise et les meilleures pratiques en éducation des adultes et développement des compétences à travers le Canada et ce, afin de mieux répondre aux besoins d'apprentissages divers et multiples des adultes;
  5. Intégrer l’alphabétisation et le développement des compétences dans les politiques sectorielles pertinentes (ex. : développement de l’emploi, autochtones, justice et réhabilitation, santé, environnement, culture, promotion des langues officielles, etc.);
  6. Favoriser le financement de l’alphabétisation et du développement des compétences à partir de la caisse de l’Assurance-emploi et de la Subvention canadienne pour l’emploi.;
  7. Mettre en œuvre les engagements du Canada sur la scène internationale en éducation des adultes (Cadre d'action Éducation 2030 de l'UNESCO (2015), la Recommandation sur le développement de l’éducation des adultes (2015), Cadre d'action de Bélem (2009), et la Déclaration de Hambourg sur l'éducation des adultes 1997).

Questions aux partis politiques fédéraux dans le cadre des élections 2015

  1. Quels sont vos engagements en matière d’alphabétisation des adultes et de développement des compétences?
  2. Prenez-vous l’engagement d’assumer un leadership fort et positif en faveur de l’alphabétisation, dans le respect de la juridiction fédérale? Et si oui, comment ce leadership se traduira-t-il?
  3. Votre parti s’engage-t-il à adopter des moyens assurant le respect des obligations constitutionnelles concernant les droits linguistiques pour les Canadiennes et les Canadiens francophones vivant en situation minoritaire? Si vous le souhaitez, illustrez ces engagements.
  4. Êtes-vous prêts à financer une infrastructure stable qui permettra de répondre aux fonctions d’information, d'innovation, de recherche et de partage d’expertise dans le domaine de l’alphabétisation et du développement des compétences?
  5. Êtes-vous d’accord d'intégrer l’alphabétisation et le développement des compétences essentielles dans les politiques sectorielles où ils peuvent jouer un rôle, telles les politiques d’emploi, liées aux autochtones, dans le domaine de la santé, de l’environnement, de la culture, ou à la promotion des langues officielles, etc.?
  6. Appuyez-vous l’inclusion du financement de l’alphabétisation et du développement des compétences dans la caisse de l’Assurance-emploi et dans la Subvention canadienne pour l’emploi?
  7. Allez-vous mettre en œuvre les engagements du Canada envers l’UNESCO et sur la scène internationale dans le domaine de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes: Cadre d'action Éducation 2030 de l'UNESCO (2015), la Recommandation sur le développement de l’éducation des adultes (2015), Cadre d'action de Bélem (2009), et la Déclaration de Hambourg sur l'éducation des adultes (1997)?

Nous espérons que les partis politiques répondront à notre appel, car abandonner l’éducation des adultes est risqué dans nos sociétés qui misent si fortement sur les connaissances et les compétences.

Les partis politiques sont invités à envoyer les réponses à l’adresse : info@cdeacf.ca. Nous nous engageons à les mettre en ligne au fur et à mesure de leur réception.

Signataires

Daniel Baril, Directeur général, Institut de coopération en éducation des adultes (ICÉA)
Geneviève Dorais-Beauregard, Directrice générale, Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF)
Brigid Hayes, Chercheure en éducation des adultes
Isabelle Salesse, Présidente, Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences (RESDAC)
Linda Shohet, Chercheure et consultante, anciennement directrice générale de The Centre for Literacy
Suzanne Smythe, Professeure Assistante, Éducation des adultes, Simon Fraser University