Validation des Acquis de l'Expérience : se reconnaitre et être reconnu
Dans un monde où les apprentissages informels et la formation tout au long de la vie imprègnent le profil des compétences des professionnels, il est légitime de prétendre à la reconnaissance des acquis faits à force d'efforts personnels et institutionnels. La France a mis en place un dispositif de Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) qui permet à toute personne ayant acquis des compétences identifiables par le biais d'une expérience professionnelle ou associative de les faire reconnaître et de prétendre ainsi à l'obtention totale ou partielle du diplôme ou titre professionnel correspondant.
La démarche est séduisante mais l'individu qui s'engage dans cette quête se trouve confronté à des questions identitaires dans lesquels entrent en jeu l'image de soi et les ressentis personnels mais aussi l'image et les représentations que se fait l'autre de nous ainsi que la propension du milieu professionnel à intégrer et reconnaitre des compétences autres et acquises autrement.
Jérôme Eneau, enseignant à l'Université de Rennes 2 traite, dans un article intitulé Reconnaissance et validation des acquis : se reconnaître et être reconnu, des liens existant entre reconnaissance, réciprocité et identité et de leurs implications dans la démarche d'accompagnement de la validation des acquis ainsi que de l'état de la recherche dans ce domaine.
La question identitaire s'apparente à un fait social total du fait de la multiplicité et de l'interpénétration des niveaux de reconnaissance. En premier lieu, quand on s'engage dans une logique de validation des acquis, cela peut cacher une quête plus générale de son identité dans un milieu professionnel où on se sent marginalisé. Pour des individus en mal de considération, du point de vue de leur hiérarchie ou de leur carrière, mais aussi en quête de sens, pour eux-mêmes et pour leur propre trajectoire, la VAE n’est alors qu’un moyen de formaliser cette quête de reconnaissance, dont les racines sont plus profondes encore.
Il s'agit d'abord pour l'individu de reconnaitre lui-même ses compétences : les verbaliser et les formaliser avec tout de même le risque d'auto réification ou de normalisation puisqu'on cherche plutôt à se singulariser à tout prix ou au contraire à répondre à tout prix aux attentes institutionnelles. Il s'agit par ailleurs de faire reconnaitre ses acquis et donc de l'adéquation de la représentation de soi avec celle souhaitée ou exigée par le milieu professionnel. Enfin, il s'agit d'être effectivement reconnu dans son domaine, c'est-à-dire que les retombées sur le statut moral et matériel soient effectives et ressenties positivement dans le milieu de travail.
S'agissant du rôle et de la posture de l’accompagnateur en VAE face à ces demandes de reconnaissance, il faut intégrer dans la conduite du processus des données collectives et des considérations d'éthique car l'évolution sociale où les identités malmenées se heurtent à des changements déstabilisants et où les pertes de repères font apparaître, en creux ou « en négatif », le manque de reconnaissance comme symptôme d’un malaise encore plus grand engendrent un désir de valorisation et de justice sociale.
Les recherches en formation, s’intéressant à ces questions d’identification, de caractérisation des modalités de cette reconnaissance et touchant aux domaines de la psychologie, psychologie sociale, sociologie, philosophie ne sont pas encore légion mais elles associent toutes l'individuel et le collectif dans la revendication identitaire de professionnels en mal de reconnaissance.
La question est encore plus brûlante pour les professionnels ne disposant pas d'une qualification intiale de haut niveau et qui sont peu familiers du "récit de soi" par lequel passe toute démarche de VAE. C'est pourtant pour ceux-ci que la VAE a été créée, bien plus que pour les cadres et techniciens supérieurs qui composent actuellement le groupe majoritaire d'utilisateurs du dispositif.
Reconnaissance et validation des acquis : se reconnaître et être reconnu Jérôme Eneau, Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010.