Afrique - Un non catégorique aux violences faites aux femmes

Afrique - Un non catégorique aux violences faites aux femmes


KEMPTON PARK, Afrique du Sud, 24 mai (IPS) - La voix de Myesha Jenkins, poète militante, résonnait dans la salle: "Les femmes sont dehors dans la nuit; nous nettoyons les rues, certaines marchent dans les rues..."

Ce couplet de Jenkins a été repris par les collègues poètes Zanele Faith Mavuso et Aura Zawanzaruwa qui ont parlé de la douleur des violences et de la force des femmes.

La campagne UNiTE pour mettre fin aux violences faites aux femmes, un effort de plusieurs années visant à prévenir et éliminer les violences faites aux femmes et aux filles, a été lancée en 2008 par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Jusque-là, les chefs d'Etat et ministres de 69 gouvernements ont ajouté leur nom à la campagne dont le slogan est "Dites non".

Nouvel engagement pour agir sur les promesses

C'est une campagne qui, espèrent les organisateurs, se répercutera dans les allées du gouvernement et initiera des actions et l’application des nombreuses lois, conventions et stratégies déjà en place à travers le continent pour mettre fin aux violences faites aux femmes et aux filles.

Ces accords comprennent, entre autres, des accords internationaux tels que la CEDAW (Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes), ratifiée par 51 pays africains, le Statut de Rome, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique et les Protocoles sur les droits de l'Homme, ainsi que le Protocole sur le genre et le développement de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC).

Le protocole de la SADC, conformément à la campagne, vise à "réduire de moitié les violences basées sur le genre d'ici à 2015". Il n’a pas encore été signé par l’île Maurice et le Botswana.

La directrice exécutive de Gender Links, Colleen Lowe Morna, qui est un membre du Comité directeur régional de la Campagne UNiTE, a remarqué que tous les pays de la SADC ont un projet ou un plan d'action national (PAN) pour mettre fin aux violences faites aux femmes; neuf pays de la SADC ont des lois sur les violences conjugales, sept sur les infractions sexuelles et cinq sur le trafic.

"La campagne UNiTE nous donne une unique opportunité de relancer les PAN multisectoriels [...] elle nous donne l’occasion d'exploiter une nouvelle vague de volonté politique et d'engagement", a déclaré Lowe Morna.

Morna insista pour que la stratégie régionale soit proactive - mettant un accent sur la prévention d’abord. "'Dites non' place la prévention au centre", a-t-elle indiqué.

Propagation des violences basées sur le genre

Lorsque la Campagne Africa UNiTE a été lancée en janvier à l'Union africaine à Addis-Abeba, en Ethiopie, 17 pays africains se sont engagés à combler le fossé dans la mise en application des différents accords et engagements des pays africains pour prendre des mesures afin d’éliminer les violences faites aux femmes.

La Déclaration des Nations Unies sur les violences faites aux femmes définit les violences faites aux femmes comme "tout acte de violence basée sur le genre qui entraîne ou est susceptible d'entraîner des souffrances ou dommages physiques, sexuels ou psychologiques aux femmes, y compris les menaces des actes tels que la contrainte ou les privations arbitraires de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée".

Il y a un manque de données fiables sur l'ampleur des violences faites aux femmes et aux filles en Afrique mais, aux dires de Simone Ellis Oluoch-Olunya, directrice régionale adjointe du programme du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), elles "sont répandues".

"En Afrique, comme dans toutes les autres régions, une femme sur trois est battue ou contrainte à avoir des rapports sexuels; ou autrement a subi des sévices sexuels dans sa vie", a souligné Oluoch-Olunya.

Les coûts directs et indirects des violences sont ceux que peu de pays peuvent supporter.

Ces violences sont aggravées pendant les conflits.

La directrice régionale de l’UNIFEM en Afrique australe, Nomcebo Manzini, a demandé: "Qu'avons-nous fait collectivement pour nos soeurs en RDC? Pour nos soeurs en Somalie? Comment pouvons-nous accroître notre activisme à un niveau plus élevé?".

Manzini a également soulevé la question de la violence et de la culture.

"Les pratiques culturelles qui violent les droits humains doivent être changées. C'est un imperatif", insista-t-elle.

Faisant la distinction entre la culture et les pratiques culturelles, Manzini a affirmé: "Nous ne devons pas chercher à modifier les cultures des gens, mais chercher à changer les pratiques culturelles néfastes. C'est la pratique qui se dégage du comportement quotidien qui viole les droits humains.

"Il n’existe pas une seule culture qui apprécie les violences faites aux femmes et aux filles"

Gabriella Rakotomanga, responsable des programmes à Catholic Relief Services à Madagascar, a annoncé que le changement des pratiques culturelles prendrait du temps.

Les participants à la consultation - venus des ministères de la Justice, des unités nationales et régionales sur le genre ainsi que de la société civile de 14 pays d'Afrique australe - cherchent des moyens pour sensibiliser et plaider sur des initiatives et engagements nationaux.

La campagne vise à opérer des changements positifs dans six domaines prioritaires: les violences intrafamiliales faites aux femmes et aux filles (violences conjugales, violence sur la partenaire intime, l'inceste, etc.); le viol et d’autres formes de violence sexuelle dans l'ensemble de la communauté; les pratiques néfastes comprennent le mariage des enfants; les violences faites aux femmes dans les pays touchés par un conflit; les liens entre les violences faites aux femmes et aux filles et le VIH/SIDA; et la sécurité des femmes dans l'espace public.

Et si les voix de ceux qui disent "Non" sont écoutées et suivies, alors les femmes marcheront certainement un jour dans les rues sans craindre les violences. (FIN/2010)

[Source : http://ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=5862]