Éducation en français : gain historique pour les Franco-colombiens
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Vancouver, le 12 juin 2020 – Avec un jugement historique, la Cour suprême du Canada a donné gain de cause au Conseil scolaire francophone (CSF), à la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique et à des parents co-appelants dans le procès portant sur l’éducation en langue française qui les opposait au ministère de l’Éducation de la province. Le CSF et la Fédération des parents sont extrêmement heureux de l’issue positive de cette démarche d’une importance fondamentale pour l’avenir de la communauté franco-colombienne. Les efforts importants déployés par les deux institutions auront permis de prouver que les droits à l’éducation dans la langue de la minorité étaient enfreints par la Colombie-Britannique et qu’ils doivent dorénavant être respectés.
Ce jugement était grandement attendu par les communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada. Le raisonnement de la majorité de la Cour suprême du Canada est clair, « les enfants des titulaires de droits reconnus à l’art. 23 doivent bénéficier d’une expérience éducative réellement équivalente à celle de la majorité, et ce, peu importe la taille de l’école ou du programme en question ». Selon la Cour suprême du Canada, les tribunaux de la Colombie-Britannique « ont adopté une interprétation démesurément restrictive de l’art. 23 et de son rôle dans l’ordre constitutionnel canadien ».
L’analyse de la décision est en cours, mais il est déjà possible de mentionner quelques exemples à ce stade-ci :
i. Les conclusions de principe de la Cour suprême du Canada signifient concrètement que les Franco-colombiens « ont le droit de bénéficier de huit écoles homogènes qui leur ont été refusées par les juridictions inférieures », c’est-à-dire à Whistler, Chilliwack, Victoria Ouest, Victoria Est, Victoria Nord, Burnaby, Vancouver Nord-Est et dans la Vallée centrale du Fraser ;
ii. Sur la question de la justification d’une violation de l’article 23 par l’article premier, la Cour suprême du Canada est claire : « l’art. 23 fait partie des dispositions de la Charte dont la violation est particulièrement difficile à justifier ». Dans les circonstances, les motifs budgétaires invoqués par la province ne constituaient pas un objectif valable justifiant les violations de l’article 23 de la Charte ;
iii. Sur la question des dommages-intérêts pour le sous-financement du transport, la Cour suprême du Canada rétablit la conclusion de la juge de première instance, selon laquelle la province doit payer des dommages-intérêts pour le transport, mais également pour le sous-financement de la subvention annuelle aux installations. Un montant total de 7,1 millions de dollars en dommages-intérêts est octroyé au CSF ;
iv. Sur la question du remboursement des frais juridiques, la Cour suprême du Canada tranche en faveur du CSF et de la Fédération des parents et conclut qu’ils « ont droit à leurs dépens devant notre Cour et devant les juridictions inférieures » ;
v. Sur la question du type de programmes ou d’écoles auquel les parents ont droit en vertu de l’article 23 de la Charte (par ex. une école homogène ou une école partagée avec la majorité), la Cour suprême du Canada accepte l’interprétation proposée par le CSF et la Fédération des parents et conclut notamment qu’« une approche formaliste qui exigerait que le nombre des élèves de la minorité soit absolument égal ou supérieur à celui des élèves des écoles de la majorité pour que les premiers aient accès à des établissements distincts et équivalents aurait pour effet de renforcer le statu quo et irait à l’encontre de l’objet réparateur de l’art. 23. Il y a donc lieu de faire preuve de souplesse dans l’appréciation de ce qui constitue un nombre comparable » ;
vi. La Cour suprême du Canada rejette l’approche des tribunaux de la Colombie-Britannique qui « tient compte de projections à court terme plutôt que du nombre d’élèves qui se prévaudront en définitive du service […] Une telle approche, qu’on pourrait qualifier de « temporelle », a pour effet d’imposer à la minorité le fardeau de réclamer au gouvernement une amélioration des services qui lui sont offerts chaque fois que le nombre d’élèves franchit un nouvel échelon de l’échelle variable et, si nécessaire, de s’adresser aux tribunaux afin de revendiquer ses droits à cet égard. Un tel résultat n’est pas souhaitable » ; et
vii. La Cour suprême du Canada écarte l’approche des tribunaux de la Colombie-Britannique qui garantissait seulement des écoles avec des infrastructures proportionnelles à celles de la majorité lorsque les nombres se situaient au milieu de l’échelle variable. Selon la Cour suprême du Canada, « [l]’application de ce critère de proportionnalité a pour effet de cautionner une expérience éducative de qualité inférieure pour les minorités linguistiques officielles, le niveau d’infériorité étant déterminé par la taille de l’école de la minorité par rapport à celle de la majorité. Un tel résultat va à l’encontre de l’objectif réparateur de l’art. 23 […] En conséquence, toutes les communautés desservies par le CSF sont en droit d’obtenir des écoles ou des programmes d’éducation offrant une expérience éducative réellement équivalente à celle des écoles avoisinantes de la majorité, et les conclusions de la juge de première instance doivent être modifiées pour en tenir compte ».
« La situation des écoles du CSF est critique et nous nous réjouissons que la Cour suprême du Canada ait reconnu les injustices vécues par les familles francophones de la Colombie-Britannique », indique Marie-Pierre Lavoie, présidente du conseil d’administration du CSF. « Nous sommes heureux que l’urgence de soutenir pleinement le droit à l’éducation en français en Colombie-Britannique soit prise en compte et nous souhaitons travailler en collaboration avec le ministère de l’Éducation à cette fin », conclut-elle.
« C’est une victoire pour les parents francophones qui, depuis la création du CSF, réclament des écoles équivalentes dans bon nombre de communautés de la province, afin d’offrir à nos jeunes une éducation de langue française véritablement équivalente à celle dispensée dans les écoles de langue anglaise et ce, de la maternelle à la 12e année », affirme Suzana Straus, présidente de la Fédération des parents. « Nous savons que beaucoup de ces parents ont dû, depuis des années, composer avec une situation loin d’être idéale pour leurs enfants, et nous les remercions de nous avoir fait confiance tout au long du processus de la cause juridique », ajoute-t-elle.
Cette décision historique constitue un outil inestimable qui permettra d’assurer l’épanouissement de la communauté franco-colombienne par l’entremise d’une éducation en langue française. Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais le jugement de la Cour suprême du Canada représente indéniablement un bond important dans la bonne direction.