Reconquérir le titre de leader en matière de droits humains du Canada
La réputation du Canada à titre défenseur des droits humains est compromise. En cette période électorale, tous les partis doivent prendre des engagements concrets afin d'aider le Canada à rétablir son rôle de leadership, affirme Amnistie internationale. Tandis que les Canadiens iront aux urnes, ils auront une occasion décisive d'influencer ces questions fondamentales.
« Au cœur des principes fondamentaux de bien-être, de sécurité et de prospérité d'un pays et de sa situation dans le monde, se trouve l'approche de ce pays par rapport aux questions de droits humains, déclare Salil Shetty, secrétaire général d'Amnistie internationale. Le Canada doit reconquérir son rôle de leader en matière de droits humains. »
Dans le rapport « Reprendre les “droits” chemins », publié aujourd'hui, Amnistie internationale présente un programme relatif aux droits humains à l'intention du Canada. Ce rapport énonce un plan directeur pour le leadership national et une position cohérente et fondée sur des principes pour le Canada à l'international que tous les politiciens devraient adopter pendant la campagne électorale et qui doivent être réalisés par les vainqueurs de l’élection.
« Le leadership international du Canada en matière de droits humains s'est affaibli au cours des dernières années, remarque M. Shetty. Nous avons assisté à l'érosion des politiques passées du Canada, notamment de sa réputation de principes et de non-partisannerie au Moyen Orient. Il y a eu l'opposition à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Et maintenant, les actions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit à l'eau potable, s'enlisent. »
Le Canada doit prendre plusieurs mesures, selon le rapport, à commencer par l'établissement d'une position en matière de politique étrangère au Moyen-Orient qui sera fondée sur une juste reconnaissance des droits humains universels des habitants de cette région. Un solide cadre des droits humains doit guider les efforts pour s'attaquer au problème de la mortalité maternelle. Des travaux doivent être entrepris pour mettre au point un plan de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le Canada doit agir en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels. Ces droits doivent être protégés et le Canada doit permettre aux personnes de porter plainte au plan international en signant le Protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. De plus, le Canada doit reconnaître l'existence du droit à l'eau potable et à l'assainissement dans le droit international.
« Le Canada peut redevenir un champion des droits humains, note M. Shetty. Les candidats aux élections doivent savoir que les Canadiens espèrent et demandent qu'ils relèvent ce défi international lié aux droits humains. »
Restaurer le leadership en matière de droits humains du Canada à l'étranger n'est que la moitié de la solution. L'autre moitié doit s'effectuer au pays. Les entreprises canadiennes et les accords commerciaux canadiens doivent respecter un solide cadre en matière de droits humains. « À titre de chefs de file dans les industries de l'extraction, les entreprises canadiennes traînent de la patte en matière de protection des droits humains, indique Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada anglophone. Les exploitations à l'étranger doivent être régies par des normes obligatoires, établies par la loi, en matière de droits humains, et il faut des évaluations indépendantes des conséquences de tous les accords commerciaux. »
L'écart persistant entre le niveau de vie des autochtones et celui des non autochtones au Canada doit être comblé. Il faut mettre un terme à l'omission constante et de longue date des gouvernements fédéral et provinciaux de reconnaître, chez les peuples autochtones, les droits en matière de territoires et les disparités flagrantes en matière d'accès convenable à la protection de l'enfance, à l'eau potable, à l'éducation et au logement.
« Le traitement des peuples autochtones a été qualifié de honte nationale, indique Béatrice Vaugrante, secrétaire générale d’Amnistie internationale Canada francophone. En matière de droits humains, c'est le plus grave et le plus ancien des échecs à réparer au Canada. »
De même, les droits des réfugiés et des migrants arrivant au pays doivent être respectés. Le traitement réservé aux personnes arrivées sur les côtes canadiennes à bord du Sun Sea en août dernier a été décrit comme « rien de moins qu'un abus de procédure » par un juge de la Cour fédérale. La solution proposée, le projet de loi C-49, a été refusée par tous les partis de l'opposition. Ce projet de loi, qui viole des principes fondamentaux de droits humains telles l'arrestation et la détention arbitraires, ne doit pas être présenté à nouveau, il doit être abandonné.
Si les nouveaux arrivants au Canada n'ont pas toujours été bien traités, les citoyens et résidents permanents canadiens à l'étranger n'ont pas non plus été protégés adéquatement par leur propre gouvernement. La liste des endroits où des problèmes ont eu lieu s'allonge : Chine, Arabie Saoudite, Éthiopie, Guantanamo Bay, Iran, Égypte et l'antichambre de la mort de l'État du Montana. Dans certains cas, le gouvernement canadien a refusé d'intervenir ou l'a fait de façon minimale; dans d'autres cas, l'intervention du Canada a tout simplement été repoussée. Le Canada a aussi contribué à des cas de violations des droits humains à l'étranger. Malgré les requêtes et les décisions de la Cour suprême et de la Cour fédérale, certains cas ne sont toujours pas résolus.
« La façon dont le gouvernement canadien traite les Canadiens à l'étranger ne peut pas être laissée au hasard, affirme M. Neve. L'aide consulaire doit être un droit explicite dans la loi canadienne et si des personnes subissent des violations de leurs droits en raison d'actions des autorités canadiennes, elles doivent être indemnisées. »
Des Canadiens ont subi des mauvais traitements à l'étranger tandis qu'au Canada, les femmes et les filles autochtones font face à degré alarmant de violence et de discrimination. Le rapport demande un plan d'action national complet pour répondre à cette crise de longue date en matière de droits humains. Plusieurs organismes féminins de défense des droits humains doivent également recouvrer l'admissibilité au financement fédéral pour la recherche et la défense destinées à la promotion de l'égalité de la femme. « Le risque de mourir par la violence est beaucoup plus élevé pour les femmes et les filles autochtones que chez les autres femmes et filles, note M. Neve. À l'aide d'un plan national et de ressources, cette tragédie peut être évitée. »
Les baisses de financement à la recherche et à la défense imposées aux organisations de femmes font partie d'un modèle plus vaste qui touche tout le Canada. Des voix indépendantes s'occupant de problèmes comme les droits des Palestiniens, la protection de réfugiés et l'aide internationale sont sans défense face aux baisses de financement gouvernemental, du moins celles qui en reçoivent. « Le respect et le soutien de l'espace démocratique et de la défense des droits humains doivent être restaurés, souligne Mme Vaugrante. Une partie fondamentale de notre processus démocratique est en jeu. »
Le rapport d'Amnistie internationale porte sur un large éventail de problèmes de droits humains qui doivent être réglés si le Canada souhaite récupérer son titre de leader. Il s'agit de préoccupations et de problèmes fondamentaux qui doivent être soulevés dans le cadre des débats menant à l'élection. Ils sont au cœur de ce que le Canada représentait, de ce qu'il pourrait représenter à nouveau à titre de champion des droits humains chez lui et à l'étranger.
« À l'évidence, le Canada a quitté le chemin des droits humains chez lui et dans le monde, déclare M. Shetty. Mais il peut le reprendre en répondant aux problèmes énoncés dans le Programme relatif aux droits humains à l'intention du Canada d'Amnistie internationale. »
[Source : http://amnistie.ca/site/index.php?option=com_content&view=article&id=15806:-reconquerir-le-titre-de-leader-en-matiere-de-droits-humains-du-canada&catid=27:communiqulocaux&Itemid=73]