Rapport « L’emploi à vie est mort, vive l’employabilité! »
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Devant la gravité de la situation de l’emploi en France, les politiques classiques de lutte contre le chômage montrent leurs limites car elles n’abordent pas de front la question de la compétitivité des entreprises et celle de leur main-d’œuvre dans un contexte de concurrence internationale. Si les mesures de court terme sont nécessaires pour remédier à l’augmentation du taux de chômage, l’erreur serait de négliger une importante condition de l’emploi à long terme : l’employabilité de la population active, c’est-à-dire l’évolution des compétences des personnes en activité en lien avec l’évolution des métiers.
Le rapport L’emploi à vie est mort, vive l’employabilité !, fruit des échanges d’une commission de travail créée en 2013 sous la présidence de Jacques Gounon, PDG du Groupe Eurotunnel, énonce une série de propositions visant à permettre une meilleure employabilité selon de trois grands leviers d’actions : l’anticipation de l’évolution des métiers, un recrutement davantage centré sur les compétences que sur les diplômes et la mobilité géographique.
Si le développement de l’employabilité représente une nécessité, créatrice d’emplois à long terme, le rapport remet en cause la tendance actuelle en faveur de l’émergence d’un « droit à l’employabilité ». Le risque est de déresponsabiliser les salariés alors qu’ils devraient être acteurs de leur employabilité. Pour les auteurs, mieux vaut co-responsabiliser l’ensemble des parties prenantes : entreprises, salariés et pouvoirs publics.
Accroitre l’employabilité en France : dépasser la question de la formation
La question de l’employabilité dépasse largement la question de la formation professionnelle. Il est donc nécessaire d’éviter deux écueils : d'une part un discours simpliste sur l’employabilité, selon lequel il suffirait d’informer et de former les actifs pour qu’ils soient toujours adaptables et maîtres de leur parcours professionnel ; d'autre part l’idée que seuls les mieux formés et les plus qualifiés se saisiront des occasions offertes : en effet la persévérance et la motivation comptent autant que la formation, si ce n’est davantage.
Trois leviers d’actions pour accroître l’employabilité en France
Levier n°1 : anticiper l’évolution des métiers et assurer une meilleure transparence de ces informations
Dans un contexte d’innovations continues, liées au numérique et à l’automatisation, qui viendront bouleverser la structure et la nature des emplois dans les prochaines années, la réflexion sur l’employabilité est indispensable.
Propositions
Appliquer les principes du « quantified self » à l’employabilité. De nombreuses études sont aujourd’hui disponibles sur les emplois et leur évolution, comme la « Prospective des métiers et des qualifications (PMQ) » de la Dares. Or ces exercices ne s’accompagnent ni de plans d’action concrets ni de suivi. Il semblerait que l’obstacle tienne à la difficulté à mettre ces études à la portée de tous et à les adapter à chaque cas individuel. C’est donc la transparence des perspectives d’employabilité qu’il faut développer en personnalisant le plus possible les différents diagnostics. Or l’auto-mesure (« quantified self »), notamment dans la santé, offre un exemple intéressant de personnalisation par l’utilisation des données. Pour œuvrer à l’appropriation par les actifs des analyses sur l’employabilité et donc à la responsabilisation de ces derniers, on pourrait donc y appliquer les principes du quantified self. (Prop. 5.4).
Soutenir le développement de l'emploi dans les services. Parmi les emplois en croissance, les services figurent en bonne place. Il semble donc indispensable pour favoriser leur essor d’œuvrer à la suppression des barrières à l’entrée des professions réglementées, nombre de ces professions faisant partie des services (Prop. 6.1). Par ailleurs, comme certaines compétences indispensables aux métiers de services, telles que l’autonomie et l’attention aux autres, viennent parfois à manquer chez certains salariés, ou pourrait développer leur sens de l’engagement au moyen d’activités caritatives, par l’intermédiaire du mécénat d’entreprise (Prop. 6.3).
Levier n°2 : miser sur les compétences plutôt que les diplômes en valorisant les « compétences transférables »
L’évolution des métiers est trop rapide pour que la formation initiale s’y adapte dans le même temps, tandis que les compétences génériques ne s’apprennent pas nécessairement à l’école. Ceci implique de fonder le recrutement des salariés sur des critères plus larges que le seul diplôme ou le poste préalablement occupé. Pour pouvoir miser sur un salarié au profil atypique, il faut donc savoir reconnaître des « compétences transférables » d’un secteur professionnel à un autre. Il existe par exemple de nombreux points communs entre les boulangers et les ouvriers de la chimie, si bien que la transition de ces actifs d’un secteur à l’autre est possible - c’est d’ailleurs le cas en Allemagne.
Propositions
Utiliser les outils numériques pour identifier les compétences transférables, On pourrait utiliser la collecte et l’analyse de données en grand nombre pour mieux évaluer un candidat ou un salarié – il s’agit en somme d’appliquer positivement l’esprit du big data aux ressources humaines (Prop. 4.2).
Sensibiliser les acteurs à l’existence de compétences transférables. Le service public de l’emploi a un rôle à jouer dans la sensibilisation des employeurs à analyser les compétences au-delà du diplôme. Il pourrait par exemple mener des campagnes de communication auprès des recruteurs afin de les sensibiliser à ces compétences (Prop. 4.1)
Levier n°3 : renforcer la mobilité géographique
Le développement de l’employabilité est grandement facilité par la mobilité géographique. Or celle-ci n’est pas toujours aisée.
Propositions
Faire évoluer le contrat de travail. Une évolution du contrat de travail en autorisant l’employeur à modifier le lieu de travail sans que cela constitue une modification substantielle du contrat pourrait être envisagée (Prop. 1.2).
Réduire le coût de la mobilité géographique. Pour se faire, on pourrait soutenir la mobilité vers des zones peu attractives ou attractives selon les cas (Prop. 1.3).
Pour une « co-responsabilisation des acteurs » plus qu’un « droit à l’employabilité »
Reste une question importante, celle de savoir à qui doit revenir la responsabilité de l’employabilité. L’Institut de l’entreprise estime que celle-ci doit être partagée entre les entreprises et les actifs. A l’heure actuelle, le développement d’un « droit à l’employabilité » pour les salariés, associé à des obligations juridiques pour l’employeur (GPEC, formation, accords seniors) tend à amoindrir les obligations du salarié. Or la construction d’un parcours professionnel ne peut se faire que si le principal intéressé y est impliqué.