Justice

Le Comité des 12 jours d’action contre les violences envers les femmes est composé cette année de la Fédération des femmes du Québec, d’Action des femmes handicapées (Montréal), du Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine, du Conseil Québécois LGBT, de DAWN /Réseau d’action des femmes handicapées du Canada, de Femmes Autochtones du Québec, de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, de la Fondation Filles d’action, de la Fondation Paroles de femmes, de la Voix des femmes, de la Maison d’Haïti, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et du Y des femmes de Montréal. Illustration et conception: Kay Nau

La campagne du Comité des 12 jours d’action contre les violences envers les femmes est réalisée grâce à une contribution financière du Secrétariat à la Condition féminine.

Obtenir justice après une agression à caractère sexuel : une course à obstacle

La justice n’est toujours pas un droit acquis pour les femmes. Nous avons choisi de le démontrer à travers l’exemple des obstacles systémiques qui se dressent entre les survivantes d’agressions sexuelles et la justice.

En moyenne, une femme sur trois sera agressée sexuellement au moins une fois au courant de sa vie. Ce taux est plus élevé pour les femmes en situation de handicap, notamment parce que notre société les infantilise et les isole. Ce taux monte même à 4 femmes sur 5, lorsqu’elles vivent avec un trouble de santé mentale. On parle de plus de 600 000 agressions sexuelles par année au Canada. Dans 96,8% des cas les agresseurs sont des hommes et dans 78,1% des cas les femmes en sont les victimes. Or, 95% des femmes agressées ne portent pas plainte. Parmi les agressions dénoncées, 3 plaintes sur 1000 seulement se soldent par une condamnation. On sait que jusqu’il y a quelque mois, près de 20% des plaintes déposées à la Sûreté du Québec étaient classées comme « non fondées ». Depuis, certaines ont été reclassifiées comme “non solutionnées”, et le taux des “non fondées” demeurent très élevés (12%). Cette planche de bande dessinée illustre le fait que notre société, incluant notre système de justice et notre système policier, crée de nouvelles violences pour les survivantes. Elle les re-victimise. C’est ce que nous qualifions de #violencesystémique.

Les survivantes savent que leur parole sera mise en doute et invalidée. En effet, la manière dont notre société se représente la “bonne victime” fait en sorte que de nombreuses femmes sont d’emblée discréditées, surtout si ces femmes sont à la marge, par exemple parce qu’elles sont trans, sont racisées, sont dans l’industrie du sexe, vivent avec des troubles de santé mentale ou sont Autochtones. Que ce soit avec leurs proches, le corps policier, des intervenant.e.s de la santé ou encore les juges: ce sont les survivantes qui doivent alors justifier leur comportement, leur mode de vie, leur vêtements, leur consommation, leur réactions.

C’est ainsi que la colonisation se manifeste aujourd’hui par les violences vécues par les femmes autochtones (haut taux de violences sexuelles, violences policières, pénuries de service, stéréotypes multiples, etc.). Les témoignages des femmes à Val d’Or ont démontré à quel point les femmes autochtones ne peuvent faire confiance aux corps policier. Elles savent que leur dénonciation peut entraîner une perte de la garde des enfants suite à une intervention la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) alors même que les enfants autochtones y sont déjà surreprésentés.
Lorsqu’elles dénoncent, justice ne leur ai pas rendu. Encore tout récemment, on apprenait que l’agresseur d’une femme Inuite avait obtenu une absolution inconditionnelle, alors même qu’il avait plaidé coupable.

On ne le répètera jamais assez : les survivantes n’ont pas toutes accès à des ressources psychologiques, médicales, judiciaires et financières. Les femmes criminalisées ou à risque de le devenir (parce qu’elles n’ont pas de statut migratoire ou qu’elles sont dans l’industrie du sexe par exemple) n’ont presque aucun recours. Les femmes trans se heurtent à des refus de services, comme le refus de faire un “rape kit” et à de la revictimisation à cause de la transphobie. Les femmes racisées ou immigrantes savent qu’elles seront confrontés au racisme de nos institutions, par exemple, parce que la juge banalisera l’agression au nom de leur supposée “différence culturelle”. Les femmes qui reçoivent des soins à domicile ont une vulnérabilité accrue envers les donneurs de soins (proches aidant ou professionnels). Elles ne peuvent pas compter sur des mécanismes de vérification et des protocoles précis pour contrer et prévenir la maltraitance ou la violence. La culture du viol - reproduite notamment dans les propos de journalistes, d’humoristes ou de juges - diffuse le mythe que les femmes devraient se sentir flattées d’être agressée sexuellement, surtout lorsque les victimes ne correspondent pas aux normes de beauté féminine.

Cette situation est aggravée par les politiques d'austérité qui sabrent dans les ressources de nos organismes d’intervention auprès des femmes. Récemment, nous avons réalisé l’ampleur de ce manque grâce à la campagne #moiaussi qui, en l’espace de quelques jours, a fait déborder les services de soutien aux victimes. Ainsi, il y a une absence de services pour les victimes d’agressions sexuelles dans certains quartiers de Montréal tel que Montréal-Nord, dans plusieurs villes au Québec et dans certaines régions comme le Nord du Québec ou le Saguenay Lac-St-Jean. L’austérité touche tous les organismes qui apportent différents types de soutien aux femmes comme les centres de femmes, et en particulier les organismes qui travaillent avec les femmes marginalisées (parce qu’elles sont Autochtones, trans, itinérantes ou consommatrices de drogue par exemple). Les besoins spécifiques de nombreuses femmes ne sont alors pas comblés, ce qui a pour effet d’exclure ces femmes, parce qu’elles sont Sourdes, qu’elles ne parlent pas le français ou l’anglais ou qu’elles sont à mobilité réduite par exemple.

Non seulement, les agressions sexuelles sont le produit de la culture du viol, mais en plus, nos institutions constituent un véritable parcours d’obstacles pour les survivantes. Il est temps de lutter contre cette #violencesystémique. La justice doit être un droit pour toutes.