Quel avenir pour l’éducation des adultes au Québec?

Quel avenir pour l’éducation des adultes au Québec?

Une lettre d'opinion du comité exécutif de l'Institut de coopération pour l'éducation des adultes (ICÉA), 22 août 2014

En juin dernier, l’Institut de coopération pour l’éducation des adultes (ICEA) apprenait que le nouveau gouvernement suspendait son financement de la Semaine québécoise des adultes en formation (SQAF). Quelques semaines plus tard, cette suspension était transformée en non-renouvellement du financement. Cette décision s’inscrit d’emblée dans les orientations du gouvernement actuel, qui réalise des compressions dans de nombreux programmes et activités.

Il faut d’abord souligner le double discours du gouvernement actuel. Le premier ministre a récemment indiqué que les décisions d’arrêt de programmes seront prises après leur évaluation et que les personnes et groupes impliqués connaîtront les raisons des compressions. Pour lui, il s’agit d’une intention pédagogique. Or, dans le cas de la Semaine, aucun protagoniste n’a présenté une évaluation et aucune raison n’a été fournie. Dans ces conditions, nous ne pouvons qu’être perplexes quant aux manières de faire de l’actuel gouvernement.

Cette perplexité est renforcée par le mandat de la commission permanente de révision des programmes, dont « les travaux […] devront permettre au gouvernement de statuer sur l’opportunité d’éliminer certains programmes, de réduire leur portée ou de les repositionner et d’être en mesure de les évaluer de façons continues ». En d’autres mots, trois possibilités existent : disparaître, réduire ou transformer. Mais dans un régime décisionnel reposant sur l’évaluation, une quatrième possibilité doit exister : croître.

En effet, des programmes qui répondent à des besoins, bien gérés et qui atteignent leurs objectifs, devraient pouvoir poursuivre leurs activités, voire être augmentés. Si cette dernière possibilité n’existe pas, le jeu est truqué et on ne peut plus parler d’un régime rationnel et raisonnable d’évaluation.

Un bilan plutôt positif

La SQAF a été mise en place dans la foulée de la politique de 2002 sur l’éducation et la formation des adultes et d’initiatives similaires existantes en Allemagne, en Suisse et en Angleterre. Cette activité s’inscrivait directement dans le sens des politiques récentes préconisées par de nombreuses organisations internationales : l’éducation et la formation tout au long de la vie. En effet, un élément majeur de celles-ci consiste à intervenir pour stimuler la demande de formation. Différents dispositifs sont proposés : reconnaissance des acquis, valorisation de l’expérience des adultes en formation, soutien financier favorisant l’accès, etc.

En soulignant l’importance de l’éducation des adultes, la diversité des pratiques en milieu institutionnel comme en milieu de travail et en milieu populaire et en présentant des témoignages positifs de personnes en formation, la SQAF agit sur la demande en éducation pour la stimuler. Il faut y voir un instrument de promotion d’une culture de la formation continue, qui a porté à conséquence en soutenant la participation et la concertation des réseaux dans toutes les régions du Québec.

L’ICEA est un lieu de rencontre et de concertation des réseaux de l’éducation et de la formation des adultes. Il a fait de la SQAF une activité majeure parce qu’elle rejoint autant les personnes formatrices qu’apprenantes, quel que soit le volet où ils font leur apprentissage. Une conséquence de la décision gouvernementale est de fragiliser l’Institut, qui fut créé il y a 68 ans.

Au cours des prochains mois, une réflexion doit s’engager sur le renouvellement de la politique en éducation des adultes. L’action gouvernementale ne peut pas s’éloigner d’une composante importante de toute politique inspirée par l’éducation et la formation tout au long de la vie, soit celle de la valorisation et la reconnaissance de la formation.

*Léa Cousineau, présidente; Isabelle-Line Hurtubise, vice-présidente; Nicole Boily, trésorière; Claude Bégin, Pierre Doray, Paula Duguay, personnes conseillères au comité exécutif et Ronald Cameron, directeur général de l’ICEA.