Économie

Le Comité des 12 jours d’action contre les violences envers les femmes est composé cette année de la Fédération des femmes du Québec, d’Action des femmes handicapées (Montréal), du Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine, du Conseil Québécois LGBT, de DAWN /Réseau d’action des femmes handicapées du Canada, de Femmes Autochtones du Québec, de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, de la Fondation Filles d’action, de la Fondation Paroles de femmes, de la Voix des femmes, de la Maison d’Haïti, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et du Y des femmes de Montréal. Illustration et conception: Kay Nau

La campagne du Comité des 12 jours d’action contre les violences envers les femmes est réalisée grâce à une contribution financière du Secrétariat à la Condition féminine.

Nous l’avons démontré à travers l’exemple du système de justice et du système de santé dans les planches qui précèdent : les violences envers les femmes sont systémiques. Elles touchent toutes les sphères de la société. Or ces violences ont bien sûr imbriquées, elles interagissent entre elles.

Prenons l’exemple du marché de l’emploi :près du quart des femmes de 25 à 54 ans occupent un emploi à temps partiel, notamment parce qu’elles doivent ou choisissent de s’acquitter d’obligations personnelles ou familiales (enfants, parents, etc.); le taux d’emploi des femmes racisées est de 62% ; le salaire médian des femmes immigrantes est de 58, 8% de celui des hommes non immigrants; les femmes en situation de handicap gagnent 72 % du salaire des hommes en situation de handicap. Or, Les violences à l’égard des femmes s’imbriquent et se renforcent mutuellement ! Comment quitter un employeur abusif quand on est une femme sans statut ? quand le marché de l’emploi ne reconnaît pas nos compétences parce qu’on est une femme racisée ? ou quand il nous maintient dans un emploi à temps partiel et sous-payé ?

Prenons l’exemple du marché locatif : Au Québec, il y a une pénurie de logements abordables. Le loyer médian a augmenté de 13,6 % entre 2006 et 2011, alors que l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 8,8 %. Selon le FRAPRU, “les ménages locataires dont le principal soutien financier est une femme consacrent 30 % et plus de leur revenu pour se loger dans une proportion de 41 %, contre 33 % dans le cas des hommes”. L’itinérance des femmes, et notamment des femmes les plus marginalisées, est une réalité complètement invisibilisée mais non moins réelle. Là encore, les différentes formes de violences envers les femmes se renforcent mutuellement. Comment dénoncer un propriétaire qui nous harcèle sexuellement quand on sait que - en tant que femme racisée ou immigrante, on sera discriminée sur le marché locatif ? ou que - en tant que femme en situation de handicap - il y a une pénurie de logements accessibles ? ou que - en tant femme trans migrante dont les papiers ne correspondent pas à notre genre, on sera revictimisée en cherchant un logement ?

L’austérité est une violence faite aux femmes. L’institut de recherche et d’information socio-économique, publiait dans une étude en 2015, que les femmes ont subi des mesures d’austérité de l’ordre de 13 G$ tandis que les hommes n’ont été affectés qu’à hauteur de 9,9 G$. Comment quitter un conjoint violent quand on sait que l’autonomie économique n’est pas à la portée de toutes ? que les prestations d’aide sociale sont insuffisantes pour répondre aux besoin de base ? que l’on risque de perdre la garde des enfants ? que les mesures d’intégration à l’emploi ne seront pas adaptées à leurs besoins? C’est pour cela que nous avons montré dans la bande dessinée que, trop souvent, sortir d’une maison d’hébergement, c’est retourner dans le labyrinthe des violences systémiques !

Il faut ajouter à cela, qu’en raison même de l’austérité et du sous-financement chronique des services, ce ne sont pas toutes les femmes qui ont accès à des services d’aide, de soutien et d’hébergement. Par exemple, une femme qui vit de la violence conjugale et qui utilise le transport adapté n’a pas la garantie d’obtenir un transport d’urgence en toute confidentialité lorsqu’elle décide de quitter un environnement où règne la violence. Combien de femmes immigrantes et de femmes autochtones n’ont pas accès à des services d’hébergement adaptés dans leur langue ? Les organismes qui travaillent avec les femmes marginalisées, comme les femmes trans ou les femmes réfugiées, n’ont plus les moyens de répondre aux besoins, alors même que ces femmes se heurtent à des barrières systémiques dans l’accès aux services disponibles.

Cette dernière décennie aucun montant d’argent récurrent et significatif n’a été injecté dans les ressources et les services pour les femmes victimes de violences. Il y a un sous-financement chronique des maisons d’aide et d’hébergement pour femmes autochtones. Les organismes de défense des droits des femmes et les centres de femmes sont de moins en moins financés et le financement à la mission globale se raréfie au profit du financement par projet qui nous ralentit et détourne nos organismes de leurs missions. Cette situation est dramatique pour les femmes, puisqu’elle arrive au moment même où les mesures d’austérité aggravent toutes les discriminations systémiques. Il est temps que nos expertises et notre mission soient véritablement reconnus !