I. Préambule

1. Nous, le Vice-président, le Ministre de l’éducation, représentants des pays et des gouvernements locaux, représentants des organisations multilatérales et régionales, des donateurs bilatéraux, des organisations de la société civile, du secteur privé, experts individuels, enseignants et apprenants, nous sommes réunis ici au Siège de l’UNESCO à Paris, France, pour la Réunion mondiale sur
« Alphabétisation et sociétés durables » les 8 et 9 septembre 2015 à l’occasion de la Journée internationale de l’alphabétisation.

2. Nous nous sommes rencontrés à un moment capital de la définition de l’agenda mondial du développement et de l’éducation pour les 15 prochaines années. Nous reconnaissons le rôle central et crucial de l’alphabétisation pour réaliser la vision de la Déclaration d’Incheon: Education 2030, approuvée au Forum mondial pour l’éducation en mai 2015, en République de Corée : « Garantir une éducation de qualité équitable et inclusive et promouvoir les opportunités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous ». Cette vision devrait être une partie intégrante de l’agenda mondial 2030 pour le développement durable qui sera adopté au Sommet des Nations Unies pour le développement durable plus tard ce mois.

3. Nous, par conséquent, accueillons chaleureusement le thème des célébrations 2015 de la Journée internationale de l’alphabétisation et cette Réunion mondiale sur Alphabétisation et sociétés durables, qui a mis en lumière les interrelations complexes entre alphabétisation et développement durable.

4. L’alphabétisation, en tant que partie de l’éducation – laquelle est un droit humain fondamental, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 – est un moteur pour le développement durable. En même temps, les progrès dans chaque domaine du développement durable contribueront à l’amélioration des environnements alphabétisés, à la création de demandes durables, d’opportunités, et de dispositifs incitatifs pour que les personnes acquièrent, utilisent et développent davantage leurs compétences d’alphabétisme.

5. Nous apprécions les efforts concertés faits par les gouvernements, la société civile, les villes et les partenaires du développement, qui ont abouti à des changements positifs faits dans le paysage de l’alphabétisation depuis 2000. Davantage d’enfants prennent part à l’apprentissage, au sein duquel l’alphabétisation est une composante essentielle et notre monde compte 50 millions d’adultes analphabètes de moins qu’il y a 15 ans.

6. Nous sommes profondément préoccupés, cependant, par l’ampleur des défis qui nous attendent. Comme conséquence des progrès lents et inégaux, 757 millions d’adultes, dont deux tiers de femmes, ne disposent pas de compétences d’alphabétisme. D’autres groupes marginalisés tels que les minorités ethniques et linguistiques, les personnes handicapées, les habitants des zones rurales et les enfants déscolarisés sont également considérablement surreprésentés. Au moins 250 millions d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire sont susceptibles d’entrer dans l’âge adulte dépourvus des compétences d’alphabétisme fonctionnel nécessaires pour jouer pleinement un rôle dans la société.

7. Les efforts pour relever ces défis sont entravés par la fragmentation et l’inégalité des dispositifs ainsi que par l’accent mis sur les approches pilotées par l’offre qui ont souvent négligé la voix des apprenants et les demandes de la part des différents secteurs de développement; par l’insuffisante attention accordée par les politiques et le manque de ressources; et par l’absence de connections fortes entre l’alphabétisation et les opportunités d’apprentissage tout au long de la vie. La combinaison de situations d’analphabétisme et d’une éducation de faible qualité perpétue les inégalités et les disparités des chances et menace la durabilité des sociétés. Ce n’est pas le monde que nous voulons.

8. Nous, par conséquent, réaffirmons notre engagement pour l’alphabétisation en tant que base pour l’apprentissage tout au long de la vie. La « vision 2030 de l’alphabétisation », telle qu’elle émerge, considère l’alphabétisation comme étant un continuum de niveaux de compétence, et faisant partie d’une gamme plus large de compétences clés nécessaires au développement durable.

II. Directions stratégiques : Transformer la vision 2030 de l’alphabétisation en action

9. Durant cette Réunion mondiale sur « Alphabétisation et sociétés durables », nous avons identifié quelques enjeux clés et des directions stratégiques qui doivent être poursuivies dans les années à venir, notamment :

a. Garantir un accès équitable à des opportunités d’apprentissage en alphabétisation de qualité en tant que base cruciale de l’apprentissage tout au long de la vie : Un apprentissage en alphabétisation de qualité, adaptable et attentif  au genre devrait être promu en faveur de tous les groupes d’âge dans tous les pays, donnant la priorité aux groupes désavantagés. L’apprentissage en alphabétisation, qu’il soit acquis au sein de dispositifs formels, non formels ou de façon informelle, devrait être reconnu à travers des cadres de reconnaissance, de validation et d’accréditation des connaissances et compétences antérieures ou nouvellement acquises. Des enseignants, facilitateurs et autres professionnels, mieux qualifiés et plus motivés, devraient être disponibles en nombre suffisant, notamment au sein de l’éducation non formelle.

b. Allouer des ressources financières adéquates et durables : Les autorités responsables, telles que les gouvernements, Etats, autorités et municipalités locales, conformément aux dispositions constitutionnelles, et les partenaires du développement, la société civile et le secteur privé, devraient mobiliser des ressources adéquates et durables dans le cadre de la Déclaration d’Incheon et à la lumière de l’Agenda pour l’action d’Addis Abeba adopté lors de la Troisième Conférence internationale sur le financement pour le développement, et au-delà.

c. Encourager les approches innovantes pour l’enseignement et l’apprentissage de l’alphabétisation : Alors que l’utilisation et l’expansion des approches efficaces éprouvées sont cruciales, de nouvelles opportunités doivent être saisies pour améliorer les cadres des programmes et les processus d’enseignement et d’apprentissage. Le potentiel des technologies de l’information et de la communication devrait être exploité pour rendre l’apprentissage plus accessible et pertinent par rapport aux apprenants et à leurs communautés, y compris en développant des environnements d’apprentissage favorables et en fournissant des ressources d’apprentissage appropriées.

d. Enrichir la base de connaissances, le suivi et l’évaluation : Davantage d’efforts sont nécessaires pour renforcer les capacités de recherche interdisciplinaire et pour connecter les chercheurs, les praticiens et les décideurs politiques. Plus d’investissement dans les systèmes de suivi et d’évaluation est requis. Des évaluations des compétences d’alphabétisme plus crédibles, directes et accessibles devraient être établies en collaboration avec les enseignants, les familles, les communautés et la société civile dans la perspective d’améliorer la motivation, la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage des apprenants, ainsi que la formulation des politiques.

e. Edifier des systèmes d’apprentissage tout au long de la vie et partenariats robustes : La « vision 2030 pour l’alphabétisation » implique que l’alphabétisation est partie intégrante des systèmes d’apprentissage tout au long de la vie et aux cadres législatifs et institutionnels corollaires. La tâche immense devant nous exige la mise en commun de ressources pour le développement et la coordination de programmes conjoints, et des efforts inter-sectoriels soutenus de la part de parties prenantes multiples aux niveaux mondial, régional, national et local. Ceci requiert un développement des capacités des parties prenantes et le renforcement et l’élargissement des réseaux et des partenariats pour l’alphabétisation.

f. Stimuler la demande d’alphabétisation : Un plaidoyer plus fort est nécessaire afin de sensibiliser les apprenants, les communautés, les décideurs politiques et les acteurs de tous les secteurs du développement sur l’importance de l’alphabétisation et d’environnements alphabétisés pour l’avenir. Les voix des apprenants doivent être entendues et leurs besoins doivent être pourvus. Travailler ensemble entre secteurs suscitera de nouvelles demandes d’alphabétisation car les progrès en matière de développement durable exigent des compétences en matière d’alphabétisme et génèrent de nouvelles demandes.

III. Pistes d’avenir

10. Cette Réunion mondiale marque le début d’un processus capital pour réaliser notre “vision 2030 pour l’alphabétisation », qui s’appuie sur les réussites et les leçons apprises et cherche à développer des innovations pour l’avenir.

11. Reconnaissant le rôle de catalyseur et de coordinateur de l’UNESCO pour faire avancer l’agenda mondial pour l’alphabétisation, comme spécifié dans la Résolution des Nations Unies sur « L’alphabétisation pour la vie : façonner les agendas pour l’avenir » (A/RES/69/141), nous accueillons et soutenons fortement la proposition de créer une Alliance mondiale pour l’alphabétisation, articulée avec le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie. L’alliance devrait s’articuler avec le mécanisme de coordination plus large pour Education 2030, en vue de réaffirmer le rôle central de l’alphabétisation en tant que moteur pour atteindre les objectifs de développement durable et pour offrir une orientation stratégique et un élan à nos efforts collectifs dans les années à venir.

12. Un monde dans lequel chacun peut acquérir des compétences d’alphabétisme pertinentes et reconnues est à notre portée. Durant cette Réunion mondiale, nous avons franchi une étape pour relier alphabétisation et durabilité. Nous lançons un appel à nous rejoindre afin de sensibiliser et de renforcer la volonté politique et promouvoir, ensemble, la « vision 2030 de l’alphabétisation » en vue de consolider les bases d’une humanité inclusive, équitable, pacifique et durable. C’est le monde que nous voulons.