À la suite d’un enchaînement de constats facilités par diverses rencontres, soit ceux de la sous-scolarisation, de l’existence de la problématique de l’analphabétisme au Québec et de l’échec de programmes institutionnels pour les personnes analphabètes et défavorisées, naît le désir pour les premiers groupes d’alphabétisation populaire de fonder une association ayant pour objectif de défendre leur existence et leur spécificité. C’est ainsi que le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec voit le jour en 19811. Avant même sa naissance, des groupes précurseurs ont taillé les premières pierres de son édifice, avec, au cœur de leur démarche, l’alphabétisation conscientisante venue d’Amérique latine. À sa naissance donc, une vision qui guide et enracine les pratiques des groupes du Regroupement avec les axes suivants : une tentative d’explication de la question dans son ensemble, le rêve d’un monde plus juste, particulièrement pour les personnes peu alphabétisées, et la recherche de moyens qui, en eux-mêmes, portent l’élan vers cette société désirée. Les premières personnes qui ont travaillé et milité dans les groupes d’alphabétisation populaire se sont saisies de cette approche avec enthousiasme pour ce qu’elle laissait présager de possibilités. Elles se sont efforcées de la comprendre et de se familiariser avec ses divers éléments et elles ont cherché à l’incarner. Rapidement, à ce repère plus théorique s’est ajouté sur le terrain l’exercice d’animation des échanges afin de favoriser la réflexion et un engagement social ainsi que la mise en place de moyens pour soutenir l’apprentissage concret du code écrit, du calcul de base et des habiletés usuelles de la vie quotidienne.

Dès lors, les groupes et le Regroupement cherchent la cohérence entre ces pôles, les développent parfois dans l’harmonie, parfois aussi dans les tiraillements et les débats. Cette poursuite de cohérence entre la philosophie, le désir de transformations sociales et les pratiques des divers apprentissages est un défi de taille qui traverse toute l’histoire du Regroupement et de ses membres. Et de ce défi d’interaction et d’imbrication des divers pans, l’alphabétisation populaire tire précisément la dynamique qui l’anime, son cœur battant, son originalité. C’est ainsi que l’on croit pouvoir offrir la meilleure réponse au problème d’analphabétisme. C’est sur ces bases que les groupes ont donc défini leur spécificité, voire leur raison d’être 2.