Mille et une pratiques : emploi et autres sources de revenu

Mille et une pratiques : emploi et autres sources de revenu

2012

Dans le domaine de l’alphabétisation populaire, tout comme dans d’autres secteurs, la conjoncture a, bien entendu, des effets sur les personnes qui fréquentent les groupes, puis, en écho, sur les groupes d’alphabétisation populaire. Au début des années 1980, les groupes qui touchaient au domaine de l’emploi faisaient partie de l’exception. Ils abordaient l’emploi surtout en intégrant du matériel sur ce thème dans leurs ateliers et en planifiant des horaires qui permettaient aux personnes sur le marché du travail de participer aux activités. Quelques initiatives avaient par ailleurs été implantées directement dans les entreprises pour les personnes en place qui éprouvaient des problèmes liés à leur faible connaissance du code écrit (lecture et écriture). On y donnait essentiellement de la formation sur le code écrit et sur certaines règles d’écriture du français ou sur des notions en lien avec le poste occupé. Par ailleurs, en ce qui concerne la défense des droits, les groupes n’ont pas eux-mêmes amorcé de lutte en rapport avec l’assurance chômage, le salaire minimum ou des règles de la sécurité du revenu. Par contre, ils ont largement participé à défendre les droits des personnes en situation de pauvreté en s’engageant dans des campagnes orchestrées par d’autres acteurs.  

Depuis plusieurs années, en concordance avec leur vision et la réalité des personnes peu alphabétisées relativement à l’emploi et au revenu (voir la première partie du document), les groupes ont choisi de déployer leur force pour mettre en place un large éventail de programmes et d’actions visant l’amélioration du sort et des revenus des personnes qui côtoient les centres d’alphabétisation1.

1 Déjà en 1995, le RGPAQ publiait une recherche sur les pratiques en lien avec l’emploi : Alphabétisation populaire, emploi et après… Recherche et bilan des expériences réalisées dans des groupes d’alphabétisation populaire, de 1990 à 1994.

Photo : Tour de lire

EN LIEN AVEC L’EMPLOI

Aujourd’hui, la moitié des groupes du Regroupement mène des activités en lien avec l’emploi. Bien que le financement ait certainement constitué un élément motivateur dans le choix d’entreprendre de telles activités, ce sont les personnes participantes qui sont au cœur de ces projets, et le désir de les poursuivre provient de leurs demandes et des besoins perçus dans le milieu.

Au cours des dernières années, saisissant les gains possibles pour l’amélioration des conditions de vie des personnes peu alphabétisées, les groupes ont fait des avancées majeures sur ce plan. Le profil des participantes et des participants engagés dans ces activités est très variable, mais la plupart ont croisé de nombreux obstacles sur le chemin de l’emploi. Il faut savoir par exemple que les directives et les orientations des programmes d’employabilité servent en priorité les personnes déjà proches du marché du travail. Les groupes d’alphabétisation font donc partie des ressources bien placées pour défendre les besoins des personnes qui sont, elles, plus éloignées du marché du travail et y répondre.

Pour faire face à la situation, les groupes ont élaboré une longue liste d’activités adaptées et toujours teintées des principes et des valeurs de l’alphabétisation populaire, ce qui signifie entre autres que l’emploi est envisagé comme un moyen d’améliorer les conditions de vie au sens large des personnes participantes 2:

  • Projets de préparation à l’emploi qui comportent des ateliers de motivation, de reconnaissance des compétences, d’information sur le marché du travail, de stages et de suivi, etc. Ce type d’ateliers est offert par de nombreux groupes.
  • Accompagnement à la recherche d’emploi.
  • Programmes de pré-employabilité ou d’insertion sociale qui consistent principalement à développer des habiletés sociales.
  • Alphabétisation en milieu de travail.
  • Intégration, accompagnement et maintien en emploi.
  • Entreprises d’économie sociale sur place (friperie, joujouthèque, reliure, traiteur, etc.) ou en collaboration et orientation vers de telles entreprises.
  • Formation à un métier (cuisine, vente, conciergerie, etc.).
  • Démarche d’orientation.
  • Mise à niveau des compétences de base.
  • Préparation à des tests afin de faciliter l’entrée en formation professionnelle ou générale, tels le Test de développement général (TDG) et le Test d’équivalence de niveau de scolarité (TENS). Des groupes comme la Clé en éducation populaire de Maskinongé et le Regroupement de Bouches à oreilles de Chibougamau ont acquis une expertise certaine dans l’entraînement des gens à passer ces tests.
  • Sensibilisation d’employeurs à la réalité des personnes peu alphabétisées et, parallèlement, sensibilisation des personnes participantes au monde du travail.  
  • Campagne de revendication du droit au travail.
  • Participation à des tables de concertation pour l’emploi.
  • Pour soutenir toutes ces activités, un grand nombre d’outils ont été adaptés et créés. Quelques-uns ont été publiés et se trouvent sur le site du Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF).

2 Pour obtenir plus d’information sur le sujet, voir le document suivant : RGPAQ, Dossier Alpha et emploi – Le Monde alphabétique, printemps 2011.

Comme le thème de l’emploi a été longuement abordé dans la revue de l’an passé, nous vous invitons à vous y reporter pour obtenir plus d’information. Vous y trouverez notamment la description fort inspirante de plusieurs initiatives au programme de groupes membres du RGPAQ, dont l’entreprise d’économie sociale du Centre N A Rive, Les services Boukan, qui a fait ses débuts en 1997, le projet de préparation à l’emploi de Alpha Entraide des Chutes-de-la-Chaudière, l’approche par réalisation de projets de Déclic, le projet pilote Emplois de solidarité de COMSEP, dans lequel on ouvre de nouveaux horizons avec des moyens novateurs, telle l’idée d’un agent de liaison et d’accompagnement entre tous les acteurs, etc.  

Ajoutons que de belles réussites sont vécues grâce à ces initiatives, bien que les groupes aient dû travailler particulièrement fort et de façon assidue pour les adapter aux personnes participantes et aux principes de leur approche et pour faire connaître et reconnaître la problématique de l’analphabétisme tout autant que les capacités des personnes peu alphabétisées. Le jeu en valait et en vaut la chandelle puisqu’il en va du droit au travail.3

3 Pour en savoir plus à ce sujet, voir les quelques articles suivants sur l’emploi publiés par le RGPAQ dans Le Monde alphabétique : Lise ST-GERMAIN et Sylvie TARDIF, Emploi de solidarité ou contrer l’exclusion, 2003; Émilie RAYMOND, Un rempart collectif contre l’échec, 2002; Monique ROBERGE, La volonté qui soulève des montagnes, 2001.

PROGRAMME D’INSERTION SOCIALE

L’une des façons pour les personnes peu alphabétisées de toucher un peu de revenu est de s’inscrire à un programme d’insertion sociale. Dans ceux-ci, comme dans les programmes de pré-employabilité, « les groupes abordent la personne dans sa globalité […]. Cela se traduit dans les choix d’approches, de contenus, d’outils et d’activités qui vont permettre le développement de l’estime de soi […], favoriser l’auto-reconnaissance et la reconnaissance par le groupe des qualités et compétences de la personne 4 ». La participation à la vie sociale pour briser l’isolement de même que le suivi individuel font partie des moyens proposés par les groupes pour soutenir l’inclusion et le développement de l’autonomie ainsi que la persévérance jusqu’à l’emploi. En plus des bénéfices d’apprentissage et de transformation, les personnes inscrites qui sont prestataires d’aide sociale reçoivent un léger supplément. 5   Toutefois, l’accès à ces programmes ne peut être considéré comme un acquis définitif. Les divers gouvernements ont constamment cherché à orienter ces programmes strictement et à court ou moyen termes vers l’emploi en risquant d’exclure les personnes les plus éloignées du marché du travail. Garder des programmes de ce type accessibles aux personnes peu alphabétisées exige donc une vigilance constante, car le risque de les voir simplement disparaître est grand.

4RGPAQ, Dossier Alpha et emploi – Le Monde alphabétique, printemps 2011, p. 18.

5 Pour obtenir de plus amples informations sur les programmes, voir Dossier Alpha et emploi – Le Monde alphabétique

AUTRES ACTIONS EN LIEN AVEC LE REVENU

Mentionnons que pour faire avancer la cause des personnes à faible revenu et dans la pauvreté, les groupes et le Regroupement ont soutenu plusieurs campagnes dont l’importante campagne Mission collective, pour bâtir un Québec sans pauvreté, lancée par le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Cette campagne s’est terminée en 2009, mais les objectifs de celle-ci se retrouvent actuellement dans la mobilisation nommée « Fixer des cibles de revenu pour le Québec », mise en branle par le Collectif 6.

6 Site Web du Collectif : http://www.pauvrete.qc.ca/sommaire.php3.

ENSEMBLE CONTRE L’ANALPHABÉTISME :

CAMPAGNE ACTUELLE AMORCÉE PAR LE RGPAQ

Le RGPAQ et ses membres ont décidé de lancer une vaste campagne. Déjà, en 2009, ils avaient entamé le processus, AVEC des personnes participantes, en élaborant la revendication d’un programme d’aide financière pour les adultes en démarche d’alphabétisation populaire qui se déclinait en trois allocations : une pour la formation, une autre pour le transport et la dernière pour le gardiennage. Ces revendications sont reprises dans la campagne actuelle, Ensemble contre l’analphabétisme. Depuis l’automne 2011, « Le RGPAQ, ses groupes membres ainsi que les adultes qui les fréquentent, réclament du gouvernement du Québec :

  • une stratégie nationale de lutte contre l'analphabétisme incluant des mesures de lutte contre la pauvreté;
  • un programme d'aide financière pour les adultes qui sont dans une démarche d'alphabétisation populaire;
  • une augmentation du financement des groupes populaires en alphabétisation.

« Pour qu'ensemble, nous fassions de la lutte contre l'analphabétisme une priorité nationale 7! »