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Martine Delvaux, professeure au Département d'études littéraires
Qu'est-ce que les filles en série disent de la culture dans laquelle on vit − cette culture qu'on appelle « culture du viol ». Une culture qui conçoit les femmes comme des biens à consommer, un environnement social, médiatique qui banalise les violences sexuelles, voire les accepte ou les encourage, accuse les femmes d'en être responsables et disculpe les hommes, affirme qu'autant d'hommes que de femmes en sont victimes, que les femmes mentent ou y prennent plaisir. Une culture qui affirme que le viol est dans la nature et refuse de se pencher sur la notion, justement, de culture du viol. Quel est le lien entre cette culture-là et la sérialité?
Il faut penser la reproduction des filles (des filles à la chaîne, des filles usinées) parce qu'il faut penser les mécanismes de leur objectivation. Comment on en fait des choses et, ce faisant, comment on se donne le droit de les blesser. Il faut penser la mise en série des filles, leur reproduction à la chaîne, usinée, parce que c'est une figure qui a pour effet de nous empêcher de penser. Dans notre société soi-disant éclairée, les filles en série provoquent une sorte d'anesthésie. En donnant de l'ordonné, du pareil, de l'harmonie, cette beauté parfaite qui n'a rien d'inquiétant, elles ont le pouvoir de nous endormir. Et nous devenons, comme elles, des belles au bois dormant.
Conférence en lien avec son ouvrage Les filles en série. Des Barbies aux Pussy Riot, paru à l'automne 2013 aux Éditions du remue-ménage.