Écarts croissants en l'offre de services annoncée et celle disponible : la Protectrice du citoyen appelle à davantage de transparence et d'équité

Écarts croissants en l'offre de services annoncée et celle disponible : la Protectrice du citoyen appelle à davantage de transparence et d'équité

Québec, le 1er novembre 2012 – Le rapport annuel 2011-2012 du Protecteur du citoyen a été déposé aujourd’hui à l’Assemblée nationale du Québec. Raymonde Saint-Germain, protectrice du citoyen, appelle les dirigeants de ministères et d’organismes à davantage de transparence et d’équité, dans un contexte où elle constate de nombreux écarts entre les engagements inscrits aux politiques, programmes et plans d’action et la réalité vécue par les citoyens. « En raison de ressources insuffisantes pour répondre aux besoins de la population, les services réellement offerts sont souvent différents et moins accessibles que ce qui est annoncé dans les programmes. Les prestataires de services doivent répartir les montants disponibles, ce qui occasionne des arbitrages au niveau de la première ligne et se traduit par des difficultés d’accès, des ruptures de services, des délais, des prestations insuffisantes et des iniquités, notamment d’une région à l’autre » a constaté Raymonde Saint-Germain. Elle appelle donc les dirigeants à préserver les services avant tout, à veiller à leur disponibilité en tout temps et à communiquer avec transparence les décisions aux citoyens.

EXEMPLES D’ÉCARTS ENTRE L’OFFRE THÉORIQUE ET LA RÉALITÉ

Dans le secteur de la santé et des services sociaux :

Services de soutien à domicile à long terme pour les personnes handicapées et les personnes âgées

Alors que la Politique de soutien à domicile établit que, dans le respect du choix des personnes, le domicile sera toujours envisagé comme la première option, les plaintes traitées par le Protecteur du citoyen révèlent que la réalité est souvent tout autre et qu’il existe un réel problème d’accès aux services. Parmi les éléments qui dérogent à la politique, on note l’apparition de nouveaux critères d’exclusion, la mise en place de plafonds d’heures de services, des disparités entre les régions et l’allongement des délais d’attente. Cet écart entre l’offre théorique et celle réellement disponible a un impact sur la qualité de vie des usagers, sur l’épuisement des proches aidants ainsi que sur le fonctionnement même du système de santé en raison de l’utilisation inappropriée des places en centre hospitalier, en centre de réadaptation ou en milieu d’hébergement. Pages 133 à 135

Services aux personnes ayant une déficience physique, une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement

Le Protecteur du citoyen constate et déplore le manque fréquent de coordination et les bris de services entre les centres de santé et de services sociaux (CSSS), les centres de réadaptation en déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement (CRDITED) et les centres de réadaptation en déficience physique (CRDP). Exemple : un CRDP refuse d’offrir les services de réadaptation physique à un enfant qui a un trouble envahissant du développement parce qu’il est pris en charge, pour ce trouble, par un CRDITED. Ce dernier n’est pourtant pas en mesure de dispenser les services de réadaptation physique dont l’enfant a besoin. Le Protecteur du citoyen constate que les problèmes d’accès, de continuité et de coordination des services sont liés en grande partie au retard d’implantation des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux prévus par la Loi. Pages 118 à 121

Accès équitable aux services de santé prévus pour tous les citoyens

Alors que les lois prévoient que les services de santé sont accessibles à tous les citoyens, sans égard à leur capacité de payer, le Protecteur du citoyen constate des iniquités causées par les délais d’attente. Les citoyens qui bénéficient d’une assurance privée ou de revenus suffisants peuvent en effet s’offrir des services plus rapides en clinique privée. Les autres doivent attendre l’accès au régime public, ce qui peut être au détriment de leur état de santé. Pages 141 et 142

Dans le secteur de l'administration publique :

Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale

Les prestations spéciales versées en sus de la prestation de base pour le remboursement de frais d’achat d’articles médicalement requis ne reflètent pas les prix courants. En raison de l’écart entre le prix réel et la prestation offerte, certaines personnes en situation de vulnérabilité physique et de précarité économique et sociale se privent même de ces articles qui leur sont pourtant de première nécessité. Pages 51 et 52

CSST - Direction de l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC)

Alors que la Loi sur la justice administrative prescrit que les décisions doivent être prises avec diligence, les plaintes traitées par le Protecteur du citoyen révèlent que des victimes d’actes criminels particulièrement vulnérables ont dû attendre plusieurs mois avant de recevoir une indemnité ou des services. Pages 32 et 33

Revenu Québec

Des citoyens qui avaient fourni à Revenu Québec tous les documents requis se sont vu imposer des intérêts parce que la Direction du contrôle fiscal avait tardé à traiter leur dossier. Ces personnes ont tenté, sans succès, de faire annuler ces intérêts. L’intervention du Protecteur du citoyen a été nécessaire pour que Revenu Québec convienne de l’erreur et que les citoyens ne soient pas pénalisés pour un retard imputable à Revenu Québec. Pages 82 et 83.

Ministère de la Famille et des Aînés

Dans sa Politique d’inspection des services de garde illégaux, le Ministère s’engage à « tout mettre en œuvre pour contrer la garde illégale ». Or, le Protecteur du citoyen a constaté que plusieurs mois peuvent s’écouler avant qu’une garderie illégale reçoive un avis de non-conformité. Une garderie a même poursuivi ses activités illégalement durant plus de 5 ans, au vu et au su du ministère. Page 57

Régie du logement et Tribunal administratif du Québec (TAQ)

De l’avis du Protecteur du citoyen, les longs délais de traitement des dossiers par ces tribunaux administratifs contreviennent aux principes d’accessibilité et de diligence inscrits à la Loi sur la justice administrative. Au TAQ, la situation est particulièrement problématique pour les dossiers d’indemnisation en matière d’assurance automobile où l’inventaire de dossiers et le délai moyen de traitement sont en hausse constante depuis 5 ans. À la Régie du logement, des citoyens doivent patienter plus de 2 ans avant d’obtenir leur première audition et encore plus avant qu’une décision soit rendue. Pages 77, 78, 103 à 105

DES AVANCÉES AU BÉNÉFICE DES CITOYENS

Malgré les dysfonctionnements dénoncés dans son rapport annuel 2011-2012, la protectrice du citoyen a rappelé que « dans la très grande majorité des cas, les ministères, les organismes publics et les instances s’amendent lorsque l’on porte à leur attention une erreur ou un manquement qu’ils ont commis. L’acceptation des recommandations du Protecteur du citoyen dans 98,5 % des dossiers témoigne de cette ouverture ».

Madame Saint-Germain a notamment exprimé sa satisfaction à la suite du dépôt du projet de loi no 64 favorisant l'accès à la justice en matière familiale. En instituant le Service administratif de rajustement des pensions alimentaires, ce projet de loi constitue une avancée bien concrète et répond aux recommandations exprimées par le Protecteur du citoyen dans ses rapports annuels depuis 2006.

L’IMPORTANCE DE L’ACCÈS À UN RECOURS INDÉPENDANT

Entre le 1er avril 2011 et le 31 mars 2012, le Protecteur du citoyen est intervenu auprès de 58 des 80 ministères et organismes publics qui sont assujettis à sa compétence et de 190 des 299 établissements du réseau de la santé et des services sociaux auprès desquels il peut intervenir généralement en deuxième recours. Il a répondu à 19 254 demandes de services. Les délais d’attente constituent le principal motif de plainte (36,6 %) pour ce qui est des ministères et des organismes, alors que les difficultés d’accès aux soins et aux services représentent le premier motif de plaintes et de signalements (29,1 %) pour ce qui est du réseau de la santé et des services sociaux.

Rappelons que le Protecteur du citoyen a pour mission d’assurer le respect des droits des citoyens, qu’il s’agisse d’individus, d’entreprises ou d’associations, dans leurs relations avec les ministères et organismes du gouvernement du Québec ainsi que les établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Il peut agir à la suite d’une plainte, d’un signalement ou de sa propre initiative. Par ailleurs, le Protecteur du citoyen peut proposer des modifications aux lois et règlements afin de prévenir ou de corriger des iniquités envers les citoyens.

-> Consultez le rapport annuel